Banque Alimentaire de Bordeaux et de la Gironde : une distribution estivale 2.0


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 21/07/2020 PAR Romain Béteille

Mardi 21 juillet, 10h30. À la Banque alimentaire de Bordeaux et de la Gironde, on s’affaire. Les sachets de denrées, qui remplacent le traditionnel vrac de la distribution d’été, se remplissent vite. Les visages sont plus jeunes qu’à l’accoutumée. Certains sont venus se porter volontaires pour remplir les poches, mais pas les leur. Magali, elle, est une habituée. Bénévole depuis dix ans, elle participe pour la première fois à l’organisation et à la distribution estivale. Pour la journée de demain au Parc de Mussonville, à Bègles, ce sera un sachet de produits secs (chocolat en poudre, purée, riz et deux boîtes de conserve, petit pois et chili au bœuf) et un autre de produits frais (fruits et légumes essentiellement). L’ancienne dessinatrice textile n’a pas vraiment eu l’occasion d’aider la structure pendant le confinement, puisqu’elle était, on s’en souvient, en service « dégradé ». « Comme tout le monde, j’ai été sidérée, je me suis sentie un peu inutile, d’autant qu’on sait qu’il y avait de plus en plus de demandes ». 

Choc social

Pour la banque alimentaire, cette augmentation est plus que tangible. « Sur les trois derniers mois, on a eu environ 20 à 25% de distribution en plus, en moyenne 18 000 bénéficiaires chaque semaine au niveau des associations, qu’elles soient déjà partenaires ou nouvelles », confirme le président de la Banque, Gilles Dupuy. Même si les Restos du Cœur restent ouverts pendant l’été (842 000 repas distribués depuis mars en Gironde selon la président des restos), les stocks en baisse de la banque l’ont obligé à demander des aides publiques pour l’achat de denrées, un processus auquel elle a dû s’adapter. La collecte auprès de la grande distribution n’ayant repris que partiellement, elle a aussi décidé de lancer une collecte dématérialisée dans une vingtaine de magasins du département. « C’est un premier test qui a bien marché mais qu’il faut amplifier dans son organisation. « On a calculé que nos besoins étaient de 450 000 à 500 000 euros pour le renouvellement de nos stocks ».

Si la région, le département, la métropole et la ville ont bien mis la main au portefeuille, Gilles Dupuy, ne faisant pas exception, s’inquiète de l’augmentation des besoins dans les mois à venir. « En règle générale, on a environ un tiers des bénéficiaires liés à des problèmes de chômage. A partir du moment où cette non-activité va se développer, il est évident que les demandes vont être supérieures. Nous y ferons face dans la mesure où, bien évidemment, les dons suivent. Il va falloir maintenir cette aide à l’achat ainsi que le don des industriels de l’agro-alimentaire et des chambres d’agricultures pour recevoir ce que nous ne pouvons pas toujours prendre de la même manière au niveau des grandes surfaces. Le point d’interrogation reste l’importance de cette augmentation des bénéficiaires, même si on nous dit tous les jours que ce sera un choc social très important ». 

Revoir les besoins

En attendant d’en voir les retombées réelles, le système de poches, distribuées aux bénéficiaires en fonction de leurs besoins et grâce à une carte qu’ils peuvent obtenir auprès du Centre Communal d’Action Sociale le plus proche ou d’une association partenaire de la banque, est un héritier direct. Celui d’une opération lancée chaque jeudi depuis le début du confinement avec l’aide du Crous : la distribution de poches alimentaires aux étudiants, un public qui a lui aussi connu une grande précarité pendant la période. « On a complètement repensé la distribution. D’abord parce que nous savons que les contraintes sanitaires font que mettre des produits en vrac et échanger entre personnes au moment de la distribution n’était pas possible, compte tenu des règles à respecter. Ensuite parce que nous avons eu ces derniers mois l’expérience de la distribution aux étudiants. On préparait des poches ici pour les distribuer ensuite sur les différents sites des campus, on a touché environ 1000 étudiants chaque semaine avec cette opération » (contre environ la moitié aujourd’hui).

La distribution estivale, elle, vise environ 4000 personnes chaque semaine. Elle est répartie sur trois sites de 9h à 13h : le mardi et le vendredi salle Amédée Larrieu à Bordeaux, le mercredi au Parc de Mussonville de Bègles et le jeudi à l’Orangerie de Pessac. Le tout, évidemment, avec les gestes barrière de rigueur, port du masque en premier lieu. « On porte des gants, on met du gel et des masques. Pour l’instant, ça s’est très bien passé », confirme Magali. Le 10 juillet dernier, elle et les autres bénévoles présents (dont certains étaient aussi des bénéficiaires) ont préparé 1242 poches pour la première journée de préparation de la distribution d’été, ce qui donne un ordre d’idée du volume distribué. 

L’opération à destination des étudiants se poursuit en parallèle de la distribution d’été, à Bordeaux Bastide et dans un restaurant universitaire de Pessac, tous les jeudis entre 12 et 15 heures (en plus de l’arrivée, dès la rentrée, d’une réduction tarifaire des repas universitaires). La collecte dématérialisée, tout comme les poches, pourrait rester de rigueur. « La période nous a appris énormément de choses », termine Gilles Dupuy. « En tant qu’ancien chef d’entreprise, je vois que la banque a une flexibilité d’organisation impressionnante. On est capables de changer nos process de mise en place de la distribution. Nous garderons très certainement un certain nombre d’entre eux.  Ce qu’on faisait auparavant, c’est-à-dire tout le tri de ce qu’on recevait de la grande distribution, ou une partie n’était pas vraiment consommable et distribuable, n’est plus aussi important aujourd’hui. La production des poches le remplace. On n’a repris que partiellement la ramasse et avec des opérateurs qui nous fournissaient des produits pratiquement en l’état pour être redistribués. On va vers une période ou le tri va reprendre, des organisations vont reprendre leur façon de faire et on devra retrouver ce partenariat plus dense avec les grandes surfaces. Il y aura probablement toujours besoin de sélectionner, l’idée étant d’aller vers une amélioration qualitative de ce qui nous est donné par la grande distribution. Ça ne va pas être simple mais ce sera opérationnellement très important pour nous. Si les besoins augmentent dans les mois à venir, il est évident qu’il va falloir revoir nos besoins ».

Selon un rapport d’activité national paru en 2018, 43% des denrées collectées par le réseau de banques alimentaires cette année-là provenaient des GMS et des grossistes, 22% des producteurs agricoles et de l’agroalimentaire, 24% des programmes de l’Europe (FEAD) et de l’État (CNES) et 11% de la collecte. Sans surprise, on peut s’attendre à ce que l’après covid vienne aussi sensiblement chambouler ces chiffres. Mais le changement d’organisation en interne devra aussi compenser la hausse prévisible de la demande. Selon les dernières données de la Banque Mondiale, entre 1990 et 2015, le « nombre d’habitants vivant dans l’extrême pauvreté » (soit au-dessous du seuil de 1,9 dollars par jour) est passé de 1,9 milliards à 700 millions de personnes. Pourtant, au niveau national, une étude de l’INSEE parue en 2019 montrait qu’en 2018 déjà, le taux de pauvreté est passé de 0,2 points à 14,3%, soit la plus forte progression de l’indice depuis 2010. S’il faudra donc attendre encore avant de pouvoir tirer un bilan social réel (et plus localisé) de la crise sur la pauvreté, gageons que les milliers de poches alimentaires distribuées par la BABG cet été, c’est certain, ne seront pas de trop. 

L’info en plus : la campagne de distribution estivale se poursuit jusqu’à la fin du mois d’août et tous les bras sont les bienvenus. Toutes les infos sur la page Facebook de la BABG.

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