Filière bois : trois questions à Roland de Lary, directeur du Centre Régional de la Propriété Forestière


RB
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 05/10/2020 PAR Romain Béteille

@qui.fr. -Une enveloppe de 200 millions d’euros est dédiée à la forêt dans le plan de relance présenté par le gouvernement début septembre, avec un objectif de planter 45 000 hectares de forêts. Le rapport Cattelot, de son côté, formule 19 recommandations pour pérenniser la filière vers une orientation décarbonnée. Parmi elles, la création d’un « fonds pour l’avenir des forêts », qui serait doté de 300 millions d’euros par an avec l’objectif de reboiser un million d’hectares en trente ans. Comment interprétez-vous ces ambitions ?

Roland de Lary, directeur du Centre Régional de la Propriété Forestière – Tout ce qui est plantation, reboisement, va dans le bon sens. Le million d’hectares du rapport Cattelot est intéressant, il faudra en voir les véritables objectifs derrière. Les nôtres sont à la fois économiques, écologiques et sociétaux. Il ne s’agit pas de tirer la corde vers l’un ou l’autre.

Pour ce qui est du plan de relance, il doit d’abord concerner les grandes forêts d’épicéas du Grand-Est, de la Franche Comté, de la Bourgogne, du Nord de l’Auvergne et des quelques dizaines d’hectares que nous avons en Limousin. Ce sont toutes ces forêts qui ont été décimées par les scolytes, qui sont issus directement d’une perturbation du cycle biologique de l’épicéa lié au changement climatique. On espère que ces régions seront priorisées pour reboiser ces parcelles.

Il faut aussi que le plan de relance s’attache à regarder ce qui se passe dans les autres régions de France, soit parce qu’il y a aussi des dégâts liés au changement climatique, soit parce qu’il y a un secteur industriel en difficulté ou des sujets qui ne sont pas encore aboutis dans nos réflexions nationales. Je pense, par exemple, à la pérennité du système DEFI Forêt (encouragement fiscal à l’investissement en forêt), du CIFA (Compte d’Investissement Forestier et d’Assurance) ou des réseaux de DFCI (défense des forêts contre les incendies). Tout ne pourra pas rentrer dans le plan de relance, mais il faut avoir une vision économique de ce massif forestier dans ce cadre.

@qui.fr – Dans ce même rapport, on retient un autre chiffre : la volonté de tripler la quantité de bois pour la construction d’ici 2050. Pensez-vous qu’il soit réaliste ?

RdL – C’est en effet un défi ambitieux, en particulier sur l’ossature bois. On voit par exemple que sur Euratlantique à Bordeaux, la totalité des nouveaux bâtiments seront à ossature bois (quartier Armagnac Sud, 16 immeubles). C’est encore peut-être trop lent pour certain mais c’est déjà un gros progrès. C’est un objectif tout à fait atteignable à condition que la société accepte bien de faire le lien entre cette construction bois qu’elle plébiscite et l’exploitation des arbres. D’un côté on a cette volonté d’utiliser le matériau bois en substitution de matériaux trop énergivores comme l’acier ou le béton mais, en face, on nous dit qu’on ne doit pas couper d’arbres… Je crois à cet objectif si les parties prenantes deviennent raisonnables et comprennent que l’atteindre passera par une forêt cultivée, productrice de bois d’œuvre, gérée et au service de nos ambitions. 

@qui.fr – Pour poursuivre ses objectifs de compensation carbone, la filière compte sur le « label bas carbone ». Pour l’instant, seuls 35 projets sont labellisés en France. Pourquoi ça rame ?

RdL – D’abord, on sent bien que les propriétaires qui s’investissent dans ces dossiers carbone ne le font pas uniquement pour la facilité d’avoir un reboisement pris en charge par l’entreprise qui compense mais rentrent complètement dans le jeu, les objectifs sont presque ludiques dans ce « jeu » du carbone. C’est là qu’on parle de sylviculture « carbone plus », c’est-à-dire qui va au-delà des espérances du label.

On accompagne ce dossier bas carbone par tout un tas de co-bénéfices, pour voir ce que ces plantations, au-delà de la séquestration du carbone, peuvent apporter. Pour les mettre en œuvre, il faut les prouver. Concernant le reboisement, on a développé au sein de l’Institut pour le Développement Forestier l’outil BioClimSol. Il fait à la fois une étude du biotope, du climat local et de la pédologie (autrement dit, le sol). C’est ce qu’on appelle la station, mais ce n’est pas une étude de station classique parce qu’elle tient compte du changement climatique grâce à un arriéré scientifique. Tout cela pris en compte nous permet de déterminer le choix des essences sur les parcelles et la manière de les conduire. On a aussi un outil qui va nous aider plutôt pour des taillis en phase de dépérissement ou des futaies mal-venantes. Son objectif sera d’étudier leur niveau de résilience et savoir si elles vont pouvoir supporter le changement climatique. C’est un protocole baptisé « archi » comme architecture et elle regarde plusieurs paramètres comme la présence de parasites ou la forme de la branchaison, par exemple. Ces deux outils, parmi d’autres, serviront à faire un diagnostic préalable pour le label bas carbone. 

On ne peut pas dire que ça rame. C’est un sujet qui doit être pris très au sérieux, qui ne mérite pas qu’on le prenne à la légère. On parle de calculs de quantification carbone compensé, absorbés, séquestrés par la forêt puis stockées et substituées qui sont très complexes. En gros, un projet carbone, c’est environ entre deux et trois ans. Tout ça va être exponentiel. On prend des habitudes, on a essuyé des calculs peut-être trop ambitieux mais on sait désormais calibrer nos efforts et ça devrait aller beaucoup plus vite.

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle ! Nouvelle-Aquitaine
À lire ! AGRICULTURE > Nos derniers articles