Itinéraire: Bernard Blanc, directeur général d’Aquitanis, le parcours d’un éternel apprenant


Isabelle Camus
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 26/11/2012 PAR Isabelle Camus

C’est par accident que Bernard Blanc naîtra à Vesoul, en 1954. Son père, militaire de carrière qui a fait l’Indochine, revient des colonies pour reprendre le commandement d’une base en Allemagne. Ecarté, « poussé du pied », ce dernier s’arrête dans la ville immortalisée par Jacques Brel, pour faire d’elle le berceau de son fils doté, dès la naissance, de la double nationalité. Si lui est suisse, sa femme est indochinoise. Les premières années de  Bernard Blanc se dérouleront donc à Larh, en Allemagne, près de Baden Baden, dans une base militaire française d’après guerre, où Monsieur Blanc père, est colonel de l’armée de l’air. Une soeur née au Maroc et un frère né en France complètent la fratrie. Evoluer entre la famille bourgeoise  protestante calviniste paternelle et la culture bouddhiste animiste maternelle offrira à l’enfant un panorama d’idées aussi contrastées que complémentaires. « Dans notre société très crispée sur les questions identitaires, ça m’a donné un bagage plus tranquille et plus ouvert ». Au côté rationnel, logique et rigoureux de son père ingénieur et militaire souvent absent, Bernard Blanc réagira en passant un bac Lettres. « Très littéraire, j’assurais des compléments de cours dans mon bahut ou je faisais le prof sur un thème de littérature contemporaine, option Nouveau roman. Des animations libres très marrantes ».

L’exigence intellectuelle pour agir sur le réelSuivront Sciences Po à Bordeaux en 1974, puis un 3ème cycle à la Sorbonne pour un DESS sciences humaines, option sciences de l’éducation, le tout en travaillant à la Chambre de commerce de Toulouse (1983). Un MBA à HEC à Paris, de 1995 à 1997, avec cours du soir le samedi, un DEA en Sciences de gestion l’attestent, Bernard Blanc a besoin d’armer sa réflexion et d’alimenter sa théorie. Pour lui, quand vous avez la manière de fonctionner intellectuellement, vous avez les moyens d’appliquer, et inversement, pour comprendre et renforcer une pratique. « Je ne suis pas un manuel, ni un ingénieur, ni un vétérinaire; ma pratique ne se cantonne pas à une simple expertise. On brasse tant de choses dans le champ des politiques publiques de l’urbanisme. Or je ne suis ni urbaniste, ni financier, ni architecte, ni un grand fonctionnaire de l’Etat. Il faut que j’apprenne à chaque fois ». On l’aura compris, Bernard Blanc n’est pas homme à se satisfaire de 2 ou 3 idées glanées. Son exigence intellectuelle se nourrit de rencontres marquantes : « j’ai cotoyé Gérard Malglaive ou René Barbier, des pontes du travail de recherche en sciences de l’éducation et les meilleurs chercheurs en sciences de gestion ». C’est ainsi qu’en 2004, il passe un doctorat dans cette discipline qui favorisera sa rencontre avec Renaud Sainsaulieu, personnalité marquante de la sociologie française effectuant ses recherches sur le terrain, dans les HLM, pour étudier les indentités culturelles. « La recherche avec des gens de ce niveau, vous rend humble et à la fois capable d’appréhender et d’agir sur le réel. J’ai moi-même mis en application sa feuille de route pour vérifier si on pouvait tenir le réel avec ce qu’un chercheur avait en tête. L’alternance entre théorie et pratique dans la durée est fondamentale ». Et de citer Philippe Lorino, son maître à penser Polytechnicien, ingénieur en chef des Mines, docteur en Sciences de Gestion, professeur à l’ESSEC en contrôle de gestion. « Parmi ses principaux domaines de recherche figuraient les approches du contrôle de gestion et de la gestion des compétences. Une démarche fondée sur l’analyse de l’activité collective et les dynamiques organisationnelles d’apprentissage… Je me suis construit là-dessus ».

Élaboration des référenciels et formation

Des Aubiers au Lac, un nouveau siège pour Aquitanis

Bernard Blanc passera 15 ans dans le réseau des Chambres de commerce en mode formation des adultes et ingénierie pédagogique. Pour faire simple, sa mission est de rentrer dans la boite noire pour voir comment les adultes (ré)apprennent les maths ou les nouvelles technologies, amener des ouvriers fondeurs sans CAP à intégrer un process automatisé ou aider un groupe à s’approprier des outils et changer de niveau. Puis il glisse vers le conseil aux PME  et le management. Contractuel de droit privé avec une mission de service public. « Je rentrais dans  la gestion des outils de production pour soutenir aussi bien les canards boiteux qu’accompagner l’innovation ». C’est en 1992, à Paris, qu’il intègre l’Union Sociale pour l’Habitat, dans une filiale conseil et formation de 300 organismes HLM. Puis en 1998, à Nancy, il prend la tête de l’OPAC de Meurthe et Moselles (Office public d’aménagement et de construction, en France, institution publique intervenant dans le domaine du logement social). Deux ans après, ce sera celui de Saint Nazaire pour arriver enfin, en 2008, à Bordeaux, chez Aquitanis. Sa passion pour les lettres est, pour le moins, mise en veilleuse, même si à Saint Nazaire il est administrateur de la Maison des écrivains étrangers et écrit. A Bordeaux, dès 2009, sa vision sera de rompre avec une certaine conception issue des formations d’ingénieurs de ministères qui n’ont qu’un objectif : loger des gens à revenus modestes et construire du logis. Ce n’est pas encore l’humain qui prime, quand aujourd’hui il est devenu dominant.

Se mettre en phase avec un territoire
Dans un milieu où le référent, le métre étalon est le nombre de logements, Bernard Blanc veut rajouter autre chose. « Aujourd’hui on me dit, avec 17 000 logements vous avez réussi. Passer de petit, moyen à gros est vraiment une belle progression. D’abord il y a plus important, Domofrance est à 20 000 logements. Et puis on oublie que nous avons aussi un métier de service, nous sommes aussi là pour élaborer des services, sortir du  » pourvu que j’aie fait mes chiffres j’ai fait le job ». Un job qui, en 4 ans et demi d’exercice, a consisté aussi à réaliser comment se mettre en phase au sein d’un territoire où les enjeux majeurs ne manquent pas. Aquitanis, ex-office de la ville de Bordeaux, devenu l’office outil de l’agglomération en 1993, a d’ailleurs resigné avec la Communauté urbaine et reconstruit des relations après avoir pendant longtemps, marché oblige, favorisé logement individuel et développement péri-urbain. Sans oublier l’aventure des Hauts de Garonne : « On a démoli 1590 logements et reconstruit de 1993 à 2008.  Aquitanis était trop accaparé pour s’occuper de la ville centre ». Ni celle qui se profile avec le Grand Projet de Ville (GPV) où, pour l’exercice 2014, ont été planifiés 800 logements locatifs et 150 en accession avec leur fililale coopérative Axanis. « Notre objectif est de sortir 850 logements par an avec la signature d’une convention de programmation unique en France, sauf à Lyon, qui nous assure une aide financière (Aquitanis ne bénéficie d’aucune subvention et ne vit que de ses loyers). Autrement dit nos fonds propres à hauteur de 550 logements et un différentiel pour pousser jusqu’à 850, financé par la CUB. Soit une aide directe de 90 millions d’euros, complètement liée à la contribution des 50 000 logements répartis entre les divers bailleurs et promoteurs en lice.

logo Aquitanis OPH de la CUB

Des Aubiers au Lac

Aujourd’hui c’est de son grand bureau flambant neuf, au 6ème étage du tout nouveau siège d’Aquitanis, aux portes de l’éco-quartier, Ginko, quartier du Lac, que Bernard Blanc supervise la multitude des projets en cours ou à venir.  Des innovants comme celui de la coopérative d’habitants à Bègles, une expérience d’habitat participatif, ou de réhabilitation en site occupé (GHI) du patrimoine existant et vieillissant comme celui du Grand Parc (530 logements), en passant par le concept d’habitat inter-générationnel. A l’évidence, le Directeur général d’Aquitanis n’est pas près de trouver le temps de s’adonner aux lettres. A l’horizon 2030, tout en la densifiant, aux portes de l’échéance qui doit la consacrer métropole millionnaire, il oeuvre à rendre la ville  » habitable, désirable, humaine, durable et… abordable ».

 

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