Bordeaux : la filière vin se cherche un avenir environnemental


Maxime Giraudeau
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 07/02/2020 PAR Maxime Giraudeau

S’il est agréable de flâner aux détours des vignobles bordelais en ce doux début d’année 2020, cette sérénité ne reflète en rien l’état d’esprit actuel de la filière du vin de Bordeaux. Après des vœux symptomatiques au maire Nicolas Florian en janvier, les représentants du vin ont alerté les élus du territoire face à la crise économique avec les États-Unis. Les effusions de Donald Trump en conséquence de la guerre commerciale entre Boeing et Airbus impactent en première ligne les vins de Bordeaux. Après une taxation de 25% supplémentaires sur les vins français, les ventes de Bordeaux aux États-Unis ont chuté de 50% en chiffre d’affaires en novembre 2019. La filière du vin, avec ses producteurs et négociants ont donc besoin de se rassurer. D’où l’opportunité de présenter de bons résultats environnementaux. En 2020, doit être dressé le troisième bilan carbone des vins de Bordeaux après ceux de 2008 et 2013. Pour espérer tenir son engagement de 20% de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur douze ans, la filière a dû mobiliser tous ses représentants. Du moins le processus est en cours.

Le problème des Zones Non Traitées

Selon le dernier chiffre datant de 2017, 60% du vignoble bordelais est certifié par une démarche environnementale. L’objectif : 100% avant 2030. Pour y aider, la filière a créé le Système de Management Environnemental (SME) afin d’accompagner les producteurs, négociants et coopératives vers des modes de gestion plus raisonnés. Démarré en 2008, le SME touchait alors 26 entreprises. En 2019, le chiffre monte à 306, dont 92% de Châteaux. Le programme vise à effectuer un audit auprès du site viticole pour voir quelles sont ses répercussions sur l’environnement. Le diagnostic se traduit ensuite par un plan d’action avec l’intégration d’un groupe de travail SME sur l’exploitation. Ainsi, le programme a par exemple permis une réduction de l’usage de la ressource en eau : entre 2013 et 2018, les producteurs sont passés de 9.3 à 7.6 litres d’eau en moyenne pour produire un litre de vin. Côté traitements et pulvérisations, enjeu redondant du débat politique, la moitié des produits pulvérisés dans les vignobles sont désormais homologués biologiques. Un pas de plus dans un chemin qui reste long. D’autant que l’annonce du gouvernement sur les Zones Non Traitées (ZNT) en décembre dernier s’est heurtée à une vive opposition. Les ZNT prévoient que les agriculteurs n’appliquent aucun traitement sur une zone tampon de dix mètres quand leur parcelle touche une habitation. « Une incohérence entre les contraintes d’objectifs environnementaux et de temps pour les mettre en place » selon la Chambre d’Agriculture de la Gironde. Dans le département, les ZNT représenteraient ainsi 4000 hectares de terres. D’où l’importance aussi d’apporter des solutions au problème. Des solutions dont les premiers demandeurs sont les habitants.

Responsabiliser les entreprises

« Nous avons proposé aux riverains des réunions pour leur montrer que nous étions dans une démarche d’écoute » témoigne Pierre Darriet, responsable sur le vignoble du Château Luchey-Halde à Mérignac. Pour ceux qui vivent à proximité directe des vignobles, l’épandage nourrit en effet quelques inquiétudes. Pierre Darriet ajoute : « Un jour une voisine nous fait remarquer : « Pourquoi vous ne faîtes pas avec des drapeaux comme à la plage ?» ». Et depuis, un drapeau flotte au dessus des vignes. Quand il est vert, les promeneurs peuvent s’y balader car aucun traitement n’a récemment été appliqué. Quand il est orange, le traitement est encore en phase effective, et quand il est rouge, il est en cours d’application. Il est alors interdit de s’aventurer sur la parcelle. Des signaux clairs pour communiquer au mieux avec les habitants. Mais pas de quoi nourrir significativement les avancées environnementales. Pourtant, les défis pressent : en 26 ans, les vendanges ont été avancées de quinze jours en moyenne à Saint-Émilion. « Nous voulons favoriser le dialogue et l’engagement de tous » brandit Magali Ardiley, responsable du développement territorial à la Chambre d’Agriculture de Gironde. La dynamique de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) mise en place dans la filière du vin de Bordeaux depuis plusieurs années en est l’exemple concret. Grâce à cette démarche de prise en compte des enjeux environnementaux et sociétaux dans l’activité de l’entreprise, les exploitants parviennent à des progrès significatifs. « Il y a un désamour des métiers du vin et la RSE pourrait permettre d’y répondre » espère Denis Cheissoux, l’animateur du forum. En misant aussi sur l’expertise scientifique des universités, les vins de Bordeaux sont donc attendus au tournant.

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