Circuit court, bio et insertion sociale, le modèle agricole qui fait mouche à Le Thou (17)


Anne-Lise Durif
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 11/08/2020 PAR Anne-Lise Durif

« Cette crise a validé doublement notre modèle et nous a conforté dans notre mission, autant sur le plan social que sur notre système de circuit court », analyse sa fondatrice Fabienne Pouyadou. Les consommateurs, en premier lieu, sont restés fidèles au rendez-vous, et même au-delà de ses espérances. Début 2020, l’association fournissait environ 150 paniers de fruits et légumes bio à ses quelques trois cent adhérents. « Pendant le confinement, on recevait des appels quotidiens de personnes qui voulaient venir nous acheter des produits en direct. C’était très frustrant de devoir leur dire non mais on n’avait pas le choix. Nous fonctionnons sur abonnement pour pouvoir anticiper nos plantations à chaque saison, de façon à produire juste ce dont nous avons besoins pour nos clients (1). De plus, avec le Covid, on était obligé de mettre en place un système de collecte différent : on préparait les paniers en amont, qu’on stockait dans le hangar, les gens passaient les récupérer à différents horaires. Tout était fait de sorte que personne ne se croise », explique la directrice de la structure. Ces refus n’ont pas entamé pour autant la motivation d’une quarantaine d’entre eux, désormais inscrits sur liste d’attente. « On les intègre petit à petit dans nos plannings de production », assure Fabienne. Pour elle, la prise de conscience du grand public sur l’intérêt du bio et du circuit-court ne date pas d’hier, mais la crise l’a accentué.

Les salariés en insertion cultivent et ont aussi en charge la confection des paniers hebdomadaires

 En plus du travail de la terre, les salariés en insertion s’occupent de la préparation des paniers pour les clients.

Du côté de la ferme, le confinement a permis de mettre le doigt sur les limites de son modèle. « D’ordinaire, on reçoit de Bretagne quelques milliers de plans une fois tous les quinze jours, qui représentent la production des mois à venir. A partir de mars, le trafic routier et les transports étaient tellement perturbés qu’on craignait à chaque fois de ne pas recevoir notre cargaison. Sans ça, on aurait été en difficulté. La situation nous a permis de nous rendre compte que nous n’étions pas aussi autonomes qu’on le croyait », relate Fabienne. L’association a décidé depuis de produire ses propres plans. Une grande serre destinée à les abriter est en cours de montage. Pour financer son projet, la fondatrice d’Arozaar est retournée solliciter collectivités locales et partenaires privés qui l’avaient aidé en 2017 : Région, Département, CdC de l’Aunis, ville du Thou, mais aussi diverses fondations d’entreprises comme celles d’EDF ou de Léa Nature. L’objectif est de sortir ses premiers plans cet hiver. « A moyen terme, on compte également fournir quelques maraîchers du secteur et  ponctuellement, quelques particuliers », poursuit Fabienne. Les actuels locaux administratifs étant dans un préfabriqué, la directrice a également un projet de local en dur, pour une capacité d’accueil de 20 personnes, avec vestiaires, sanitaires et bureaux.

 Le montage des nouvelles serres pour accueillir la production de plans

Le montage des nouvelles serres pour abriter les plans a débuté en juillet. Philippe Marciniak (à gauche), ex-agriculteur qui a aidé à la mise en place de la production en 2017, est venu en renfort.

Sur le volet social, l’association a également dû s’adapter, et ressort grandie de l’expérience.  En plus de réorganiser ses plannings et la répartition des salariés sur les terres et sous les serres, l’association a dû racheter des outils pour éviter les passages de mains en mains. « La forte demande et la nécessité de s’adapter aux gestes barrières ont renforcé l’esprit d’équipe et le sentiment d’utilité de notre travail », analyse l’agricultrice, qui a reçu avec surprise des appels de consommateurs prêts à donner un coup de main bénévolement. « Aujourd’hui, on sait qu’on peut adapter notre système de distribution si besoin, ça fonctionne. Mais on a aussi mené une enquête auprès de nos adhérents, et 75% trouvent important le contact humain. L’idée du chantier d’insertion leur plaît, ils veulent soutenir la mission sociale, partager avec les salariés. D’ailleurs, notre courrier hebdomadaire les intéresse : ils aiment savoir d’où viennent nos personnels et ce qu’ils deviennent après ». L’association fonctionne avec 14 à 16 salariés en insertion et 5 permanents ; un chef de culture, deux salariés permanents et un encadrant socioprofessionnel.  Si Arozoaar n’a pas pu recruter les sept saisonniers dont elle avait besoin en avril, les recrutements ont repris progressivement à partir de mi-mai. 

Un panier pour un foyer, en saison estivale

Un panier pour un foyer, en saison estivale. Le jardin produit une cinquantaine de variétés de légumes et quelques fruits (non arboricoles); melons, pastèques et fraises. 

Les demandeurs d’emploi viennent principalement des bassins de vie de l’Aunis, de La Rochelle et de Rochefort. Ils arrivent au Jardin de Cocagne via Pole emploi, sur lettre de motivation et entretien d’embauche. « C’est le travail en équipe et de la terre qui les attire ici », explique Fabienne, qui les reçoit individuellement avant, puis à la fin de leur contrat. Si elle ne sait pas toujours ce qu’ils deviennent à l’issue de leur passage dans sa structure, elle n’y voit que du positif : « Même s’ils ne décrochent pas un emploi stable derrière, je peux dire que psychologiquement, ils vont beaucoup mieux, et pour cette seule raison, c’est une victoire. Ils sont nombreux à arriver ici dégoutés du monde du travail avec des expériences humaines déplorables, du harcèlement, des échecs… ». La recette de ce succès ? « On implique les salariés dans les prises de décision de l’entreprise. Ca donne du sens à leur mission et ça leur permet de reprendre confiance en eux et dans le monde du travail ». Fabienne souligne n’enregistrer aucune défection de salariés en hiver. Pour continuer à fédérer ses salariés, la directrice permet à ses salariés de bénéficier d’un panier hebdomadaire à un tarif avantageux le temps de leur contrat. Ecoutant ceux qui souhaitaient continuer à en bénéficier après leur passage au Thou, l’agricultrice à intégré ce mois d’août sa structure au programme Paniers Solidaires. Ce dispositif permet à des familles à faibles revenus d’accéder aux paniers bios produits par les Jardins Cocagne à un prix solidaire, sur une période de 3 à 12 mois. « Pour moi, le social et l’agriculture bio en circuit court, ce sont deux notions indissociables », conclut-elle.

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