Agroécologie: un démonstrateur plein champ qui séduit la Région à Chizé


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 07/03/2017 PAR Solène MÉRIC

« Il faut changer de modèle. Sortir de l’agriculture de compensation pour une agriculture d’innovation ». Le souhait n’est pas rare dans la bouche du Président de la région, Alain Rousset. Ce vendredi 3 mars, en rencontrant chercheurs et agriculteurs de la « zone atelier» du CNRS son souhait a pris des allures de réalité… Bénéfice de la réforme des régions, la découverte de l’existence de centre de recherche en territoire ex picto-charentais, est venue encore un peu plus appuyer sa conviction qu’en agriculture comme ailleurs, « la recherche doit être un élément essentiel de notre ligne économique. Il faut des lieux qui soient des démonstrateurs et à partir desquels on peut bâtir d’autres modèles ».
En la matière, le Centre d’Etudes Biologiques de Chizé, et sa zone-atelier Plaine et Val de Sèvre, ouvrent en effet, de belles perspectives, le tout sans perdre de vue la dimension économique de l’activité agricole. Vincent Bretagnolle, insiste d’ailleurs sur ce point : « c’est une démarche qui part de l’économie, et développe une vision de l’agriculture dans un approche systémique ».

« On peut diminuer les herbicides sans diminuer le rendement »
Exemple de questionnement posé par les chercheurs : « Est-il possible d’augmenter le rendement de colza par une plus forte pollinisation ? » La réponse est oui, et, qui plus est de manière importante. « Quand le nombre de pollinisateurs augmente, le rendement augmente dans un delta pouvant aller jusqu’à 20 %, et le constat est le même pour le tournesol », note le chercheur. De ce constat, en découlent d’autres. Car si on veut augmenter le nombre d’abeilles, il faut augmenter la nourriture disponible, à savoir ici, augmenter la présence de coquelicots ou autres adventices dans les champs voisins… en diminuant les intrants, « jusqu’à un niveau économiquement acceptable par les agriculteurs », précise Vincent Bretagnolle.
Expérimentation faite sur des exploitations de la zone-atelier : « il n’y a pas de relation entre herbicide et rendement, c’est la culture qui a un rôle prédominant dans la régulation des adventices ». Au fil du raisonnement et des expérimentations, le chercheur arrive à cette conclusion dont le laboratoire est le premier au monde à apporter la preuve grandeur nature, en plein champ : « on peut augmenter la biodiversité, sans diminuer les rendements, ni par conséquent le revenu ».
C’est même plutôt le contraire. Car si Vincent Bretagnolles admet que pour quelques uns des agriculteurs, « ils n’ont pas été à des niveaux optimaux en terme de rendement, ils l’ont été en terme de revenu, car plus on met d’azote et d’herbicide par hectare, moins les agriculteurs gagnent d’argent… ».

Des expérimentations pensées avec les agriculteurs
Autant de tests et d’expérimentations, pensés avec les agriculteurs et mis en œuvre dans leur champ par ces derniers. Vincent Bretagnolle en est d’ailleurs persuadé : « La participation des agriculteurs à ses expérimentations, leur donne une force supplémentaire au regard de la profession agricole ». Et d’insister de nouveau : « on a le souci de ne pas amener nos agriculteurs à la faillite. On travaille de manière très adaptative : d’abord sur quelques mètres carrés, puis sur des morceaux de parcelles plus importants, et enfin à l’échelle de l’exploitation ».
C’est ce dont témoigne Jacques Trouvat agriculteur sur la zone atelier. Il a choisi de vendre sa charrue en 2010 pour passer à une agriculture de conservation, et collabore régulièrement avec les chercheurs. Dernière collaboration en date : accepter de semer des bleuets, à faible densité, sur un rang de blé. Là aussi le centre de recherche guette le retour des pollinisateurs. Mais l’expérimentation démarre juste, elle se fait donc pour l’heure, à (toute) petite échelle pour chacun des 10 agriculteurs qui ont accepté de faire ce test. « Des participations aux expérimentations pour lesquelles les agriculteurs ont toujours refusé d’être rétribués » souligne Vincent Bretagnolle. La confiance est mutuelle, car à l’image de l’expérimentation herbicide/rendement, les résultats sont là, sans pour autant sacrifier l’économie sur l’autel de l’écologie.
Mais désormais, pointe le chercheur, il faut aller au-delà de la zone atelier, « il faut passer à l’étape du transfert des connaissances : pas mal de choses ont été trouvé et prouvé mais elles ne sont pas valorisées. »

Le transfert des connaissances par le « désisolement »
Un avis largement partagée par les participants à la visite. Pour Gérard Blanchard Vice président de la Région, en charge de la Recherche et de l’enseignement supérieur : « C’est à nous promouvoir ce travail réalisé, en objectivant les résultats et pourquoi pas en le répliquant par ailleurs ». Quant à Alain Rousset prompt à souligner « le caractère de démonstration et non d’idéologie de ce qui est fait ici », il faut arriver à provoquer « un effet cliquet, et ne pas courir le risque de recul parce qu’on aurait pas ou mal diffuser ces résultats ». Pour ce faire, et à l’image de cette zone-atelier, il prône encore le « désisolement » des agriculteurs d’un côté et des chercheurs de l’autre.
A la suggestion d’un des participants à la journée, de mettre en œuvre à l’échelle de la grande région, des groupes d’échange et des animations autour de ces travaux, le président de la Région opine : « il y a tout un travail collectif à faire avec les Chambres d’agriculture et les syndicats agricoles notamment ». Des professionnels, enthousiasmés par leur découverte du jour, visiblement prêts à coopérer. Un appel également lancé aux acteurs économiques, qui semblent pour certains d’entre eux en tout cas, un peu plus frileux…

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