Christian Dussau: l’innovant entrepreneur landais « oscarisé » à EuroTier pour son robot pailleur


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 05/12/2018 PAR Solène MÉRIC

« A 5 ans, je voulais faire comme Papa, être éleveur. » Et ça ne l’a pas vraiment lâché. Christian Dussau a d’ailleurs suivi les études adéquates au lycée agricole de Montardon (64). Etudes que ses parents financent en lançant leur exploitation dans une nouvelle activité : l’élevage de poulets. En contre-partie le jeune homme doit y travailler le week-end. « Mais je voulais aussi sortir avec mes amis… ». Afin de pouvoir diminuer son temps de présence et de fatigue sur la ferme, il met au point en 1978 une distributrice d’aliment qui permet de simplifier et d’alléger la tâche pour l’éleveur. Ce sera sa première invention. Le début d’une longue série d’autres machines ingénieuses, qui seront repérées voire sollicitées par les professionnels, qu’ils soient organismes de production, chambre d’agriculture, station expérimentale ou « simple » éleveurs. Avec toujours pour objectif de « trouver des solutions à des problèmes sans réponse ». Un mantra de ce Géo Trouvetou de l’agriculture qui lui fera finalement aborder le secteur par un autre angle que celui qu’il avait imaginé. Il ne sera pas éleveur mais dès ses 24 ans, président d’une société de machines agricoles.
C’est d’ailleurs à Christian Dussau, que l’on doit dans les années 1990, l’invention d’une machine que l’on retrouve désormais dans plus de 90% des fermes du Sud-Ouest pratiquant l’engraissement des canards à foie gras. En automatisant le processus d’engraissement celle-ci a permis d’améliorer la productivité des producteurs locaux face à la concurrence grandissante des pays de l’Est de l’Europe. Une révolution dans le milieu qui participera à sauver la filière locale, avant de s’exporter dans le monde entier; avec l’idée fixe chez Christian Dussau, « de ne vendre que des machines qui fonctionnent à vie ». La fiabilité ou l’anti obsolescence programmée en point d’honneur. On pourrait dire aussi l’attachement à un développement durable avant l’heure. « Le pendant de ça, pour pouvoir en vivre, c’est que nous passons des contrats de maintenance pour les machines que nous vendons ». Avec une préférence pour la réparation à distance. « Sur les 3 000 dépannages annuels que nous faisons, seules 300 sorties sont enregistrées, le reste se fait par téléphone ! » Une maintenance assumée par la vingtaine de collaborateurs « hors pairs », c’est le patron qui le dit, que compte l’entreprise Dussau Distribution.

« Meca Pulse Paille », un premier bond en avant pour la biosécurité des élevages
Dans la même période, l’entrepreneuer répond à une autre demande émise cette fois par les accouveurs de canards : faciliter la corvée de paillage quotidienne des bâtiments d’élevage, qui au-delà du gain de temps pour les éleveurs, permet une amélioration du bien-être des animaux et de leurs conditions sanitaires. « J’ai alors transformé ma première distributrice d’aliment, pour qu’elle permette d’épandre des copeaux et de la sciure. Puis en 2004-2005 on m’a demandé à la fois de robotiser la tâche et de pouvoir l’utiliser pour de la paille plutôt que pour la sciure de bois, qui se découvrant de nouveaux marchés a vu son prix grimper. » En 2005 né alors dans les ateliers de Dussau Distribution, le premier robot pailleur mécanique. Mais avec l’arrivée d’un premier épisode de grippe aviaire en 2006, celui-ci a une durée de vie relativement courte. « Avec ce modèle mécanique, il fallait rentrer la machine tractée par le tracteur dans le bâtiment d’élevage. Avec la grippe aviaire, les stations expérimentales m’ont demandé de travailler à un pailleur utilisant la technologie pneumatique, qui permet de laisser le matériel à l’extérieur, et de souffler le paillage grâce à un canon tenu et dirigé par l’éleveur à l’intérieur du bâtiment. » C’est la naissance du « Meca Pulse Paille », qui permet un bon en avant en terme de biosécurité. 
L’innovation est récompensée par de nombreux prix, mais dans la période de répit sanitaire entre 2007 et 2015, elle a presque failli être oubliée « A cette période nous vendions 40 à 50 machines par an mais pas plus. Le regain d’intérêt pour notre matériel c’est fait avec le retour de la grippe aviaire en 2015 et 2016 qui a nécessité le renforcement de la biosécurité dans les élevages. A la même période, il y avait aussi un mouvement général d’aller vers une utilisation moindre d’antibiotiques pour les animaux ainsi que le renforcement des demandes sociétales pour un plus grand bien-être des animaux d’élevage. » Une sorte d’alignement des planètes pour donner une nouvelle naissance à ce matériel qui répond positivement à ces 3 conditions, comme en témoigne volontiers Christophe Tauziet Dutey, éleveur à Samadet.

Le chef d'entreprise, 'inventeur dans l'âme'' Christian Dussau au côté de Christophe Tauziet Dutey, éleveur de canards à Samadet (40)


Gain de temps, économie de paille, bien-être animal…
Producteur de canards sur un total de 9 bâtiments répartis sur 3 sites, il a en effet adopté le Meca Pulse depuis juin 2017. Mais son exploitation est aussi un lieu de démonstration pour le « Sentinel Robot », la nouvelle version du Meca Pulse qui n’oblige plus l’éleveur à être présent dans le bâtiment lors du paillage : celui-ci est désormais réalisé par un robot fonctionnant en toute autonomie en se déplaçant suspendu au plafond du bâtiment. 
« Avant je réalisais le paillage à la main. C’était très chronophage, et fatigant car c’est un effort constant. Le paillage, c’est vraiment la partie la plus laborieuse du travail d’éleveur, que la fatigue nous pousse parfois à décaler… Mais si on ne le fait pas régulièrement, c’est alors moins de confort pour les animaux. Avec le robot Sentinel ou même sa version antérieure le Meca Pulse, il n’y a pas d’effort à faire, le gain de temps est important (de l’ordre de 60%, ndlr) et le paillage gagne en régularité, en qualité, tout en étant économe en quantité de paille utilisée. » Et pour cause, l’éleveur landais, constate une économie de 30% de litière par rapport à un paillage manuel, « et à cela s’ajoute une meilleure qualité au niveau des animaux, sur les pattes, les plumes… et nous avons bien moins de problèmes de boiteries. » Autant de points positifs qui ont un impact sur le prix payé au producteur qui estime que la qualité de ses animaux lui apporte un « bonus » de 10 centimes par canard… « Avec 45 000 animaux produits par an, c’est loin d’être négligeable ! ». Enfin, puisque ses canards sont en bonne santé, l’éleveur n’utilise plus d’antibiotique depuis près de 2 ans… De quoi là encore trouver une source d’économies tout en se mettant en adéquation avec une demande sociétale forte.
Parmi les autres fonctionnalités de ce robot pailleur, c’est qu’il est doté d’un bac de traitement permettant d’ajouter des produits désinfectants ou des huiles essentielles à la litière. « Ces dernières sont notamment utilisées dans les élevages de chèvres et de brebis qui sont particulièrement sensibles aux maladies respiratoires », précise Christian Dussau dont l’engagement pour le bien-être animal, est bien plus qu’un simple argument de vente.

Le robot pailleur ''Sentinel'' par INATECO et Dussau Distribution en action dans un bâtiment d'élevage de canards dans les Landes

Continuer à inventer… à l’international et pour toutes les filières d’élevage
Mais le Sentinel Robot, qui a reçu en novembre, à Hanovre, la médaille d’argent EuroTier 2018, apportera bientôt encore plus d’innovation promet son concepteur, qui parie désormais sur l’intelligence artificielle pour améliorer encore ses performances. Ainsi la machine en cours de développement au sein du cabinet d’étude de Christian Dussau, INATECO by Dussau, « saura adapter la densité du paillage à déposer. Elle évitera ainsi par exemple, les zones où la paille est sèche ou la litière non dégradée ». Sur option, le robot, pourra également être équipé d’autres capteurs (caméra 360, micro, sondes, etc.) lui permettant de surveiller en permanence température, CO2, ammoniac, hygrométrie, vitesse de l’air ou encore fuite d’eau au sein du bâtiment d’élevage….
Un produit résolument innovant loin d’être passé inaperçu au niveau international grâce notamment à sa récente récompense. La demande à l’export est forte mais l’intérêt vient aussi des grands élevages de volailles de l’Ouest de la France. Afin de se rapprocher des ses clients de l’Ouest, l’entrepreneur landais s’apprête à ouvrir un établissement secondaire à Montauban-de-Bretagne, en Bretagne, et à Montaigu en Vendée. Mais, il n’oublie pour autant pas les éleveurs de chez lui : un robot Sentinel adaptable aux ateliers de taille moyenne ou petite, comme on en trouve dans le Sud-Ouest, est aussi en cours de finalisation. « Pour un prix que l’on tire au plus raisonnable, permettant un amortissement rapide tant par rapport aux économies de paille, à une meilleure valorisation des animaux qu’à la durée de vie moyenne de nos machines… », n’oublie pas de préciser le chef d’entreprise.
Autre atout du robot, et de son succès qui se dessine déjà, son caractère adaptable à toutes les filières de l’élevage: volaille, porcin, bovin, caprin, ovin… Tout est imaginable selon Christian Dussau. Dans cet esprit, Inateco veut « développer des licences avec des constructeurs de machines agricoles français et internationaux et adapter notre savoir-faire pour trouver des solutions personnalisées selon l’élevage considéré ». En d’autres termes, continuer à inventer tout en gardant toujours une longueur d’avance, dans une période de développement potentiel de son entreprise « à coefficient 10 ».

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