Interview : Etienne Parin, directeur du GPV : « Faire cohabiter les hommes et les papillons dans le Parc des Coteaux »


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Temps de lecture 9 min

Publication PUBLIÉ LE 01/07/2011 PAR Laura Jarry

@qui! – Ce séminaire du 31 mai a été un moment important dans la mesure où c’était l’occasion de faire le point avec les élus, les associations de l’état d’avancement du projet de Parc des Coteaux. Il y a eu beaucoup de brassages, beaucoup d’idées qui ont mis en évidence des attentes. Quels enseignements essentiels tirez-vous dans votre responsabilité de ce grand premier rendez-vous mis au point ?
Etienne Parin –
D’abord, très clairement, un intérêt partagé. Si l’on se souvient, cela fait une petite dizaine d’années, dans les années 2001-2002, qu’est venue l’idée de ce Parc des Coteaux ; il y avait énormément d’autres problèmes à régler : le renouvellement urbain, le tramway, les grands équipements, l’éducation… Certains grands élus étaient certes intéressés, mais disaient « On va voir, et on fera ce qu’on pourra ». Aujourd’hui, la preuve par l’action – ce qui compte à mon avis – a été faite que non seulement ce n’est pas « une cerise sur le gâteau », un supplément d’âme ; mais qu’il est au cœur du renouvellement du dispositif urbain de la Rive Droite. C’est un levier fondamental. Un levier géographique entre le haut et le bas des Coteaux. Un levier symbolique, aussi, puisque ça a été longtemps assumé comme une fracture sociale, économique entre les riches bourgeois qui habitaient sur les hauteurs dans de beaux domaines et les ouvriers qui travaillaient sur les chantiers navals en bas, dans les marais…

La Rive Droite en pleine mutation: une idée acquise auprès des habitants de la Communauté Urbaine

Aujourd’hui, l’idée d’une Rive Droite en pleine mutation est absolument acquise dans l’esprit des habitants de la Communauté, de la métropole. Ce n’est pas encore abouti, mais les gens ont la conviction que quelque chose de déterminant est en train de se passer, de réussir. Il serait donc tout à fait grave qu’une dynamique forte se fasse au détriment de ce qui a fondé un territoire. Il y a le fleuve. Et il y a les Coteaux. Aujourd’hui, ils sont reconnus comme un élément déterminant. C’est important, et les deux cent personnes qui étaient présentes à cette journée, d’horizons extrêmement diverses (des habitants, des associations, des administrations, des chefs d’entreprises), venaient voir ce qu’il en était. Chacun étant sans doute un peu convaincu pour lui-même, mais venant vérifier qu’il n’était pas tout seul à être convaincu d’une vérité. C’était un dispositif reconnu collectivement, c’était un peu notre test. Il a fallu ensemble rappeler les différentes étapes ; tout cela ne s’est pas fait en un jour, mais avec une méthode et un peu de rigueur. Et il a fallu débattre également aussi sur des questions ouvertes.

Un projet social, économique…

@qui! – Parmi ces questions ouvertes, celle du développement de la Rive Droite était importante. Comment articule-t-on un projet dont vous dites avec beaucoup de force qu’il est structurant, avec, malgré tout, le développement, le besoin de logements ? Est-ce qu’il n’y a pas des conflits d’usage qui y sont sous-jacents ? Est-ce qu’on va les maîtriser complètement ?
Etienne Parin –
Il y a bien sûr des risques de conflits d’usage multiples. Il ne faut pas entrer dans cette question là à reculons mais franchement, avec volontarisme. Le projet de la Rive Droite, c’est un double projet, voire davantage. Le projet social est de faire venir des populations qui jusqu’ici hésitaient pour des raisons d’image du territoire. Il a des qualités énormes, est à proximité du centre-ville, de dessertes par les grandes infrastructures, de niveaux de services ; mais il souffrait, jusqu’à il y a cinq-six ans de déficit d’image. Donc, toute l’opération de renouvellement urbain sert à faire basculer cette représentation collective pour montrer les avantages objectifs, qualitatifs de ce territoire, qui compensent très largement d’éventuels déficits liés à son histoire sociale. Ce volet du pari est en passe d’être gagné, puisque les marchés sont mobilisés maintenant et que pas une semaine ne se passe sans qu’on inaugure une résidence, que l’on pose une première pierre. Maintenant, cela pose d’autres problèmes : la maîtrise foncière, le niveau de solvabilités des ménages… Tout ça, c’est « la rançon du succès », il ne faut pas s’en plaindre : cela fait sept-huit ans qu’on se bagarre pour diversifier cette offre, que des populations d’origines et de conditions différentes cohabitent normalement, comme n’importe où dans la métropole.
Le projet économique est plus compliqué; il a été dans un premier temps basé sur la zone franche urbaine. C’est plutôt une réussite puisqu’on a accueilli près de dix mille emplois supplémentaires sur cette petite partie du territoire qui n’en comptait que trois mille cinq cents ; on a accueilli pas loin de deux mille entreprises, petites certes mais souvent à haute valeur ajoutée, grand niveau de créativité. Reste maintenant la question de savoir ce que l’on va faire de ces trois cent hectares industriels dont on hérite aujourd’hui. C’est considérable, trois cent hectares, peu d’agglomérations en Europe ont ce capital. On ne peut pas se tromper, il faut viser juste, travailler à plusieurs, en confrontant les points de vue.

… et de territoire.

Là aussi, on voit que les décideurs qui s’installent quelque part sont très axés sur la qualité de l’environnement ; ce n’est pas qu’un effet de mode, c’est de la qualité de vie. Un conjoint par exemple, quin’a pas forcément un travail mais des enfants, s’inquiète des conditions de vie, va faire le tour de l’agglomération pour aller habiter un endroit sympa, sur place. Un projet par exemple qui est extrêmement intéressant, c’est le projet Darwin: ce sont des jeunes qui sont venus sur la Rive Droite installer leurs boîtes, voilà quelques années parce qu’il y avait une zone franche.. Ils se sont confrontés à d’autres jeunes, travaillant plus ou moins dans le même domaine, ils avaient une fibre écologique extrêmement affirmée et se sont dits : « Voilà, on est sur ce territoire qui est vierge de tout projet qui condamnerait sa qualité, on peut faire le pire certes, mais on peut aussi faire le meilleur. On va essayer de faire le meilleur. Donc on est là, on retrousse ses manches, on fait un projet. » Et là le projet économique retrouve le projet environnemental. En fait, les trois projets ne doivent surtout pas être séparés. C’est un vieux débat, c’est un projet sur le territoire qui a une vision transversale des choses. La ville, c’est la complexité, donc on ne peut pas penser séparer les problèmes.

Des papillons et des hommes…

@qui! – A l’occasion du séminaire, on a vu qu’il y avait déjà des espaces qui étaient ouverts, qu’il fallait trouver la liaison entre les uns et les autres, que ce n’était pas si difficile mais en même temps pas très simple puisqu’on est en milieu urbain et qu’il fallait donc aussi qu’il y est une signalétique adaptée pour qu’on se les approprie. Comment faire cela ?
Etienne Parin –
Effectivement, il y a plusieurs questions majeures. La première question, c’est la proximité : est-ce qu’il y des chaînons manquants ? Sur les douze kilomètres à vol d’oiseau et vingt-cinq en cheminement, il y a forcément, par endroits, des passages plus difficiles que d’autres ; si c’est un passage trop difficile, on fait un petit détour par la ville et on revient dans le Parc. Mais l’idée, c’est effectivement d’avoir, le plus vite possible, une grande continuité pour le promeneur à pied ou à vélo. Cela fait partie d’un projet pluriannuel que nous sommes en train de poursuivre avec des partenaires qui ne nous ont pas lâchés, le Conseil général, la Région, l’Europe… On est tous autour de la table et il ne faut surtout pas lever le pied, sinon cela n’aurait pas de sens. La deuxième question posée, c’est une question un peu paradoxale. Le Parc des Coteaux, on le voit très bien de loin : quand on est sur les Quais, à Bordeaux, depuis le Miroir d’Eau par exemple, le fond de scène bordelais, c’est les Coteaux de Garonne. Mais, quand on franchit le pont et qu’on se rapproche, ils disparaissent parce que la ville vient faire écran. Cet effet de paradoxe, on y a beaucoup réfléchi et élaboré un plan de jalonnement : comment va-t-on à tel ou tel endroit du Parc, au centre, au sud, à Palmer, à Beauval, à la Burthe?…
Il faut des outils de signalisation urbaine : nous avons proposé un certain nombre de dispositifs que nous allons devoir négocier avec la Communauté Urbaine de Bordeaux et éventuellement les services de l’Etat, en ce qui concerne la Rocade. Nous avons un outil papier qui est un plan de découverte, des outils informatiques que nous sommes en train de mettre en place (les fameuses QR Codes, ces petites balises que l’on peut utiliser avec les smartphones) pour avoir l’information sur les lieux. Nous travaillons sur des aspects purement fonctionnels : comment on traverse, comment on arrive, comment on s’informe, combien de kilomètres pour aller à tel endroit?

La troisième question qui va se poser est délicate et fait toujours débat, c’est la part de la préservation de la nature et sa valorisation, comme outil de développement de la ville. Les passionnés-botanistes ont découvert un grand écosystème – il est d’ailleurs reconnu que la plus grande biodiversité n’est pas à la campagne, mais davantage dans des parcs urbains comme celui-ci. Il y a donc des corridors de continuité et de biodiversité exceptionnels, qu’il faut préserver. Pour autant, il ne faut pas en faire un sanctuaire pour les papillons. Les hommes sont là ; donc il faut faire cohabiter les papillons et les hommes. Il faut que le discours de ceux qui s’attachent à la vie des papillons soit un discours ouvert à ceux qui portent un discours sur la valorisation, et inversement ; il faut que les gens se parlent. Ce séminaire était l’occasion de confronter les points de vue, certes différents, mais chacun reconnaissant qu’il fallait qu’ils convergent. Même si c’est difficile, même s’il y a des préalables. On ne peut pas ignorer la présence des orchidées sauvages, des ragondins (même si ceux-ci sont nuisibles par certains aspects), pas plus qu’on ne peut ignorer la présence de jeunes qui ont envie de se promener ou de faire du vélo. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de traiter de cette complexité.
Tout cela passe par l’expérimentation. Et pour nous, cela a été l’opération Panoramas.

Panoramas 2012: une aventure métropolitaine…

@qui! – Quelle importance Panoramas a-t-elle pris ? Et quelle importance prendra-t-elle l’an prochain ?
Etienne Parin –
Cela a été un test grandeur nature, et dans tous les sens du terme. On a testé la capacité pour mobiliser le public pour découvrir des lieux, pour les révéler – le terme de la révélation était au cœur de l’histoire que l’on a raconté -, de nouveaux usages avec par exemple de nouvelles formes de musiques, d’arts contemporains, numériques ; de nouvelles formes de promenades, dans le Parc, avec des haltes culturelles, avec des moments forts, avec l’installation d’un appartement au fond d’un parc ; de nouveaux regards photographiques bien évidemment, des installations diverses… Pour créer des surprises qui interpellent l’usager, l’artiste et l’amoureux de la nature. Ce télescopage d’évènements de découverte – qui n’a pas réussi puisqu’il s’agissait évidemment d’un test -, a constitué un moment d’interpellation dont on voulait rendre compte à travers ce séminaire. On le devait à tous ceux qui ont fait le pari de cette aventure, c’était l’occasion de distribuer une brochure-bilan.

@qui! – Il y a quand même eu une belle appropriation populaire de cet événement de portée culturelle ?
Etienne Parin – Il y a eu une appropriation des publics de la Rive Droite, et plus largement. A tel point qu’aujourd’hui, la Communauté urbaine s’interroge sur la façon de faire de Panoramas un levier à son projet d’évènement métropolitain de l’été. On est en train d’y travailler avec les services de la Communauté Urbaine, d’autres villes. L’idée serait que Panoramas 2012 soit l’aboutissement, non pas d’une aventure Rive Droite, mais d’une aventure métropolitaine.


Propos recueillis par Joël Aubert, Solène Méric, Laura Jarry

Crédit Photo : Surlarivedroite.fr

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