Accès au foncier: face au prix des terres, l’innovation et la complémentarité des outils sont de rigueur


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 05/04/2017 PAR Solène MÉRIC

Si partout la question du financement de l’accès au foncier se pose, elle est d’autant plus accrue sur les terres viticoles girondines, où les prix du foncier selon les appellations peuvent atteindre des sommes astronomiques. Des montants qui ne font pas le jeu des jeunes viticulteurs candidats à l’installation. De quoi aussi inquiéter, les caves coopératives, concurrencées par de grosses sociétés viticoles dès que quelques hectares se libèrent au fil des départs à la retraite de coopérateurs vieillissants. Une concurrence qui se traduit par la diminution du potentiel productif des caves. Une situation que connaît l’Union De Producteurs de Saint-Emilion, qui a décidé de faire jouer son imagination pour faciliter l’accès aux vignes par des jeunes.

En Saint-Emilion: 63 parts en GFV pour 2 installationsAvec l’aide du cabinet Pacerel Vitipatrimoine, elle s’est récemment lancée dans la constitution d’un Groupement Foncier Viticole. Permettant l’achat de foncier par un groupement d’investisseurs particuliers, la structure a vocation, non seulement à apporter quelques avantages fiscaux aux investisseurs, mais aussi et surtout, de permettre l’installation de jeunes viticulteurs sur les vignes appartenant au GFV. « Concrètement, explique Marc Peuvrier, associé de Parcel Vitipatrimoine, l’Union des Producteurs de Saint-Emilion, porte le GFV qui compte 63 parts sur un foncier de 9ha, notre cabinet a pour rôle de les commercialiser, afin de permettre l’installation de deux jeunes via un bail à long terme dont le loyer sera redistribué aux investisseurs au prorata de leur part dans le GFV ». A Saint-Emilion, la SAFER observe, en moyenne, un foncier à 230 000 € l’hectare… Sans la voie du fermage, l’accessibilité financière d’un jeune à ces terres est en effet plus que compromise.

Si les acteurs agricoles font preuve d’innovation (à l’image de la filière porc, comme l’a décrit la CDFR des Landes, le 20 mars dernier) pour compléter le panel de la boite à outils de l’installation, pourtant déjà fournie, lorsque celle-ci s’avère insuffisante, les Banques aussi jouent le jeu. C’est le cas notamment sur le portage foncier qui, initialement imaginé par le Conseil régional sur une durée de 10ans, a été réduit à 5 ans maximum. En effet, son succès en a fait un outil trop « budgétivore » pour les partenaires, que sont désormais la région, mais aussi le département ou certaines caves coopératives, dont le rôle est d’assumer les coûts financiers du portage. Face à cette durée limitée, qui rend a priori un peu moins attractif le mécanisme, des conventions ont été passées avec les banques « pour compléter le dispositif », explique Ludovic Charbonnier, chef de service agriculture pour le Crédit Agricole de Bordeaux.
A notamment été mis en place, un mécanisme permettant d’augmenter le plafond du portage (passant de 150 000€ à 300 000€ voire 500 000€ pour la viticulture) et de compléter la durée de 5 ans par un différé de 3 ans ». Ce mécanisme « complémentaire d’autres dispositifs fonciers » a tout juste un an, mais a déjà un certain succès assure le banquier. Au sujet du portage, Michel Lachat, directeur de la Safer Gironde, a d’ailleurs rappelé que 187 ha, sont actuellement en portage auprès de la SAFER girondine au bénéfice de 28 jeunes, représentant un montant de 4,8 M d’euros…

Les intercommunalités à la peineA l’image de ce portage qui joue de la complémentarité ou de l’addition des acteurs, le rôle des collectivités et notamment des intercommunalités a été questionné par la CDFR. « Si le Département est actif en matière d’accès au foncier – sur les 28 portages actuels, il est partenaire dans 22 dossiers par exemple – pour beaucoup de communautés de communes, la question, ne serait-ce que celle de la protection du foncier agricole, n’est pas encore toujours bien appréhendée », reconnaît Dominique Fedieu, maire de Cussac-Fort-Médoc, Vice président de la CDC Médoc Estuaire, et Conseiller départemental de Gironde. « Mais les choses évoluent dès lors que ces collectivités se penchent sur la question de l’alimentation sur leur territoire, nuance-t-il, de même que dans les territoires viticoles où il y a un travail de sauvegarde des terroirs, et donc des terres qui est plus présent », ajoute-t-il. Des intercommunalités pourtant rurales presque étrangement éloignées du sujet, mais qui semblent pourtant en la matière, belles et bien attendues au tournant face aux porteurs de projets. Et d’autant plus désormais que leur compétence en matière économique est affirmée, et qu’à ce titre, justement l’activité agricole, ne peut être exclue…
Un constat d’autant plus paradoxal quand on mesure à l’inverse, à travers l’intervention de Catherine Delaloy, Directrice de la Direction de la nature à Bordeaux métropole, que la Métropole, qui sur 58 0000 ha, en compte 29 500 en zones naturelles et agricoles, « monte quant à elle en puissance sur ces questions, avec un rôle tout à fait déterminant ». Une action qui prend de multiples formes cite l’intervenante : « l’observation et la veille foncière, la préservation et l’animation sur le terrain au côté de la Chambre d’agriculture, ou encore le portage foncier quand c’est nécessaire ». Mais selon elle, son atout principal est que « la Métropole est la bonne échelle, grâce notamment aux outils de planification, pour assurer une bonne coordination de la gouvernance foncière agricole et environnementale ».

L’EPF, nouveau venu dans le paysage foncier girondinMais au-delà des idées nouvelles et des collaborations plus qu’encouragées, notamment par Franics Massé, Président de la SAFER AA, entre acteurs de tous bords, la CDFR a aussi été l’occasion de faire un aparté sur l’arrivée prochaine d’un nouveau venu dans le paysage foncier girondin et métropolitain : l’Etablissement public foncier (EPF) d’Etat de Poitou-Charentes. Au bénéfice de la grande région, il s’apprête à étendre son périmètre, à la demande des élus métropolitains et girondins. A ce propos, Pierre Pouget, Directeur régional de la SAFER AA a rappelé que « la Loi Alur prévoit que l’EPF peut agir sur le terrain de l’agriculture et de l’environnement si une convention est signée avec la SAFER ». Une hypothèse qu’il accueille favorablement suivant ainsi le fil rouge de cette conférence de la nécessaire « complémentarité et additionnalité des moyens » pour la préservation et le développement de l’agriculture. « Un message d’espérance d’une bonne coopération à venir », à l’image des bonnes relations entretenues par exemple entre la Safer AA et les deux établissements publics locaux coexistant dans les Pyrénées-Atlantiques.

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