Crise aviaire et canards gras, reportage à Montsoué


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 05/10/2017 PAR Solène MÉRIC

En temps normal, sur sa belle exploitation de 60ha Marie-Hélène Cazaubon, élève et gave avec son mari, 27 000 canards par an. Leur fils travaille aussi sur l’exploitation en tant que salarié agricole. Outre les palmipèdes, l’EARL produit 35 ha de maïs, auto-consommé par les canards, 4 ha de tournesol, et 4 ha de céréale à paille, servant à la litière des palmipèdes qui eux-mêmes bénéficient au total de 10 ha de parcours. Reçus à 1 jour, les animaux sont élevés puis gavés sur l’exploitation jusqu’au départ pour l’abattoir.

« L’abattage, c’est vraiment traumatisant »Cette année, pour les époux Cazaubon, il manquera 13 lots en production sur les 19 normalement attendus. A l’échelle de leur exploitation aussi, la « crise » aviaire porte bien son nom. « Nous avons fait partie de la première zone dépeuplée préventivement, car, le début de notre commune était située à 10 km du foyer. Donc c’est bien toute la commune, même au delà des 10 km, ce qui est notre cas, qui a été concernée par les mesures préventives. Notre dernier lot est sorti le 20 décembre 2016. Le 5 janvier 2017, les 9 000 canards que nous avions en élevage ont dus être abattus du fait de la mise en place de ces mesures. Cet abattage c’est vraiment quelque chose de traumatisant. L’année précédente seuls les animaux des foyers du virus étaient abattus, les éleveurs autour pouvaient terminer leur boucle d’élevage/gavage, ce qui laissait une période de vide sanitaire bien moins longue. »
Si l’épisode des abattages préventifs a été difficile, le couple l’a tout de même accepté bon gré, mal gré, pensant pouvoir remettre des animaux au 1er mars. « On s’est dit plus tôt on le fait, plus tôt on pourra reprendre… » Mais c’était sans compter sur la propagation continue du virus, qui dès février s’est entendu sur une deuxième zone particulièrement dense en exploitations, touchant notamment des centres reproducteurs et des couvoirs. Les pouvoirs publics ont alors opté pour des mesures bien plus radicales, mais déjà trop tardives au goût de Marie-Hélène Cazaubon, la principale étant le vide sanitaire généralisé jusqu’au 29 mai.

Une reprise progressive « au rythme du vivant, pas de l’administration »Sauf que « remettre en route la chaîne des reproducteurs et des couvoirs, est bien plus long que les élevages classiques ». Le redémarrage des productions, n’a donc pas pu se faire unilatéralement au 29 mai, comme l’avaient décidé sur papier les autorités, mais petit à petit. « Au rythme du vivant, et pas de la décision administrative », commente l’éleveuse. Résultat : « au 29 mai, très peu d’éleveurs ont vu revenir les animaux. En ce qui nous concerne, nous avons reçu les premiers canetons le 20 juin, c’est plutôt bien, certains ont du attendre septembre, et notamment les gaveurs lorsqu’ils n’élèvent pas, car ils n’ont pas pu travailler avant que les premiers canards prêts à gaver soient prêts… » Sur l’exploitation la conséquence de ce long vide sanitaire a été la mise en activité partielle de leur salarié « il y est toujours car la reprise n’est pas totale. Mais heureusement, il a trouvé autre chose pour compléter ».
Une question de l’emploi qui s’est bien sûr posée bien au-delà de leur seule exploitation. « Nous sommes dans un groupement qui s’est engagé sur le « 100% Sud ouest » tout au long de la filière des reproducteurs jusqu’à l’abattoir, nous sommes donc quasiment à 100% impactés. Cette affirmation de notre identité, c’est en temps normal une force pour le développement de l’emploi local. Avec la crise aviaire, l’emploi local a été particulièrement touché. Derrière nous, éleveurs, c’est plus de 100 000 emplois directs qui sont concernés, dans les abattoirs mais aussi l’agroalimentaire, les commerçants… »

Après l'épizootie, les canards sont de retour dans cette exploitation landiase de Montsoué

Biosécurité: « beaucoup de confusion et de complexité »Autre conséquence sur l’exploitation de Marie-Hélène Cazaubon, comme sur les autres: le renforcement nécessaire de la biosécurité . Cela dit à Montsoué, l’éleveuse reconnaît que sa ferme est moins impactée que d’autres, « en tant qu’éleveurs gaveurs, nous avons principalement des mouvements d’animaux en interne, nous sommes moins exposés aux entrées ou sorties d’animaux en cours de cycles. Concrètement chez nous, à chaque âge correspond une unité de production. Pour chacune de ses unités nous avons mis un sas sanitaire où l’on rentre, on se change, et sort par l’autre côté. Nous avons aussi acheté des tenues en tissu, des bottes et des charlottes supplémentaires pour le personnel ou les intervenants extérieurs. » Autre décision : « Nous avions l’habitude de régulièrement recevoir des scolaires sur l’exploitation. Pour l’instant nous mettons cela en pause. A l’automne nous allons entrer dans une période critique; alors on cherche à limiter les risques au maximum… », confie-t-elle, comme une excuse.
La biosécurité est d’ailleurs pour elle un sujet d’inquiétude au niveau global : « ça n’est pas très clair, il y a tout un éventail de dispositifs distincts, en fonction du système de production, et ils sont très variés dans les Landes… Ca crée beaucoup de confusion et de complexité d’interprétation. » Pour accompagner les agriculteurs, l’administration a mis en place des contrôles pédagogiques sur les exploitations, « espérons que ça permette de rendre un peu plus concret des fiches techniques difficiles à interpréter ». D’autant que la période à risque, du 15 novembre au 15 janvier arrive à grands pas…

« En plein reprise, nous avons besoin de certitudes »Pour autant, si les choses reprennent peu à peu leur cours sur les exploitations, la « crise » provoquée par l’influenza 2016-2017, n’est pas terminée ni dans les esprits, ni surtout dans les trésoreries des éleveurs. En septembre, leur colère a en effet grondé dans les Landes. Manifestations, blocages, opérations escargots ont été organisés dans plusieurs villes du département. Marie-Hélène Cazaubon était de ces manifestations. Objectif : demander à l’Etat, de prolonger les indemnisations au-delà du 29 mai, jusqu’au jour de la reprise effective des agriculteurs. Autre demande : accélérer les versements des indemnisations promises. « On est en pleine reprise, on a besoin d’avoir plus de certitudes et de visibilité. D’autant que pour certain la mise en place de la biosécurité demande des besoins en trésorerie que l’on a pas. Le risque du désengagement de l’Etat, c’est de savoir si les éleveurs accepteront de nouveaux de jouer le jeu de l’abattage, en cas de nouvelle épizootie… »
Si pour l’heure rien n’a été obtenu sur la date administrative de remise en production (une nouvelle mobilisation « républicaine » est d’ailleurs prévue ce samedi 7 octobre, à l’initiative cette fois du Département), l’éleveuse syndicaliste est tout de même satisfaite de constater que les actions sur le terrain « ont permis de débloquer un certain nombre de dossiers qui n’avançaient plus ». « Le solde des indemnisations du H5N1 de 2015-2016, devrait maintenant être enfin réglé  ; 50% des indemnisation pour 2016-2017 ont été versés, 20% supplémentaires attendus depuis la rentrée devraient l’être courant octobre. On est en train de suivre les dossiers pour s’assurer que tout cela est bien en ordre. Il va donc rester un solde qui lui sera versé en 2018. » Et se repose alors la question de connaître la durée d’inactivité prise en compte pour l’indemnisation. Marie-Hélène Cazaubon et son tempérament combatif, sera ce samedi à Castelnau-Chalosse pour défendre son point de vue.

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