L’essor des produits bio : simple tendance ou véritable enjeu sociétal ?


Baptiste Nouet
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 15/01/2019 PAR Baptiste Nouet

Jeudi dernier, un débat intitulé « Comment répondre à la demande des consommateurs » a été animé dans la salle de réception du stade du Hameau à Pau dans le cadre de l’assemblée des sections — regroupant seulement les coopérateurs engagés en productions contractuelles (légumes, semences, volailles et bovins) — de la coopérative Euralis. Pour son président Christian Pèes, l’idée de ce débat était de resituer la place des produits bio dans les tendances de consommation des Français. « Le bio nous donne du grain à moudre, confie-t-il. Il y a une forte demande des consommateurs mais aussi de nos producteurs. C’est pourquoi nous sommes aujourd’hui très engagés dans ce mode de production. » Pascale Hébel, directrice du pôle consommation au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, plus couramment appelé Crédoc, a dressé un état des lieux très factuel de la situation.


Débat du CREDOC « Comment répondre à la demande des consommateurs »

Une jeune génération préoccupée par l’environnement

Au cours d’une récente étude initiée par le cabinet de recherche, les experts ont interrogé des gens au sujet de plusieurs thématiques par lesquelles ils se sentaient le plus inquiets. « L’environnement est sorti devant la pauvreté ou encore le chômage. En affinant les réponses, on voit que ce sont les jeunes générations qui sont aujourd’hui le plus préoccupées par l’environnement. » Et ils ne sont pas les seuls. Réchauffement climatique, transition énergétique, loi EGAlim… l’État prend aussi à bras-le-corps ce dossier. Dans ce contexte, le « local » et le bio s’enracinent car « ils sont considérés comme plus vertueux et pour beaucoup, ont un plus faible impact sur la planète ». La peur alimentaire est un autre phénomène observé sur le choix de consommation. « Aujourd’hui, 75 % de français pensent qu’en se nourrissant ils prennent un risque », annonce l’experte. Et les scandales alimentaires ont fortement participé à nourrir cette crainte. La fraude à la viande de cheval de 2013 ou, encore avant, la crise de « la vache folle » ont donné encore plus de crédibilité à la production bio. « Suite à ces crises, on voulait du produit brut et local et les gens se sont rassurés en consommant bio », explique la conférencière.

La notion de « sain » revient en boucle du côté des jeunes. Ces derniers sont très regardants sur la qualité nutritive d’un aliment. « On voit que les produits complets sur le plan nutritionnel sont priorisés par cette catégorie de consommateur. » Autre tendance observée : les gens qui cherchent des produits « naturels et bons » se tournent vers les produits sous labels. « Les signes de qualité reflètent un savoir-faire, un terroir. Et cette qualité rassure le consommateur. » En s’éloignant un peu des inclinations des Français, la directrice au Crédoc a souligné l’attrait des Américains et des Chinois pour les produits français. « Pour eux, le made in France gastronomique est encore une fois un gage de qualité. »

Le bio perçu comme « meilleur » par les 65 ans et plus

D’après une autre récente étude de 2018, la quête du produit « sans » est plébiscité. « Quand on parle de sans, il s’agit des produits sans additifs, sans colorants, sans sucre, sans gluten gras, sans nitrites, sans OGM, ou sans antibiotique. » Par conséquent, le produit bio, élaboré sans produits de synthèse, séduit. Un autre élément ressort de cette étude. « Ce ne sont pas les plus jeunes qui disent qu’il n’y a que le bio qui est bon. Cette affirmation revient beaucoup plus chez les 65 ans et plus, souligne Pascale Hébel. Et de préciser. « D’ailleurs, pour la majorité de personnes de cette tranche de la population, un aliment de qualité est une nourriture sans antibio. » D’autres tendances plus caricaturales se dégagent des études menées par le centre de recherche. Parmi les « bons produits » évoqués par les femmes, figurent en tête de liste les produits issus de leur jardin tandis que pour les hommes, ressortent « les aliments riches en protéine et la pizza ».



Pascale Hébel, lors du débat du Credoc

Manger bio a un prix. Et pour certains, cela constitue un signe de distinction. « Pour la moitié, ce sont des gens diplômés d’un bac +5 et qui s’approvisionnent dans les magasins spécialisés comme Biocoop. On veut manger différemment pour être différent des autres », résume-t-elle. À l’image de l’Autriche et de la Suède, la France connaît une croissance des dépenses liée à la consommation de produits bio au cours de ces dernières années. Le panier bio des ménages se compose à « 80 % de fruits et légumes qui se différencient par leur non-présence de pesticides ». Viennent après, les œufs et le lait, « des produits bruts » et, enfin la viande.

De ce bilan, global et impartial, brossé par Pascale Hébel au sujet des évolutions des modes de consommation, se dessinent enfin d’autres certitudes. « Si les produits bio démontrent qu’ils ont un faible impact sur les GES (N.D.L.R. Gaz à effet de serre), s’ils ont de réels bénéfices sur la santé avec une forte fortification nutritionnelle, s’ils répondent à une juste répartition de la valeur et s’ils intègrent également le bien-être animal, alors cela ne fait pas de doute : le bio continuera de se développer  », conclut la spécialiste du Crédoc.

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