Interview: Laurence Rouède présente la stratégie foncière de Nouvelle-Aquitaine


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 24/04/2019 PAR Joël Aubert - Yoan Denéchau

@qui! : Pourriez-vous nous rappeler ce qu’est l’Établissement Public Foncier, et quelles sont ses missions ?

Laurence Rouède : L’EPF est un organisme d’État qui existe depuis 10 ans sur les quatre départements du Poitou-Charentes. A l’occasion de la réforme territoriale et de la création de la Nouvelle-Aquitaine, s’est posé la question d’agrandir cet Établissement Public Foncier pour le proposer aux territoires qui n’étaient alors pas dotés d’un tel établissement. C’est ce qui s’est fait après une grande concertation, arbitrée par l’État et le Ministère. L’objectif était de pouvoir, en accord avec les collectivités qui l’avaient souhaité, étendre cet EPF à 10 Départements. Ce n’est pas exactement l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine, parce qu’on a respecté l’établissement d’EPF locaux déjà existants, un dans les Landes, deux en Pyrénées Atlantiques – un côté basque et béarnais – et l’EPF de l’agglomération d’Agen.

L’EPF historique Poitou-Charentes s’est étendu à tous les territoires néo-aquitains qui n’en étaient pas encore dotés. Ainsi, l’ensemble des collectivités de la Nouvelle-Aquitaine peuvent avoir accès à cet outil, qui est vraiment à destination de ces dernières pour leur permettre d’entrer dans des stratégies foncières plus spécialisées, avec des équipes et une ingénierie expertes en termes d’acquisition foncière. L’objectif est de faire du portage foncier pour le compte des collectivités, ce qui va permettre de faire émerger des projets qui, sinon, seraient plus en difficulté. Tout simplement, on débudgétise, pour la durée de la convention et du portage, le coût du foncier pour des projets sur des collectivités. C’est un outil très important dans la mesure où l’accès au foncier est un vrai sujet. C’est la première pierre d’un projet d’aménagement quelconque, que ce soit sur l’habitat ou le développement économique. Donc pour les collectivités, pas forcément sur des projets d’aménagement public, on fait l’acquisition de ce foncier pour permettre la sortie d’un projet validé par la collectivité.

@qui! : Pourrait-on évoquer plus précisément quelle est la stratégie foncière de la Région au regard de l’aménagement du territoire ?

LR : Il faut distinguer : l’EPF n’est pas piloté par la Région, il y a un Conseil d’Administration, composé de représentants de différentes collectivités territoriales, allant de la Région aux communautés de communes.  La volonté de la Région, depuis le début du mandat, est de porter une stratégie foncière dédiée à la limitation de l’étalement urbain et de la consommation foncière, mais aussi à la protection des terres agricoles, naturelles et forestières.

Nous partons du principe que l’artificialisation des terres est préoccupante. C’est vrai que la Nouvelle-Aquitaine dispose de très grands espaces pas encore touchés par l’artificialisation. Nous sommes une région au potentiel agricole important. Nous avons de beaux paysages, une belle biodiversité et des espaces naturels, et l’idée c’est de les préserver. A travers la stratégie foncière et le schéma d’aménagement du territoire, notre volonté est d’orienter l’ensemble de la Nouvelle-Aquitaine et des collectivités vers un changement de paradigme : avant d’aller vers la facilité de l’étalement urbain et du développement du foncier sur les espaces naturels, agricoles et forestiers, nous devons réfléchir différemment. Et partir du principe que nous devons préserver les espaces et non les consommer. Il est préférable de s’orienter vers la revitalisation des centre-villes et des centre-bourgs, la revitalisation des friches, et de recentrer les projets d’habitats notamment autour des gares et des pôles de mobilité. Il faut s’intégrer dans cette vision suggérant que l’étalement urbain n’est pas une bonne chose, et il est essentiel de préserver nos capacités alimentaires à l’horizon 2030, 2040 et 2050, et donc voir comment la Région peut porter une stratégie économe en foncier.

EPF et SAFER, même combat

@qui! : Entrons un peu dans la relation possible entre EPF et SAFER (Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural) : ces outils dont nous disposons peuvent-ils avoir des actions complémentaires et efficaces, notamment pour l’agriculture?

LR : Depuis de longues années, l’EPF Pays Basque, par exemple, bénéficie d’un partenariat avec la SAFER Aquitaine-Atlantique. L’idée maintenant est de faire la même chose entre l’EPF Nouvelle-Aquitaine et les trois SAFER qui fusionneront le 20 juin pour créer la SAFER Nouvelle-Aquitaine. Une convention existait déjà entre l’EPF et la SAFER du Poitou-Charentes, mais elle n’était pas assez poussée vers cette complémentarité. Avec le Conseil d’Administration de l’EPF, nous avons vraiment souhaité travailler plus étroitement avec la SAFER Nouvelle-Aquitaine. Cette complémentarité est en effet nécessaire : le foncier doit être considéré comme une ressource. Celle-ci doit être protégée, revalorisée mais cette ressource doit aussi être à son juste prix et à sa bonne évaluation. Dans certains territoires, le foncier devient très cher, comme par exemple sur le littoral ou la Métropole, mais aussi dans quelques territoires ruraux. Dans ces derniers, il arrive que la valeur foncière ne corresponde plus forcément à celle d’un terrain agricole tel qu’il devrait l’être.

Il est extrêmement important que l’ensemble des opérateurs fonciers soient bien connectés, bien coordonnés pour que chacun sache où il agit, tout en restant dans une action en complémentarité. Par exemple, la spécialité d’un EPF est plutôt là où se trouve du bâti, tandis que les SAFER vont intervenir sur les terres agricoles. Un des intérêts de notre convention est, par exemple, de voir comment nous pouvons nous coordonner sur une action pour un terrain comportant à la fois un côté agricole et bâti. Ainsi, nous évitons le conflit d’usage, en plus d’être sur le juste prix du foncier. Il faut savoir que l’EPF n’achète que s’il y a un projet d’aménagement derrière, que ce soit pour ramener des habitants ou avoir une activité économique. Nous avons toujours à l’esprit l’émergence d’un projet, tout comme la SAFER pour l’installation des agriculteurs. Pour nous c’est extrêmement important. Chacun son métier, mais nous avons des sujets connexes et complémentaires, l’idée c’est que nous collaborions.


@qui! : Quelles solutions sont envisagées pour une meilleure utilisation du foncier ?

LR : A travers le SRADDET (Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires), la Région a lancé un appel à projets, qui sera renouvelé tous les ans, sur la double utilisation du foncier. L’objectif est de susciter l’innovation et l’intérêt sur le foncier. Revitaliser, réinvestir dans des bâtis existants coûte plus cher : une démolition partielle, une modernisation ou une dépollution peuvent être requis. C’est pour cela que les collectivités ne vont pas forcément sur le foncier déjà existant. L’intérêt des SAFER, EPF et celui des différentes politiques menées par les collectivités est donc faire en sorte que réinvestir l’existant soit plus facile à mener dans une opération d’aménagement. Nous sommes davantage dans l’incitatif et parallèlement moins dans l’étalement urbain.

@qui! : Quelle est l’importance de ces outils par rapport à la définition d’une politique sur le plus grand territoire agricole européen ?

LR : C’est important, parce qu’effectivement il faut protéger les terres agricoles et forestières, et ça la Région l’a très bien compris. Alain Rousset est très volontariste vis-à-vis de cela. Nous souhaitons aider et accompagner, d’où l’intérêt d’un partenariat entre la Région et la SAFER qui sera représenté au moment de la création de la SAFER Nouvelle-Aquitaine, le 20 juin. Nous visons l’installation d’agriculteurs et la lutte contre la déprise agricole. Le Conseil Régional va mettre des moyens pour payer les frais notariers sur du portage. C’est important de pouvoir s’appuyer sur des organismes comme les SAFER et des sur outils comme les EPF. Nous voulons avoir la même stratégie foncière sur tout le territoire néo-aquitain. L’idée est de travailler notamment à la régulation du foncier, lui (re)donner sa vraie valeur, en travaillant plutôt à la revitalisation de l’existant qu’en dépensant des terres agricoles. Une telle stratégie est au service des objectifs tant de la Région, que des EPF et de la SAFER.


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