Itinéraire: Martin Chénot, nouveau directeur de l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 26/04/2012 PAR Isabelle Camus

Pour présenter l’homme en quelques mots, Martin Chénot est né au Cameroun il y a 42 ans. Après quelques années passées à Paris, ses parents, qui travaillent tous les deux dans l’aménagement du territoire, se lassent rapidement de la vie urbaine et décident de se mettre au vert. Nous sommes en 1968,l’épopée rurale parentale se concrétisera par l’installation dans une maison en Ardèche et un emploi sur les questions liées aux collectivités. Pendant cinq ans, Martin Chénot vivra donc, sans eau, ni électricité. Un mode de vie qui « non seulement ne l’écoeurera pas, mais, au contraire, l’inspirera et lui fera  apprécier le confort et le luxe à leur juste valeur ». Sa grand-mère maternelle, Maïmé Arnodin, dirigea le premier bureau de style dans la mode. Aux manettes de sa boîte, baptisée Maffia, qu’elle gère avec sa compagne, elle donne la tendance. Trendy avant l’heure, les deux femmes travaillent pour Prisunic avec comme devise de base : Le beau pour tous ! Enfin, pour compléter le tableau des influences héréditaires, nous n’oublierons pas le grand-père, Ferdinand Arnodin, qui fut l’inventeur et le constructeur des ponts transbordeurs, dont celui de Bordeaux, commencé en 1913, mais stoppé par la guerre.

Entre architecture et urbanisme
L’adolescence de Martin Chénot se déroule à Evry, ville nouvelle. Ses études supérieures, il les effectuera à l’école d’architecture de Paris Belleville avec un enthousiasme teinté d’esprit critique quant à l’architecture objet. D’où une orientation vers les questions urbaines, plus fondamentales pour lui. Son diplôme et son sujet d’étude portant sur la compréhension de la genèse des villes le mènent à Rochefort, où tiens ! héritage patrimonial et grand-paternel, il y a un pont transbordeur. Sollicité pour travailler sur l’aménagement touristique, il s’occupe notamment du plan vélo de l’île d’Oléron. Pour raison familliales et un service volontaire et technique en Guadeloupe plus tard, il revient en Rhône-Alpes. Après avoir suivi une formation en urbanisme à Sciences Po Paris, il travaille sur des projets urbains en ville moyenne et la requalification de quartiers HLM. « J’y ai appris la collaboration entre tous les métiers, archis, paysagistes, sociologues, urbanistes, se souvient-il,véritable réponse pour moi, à la complexité des projets et du phénomène urbain ». Comme il s’installe à son compte dans la Drôme, il fait le choix de devenir fonctionnaire. En 2000, il passe le concours d’Architecte et Urbaniste de l’État, option aménagement. « Une formation excellente où il se régale ». Son premier poste le conduit à la Direction Régionale de l’Environnement de Lyon pour s’occuper de la politique Agenda 21 des paysages Drôme et Ardèche.

La culture au service de paysages à l’abandon
Parallèlement, Martin Chénot mène un projet associatif, dont il est le pilier et l’animateur, dans le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche.Une action inscrite « sur le sentier des lauzeL'échappée jardin refuge © Sur le sentier des Lauzess » à l’initiative d’un groupe d’habitants, réunis pour réfléchir et agir ensemble sur le devenir de la vallée de la Drobie. Responsable du volet artistique et culturel auquel il mêle les réflexions d’une population hyper panachée (locaux, étrangers, néo-urbains, babas cools des années 70…) l’architecte-urbaniste- paysagiste propose, ni plus ni moins, l’intervention artistique comme activité d’une prise de conscience collective sur l’aménagement du territoire.C’est ainsi que, dans le cadre d’une série d’interventions plastiques sur chacun des éléments du paysage (la pierre, l’eau, le végétal, le vent, le bruit…) et du patrimoine local, se sont succédés plusieurs artistes ou spécialistes tels Gilles Clément. De la démonstration que la culture peut générer de nouveaux usages dans un paysage à l’abandon. Exemple à l’appui avec l’Échappée, une ancienne parcelle agricole devenue lieu de résidence où se succèdent les plasticiens, les penseurs et les touristes depuis 4 ans. L’endroit qui était fréquenté par quelque 200 personnes, est, du coup, passé à 3000 promeneurs pour le plus grand bonheur des activités du coin.

De la DIREN à St Etienne

Après 5 annés passés à la DIREN, changement de cap,il est nommé directeur de l’École d’architecture de St Etienne, la plus petite école de France. Réputée pour être le territoire de l’arme, du cycle et du ruban, la ville se trouve depuis plusieurs années engagée dans un vaste programme de rénovation urbaine visant à la faire passer du stade de cité industrielle héritée du XIXe siècle à celui de  » capitale du design  » du XXIe siècle. « C’est une ville à la triste réputation, explique Martin Chénot, qui a été métamorphosée par plusieurs grands projets sous l’impulsion de l’ancien maire Michel Thiollière, passionné pour la question de l’aménagement urbain. Elle est capable de faire des choses intéressantes avec pas grand chose. Son problème étant de péréniser ses projets ». Créée en 1971, l’école a urgemment besoin d’une bonne restructuration. Il en assurera la gestion. Une mission remplie avec succès au cours de ses 6 années en poste, qui sera une des raisons du choix porté sur lui par Frédéric Mitterand, le Ministre de la culture (de tutelle), concernant sa candidature à la tête de l’Ensap BX.

Une nomination à l’orée de nombreux projets
Architecte de profession quand la tendance depuis 10 ans faisait plutôt dans l’administratif, un intérêt certain et une sérieuse compétence en matière de paysage, une expérience probante à la tête d’un établissement… complétent les critères d’une nomination que Martin Chénot, lui-même, vient d’argumenter auprès de ses futurs étudiants lors d’une conférence intitulée : Pourquoi moi ?  Et quand on lui demande quelles sont les prioritées de sa nouvelle fonction, les réponses fusent, nombreuses :  » Je voudrais accroitre le rayonnement nationalConstruite en 1973, l'Ecole d'architecture nécessite des travaux et international qu’elle mérite, en passant par d’avantage de cohérence et d’émulation collective. C’est une école merveilleuse, qui fait beaucoup de choses trop méconnues. L’inscrire, également, dans l’espace universitaire bordelais et conforter sa position au sein de l’initiative pôle d’excellence. Travailler sur l’interdisciplinarité au sein du PRES (Pôle de recherche et d’enseignement supérieur) avec des questions de fond dans un contexte où la volonté est de voir fusionner toutes les universités au niveau régional. Nous sommes dans une grande école, en lien avec le monde professionnel et une sélection à l’entrée concernant 1800 dossiers reçus pour 100 retenus. Côté enjeux internes, il serait vraiment souhaitable d’améliorer la cohabitation entre les formations Architecte et Paysage. Hisser la formation paysagiste au niveau européen et harmoniser les dispositifs et les cursus pour améliorer les échanges et les équivalences (On rentre en Paysage à Bac + 2, en Archi après le bac) ».

Des étudiants mal lotis
Concernant les locaux, se pose la question de l’adaptabilité aux exigences d’un enseignement supérieur reconnu dans l’excellence. « Il est indispensable que les bâtiments, inadaptés à l’outil numérique et énergivores,soient en phase avec le niveau et avec ce que les étudiants méritent. Le ministère a lancé un programme immobilier pour réhabiliter les vingt Écoles d’architecture sur le territoire. Aujourd’hui, la moitié l’ont été, comme à Nantes par Lacaton & Vassal, deux archis… bordelais ou dans le Val de Seine, dont le maîtred’œuvre est l’architecte Frédéric Borel, Grand Prix National de l’Architecture 2010 ». A Bordeaux, la question reste entière, que va devoir résoudre le nouveau directeur des lieux. Les réhabiliter ou les déplacer.

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