Lac du Gabas et nord Béarn, reportage en terres irriguées


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Publication PUBLIÉ LE 06/11/2014 PAR Solène MÉRIC

A cheval sur quatre communes des départements des Pyrénées-Atlantiques et Hautes-Pyrénées (Lourenties, Eslourenties, Gardère et Luquet) le Lac du Gabas, est un des derniers ouvrages structurants réalisés dans la région. Le technicien vous dira qu’il permet, à part égale de son volume, le maintien du débit des cours d’eau (ou étiage), et l’irrigation agricole. En effet, sur un bassin de l’Adour où les besoins en eau, tous usages confondus, sont supérieurs aux ressources naturellement disponibles, c’était bien là l’objectif de ce barrage: créer une nouvelle ressource en eau, en réalisant sur la rivière Gabas, une réserve issue des pluies hivernales. Pour cela les grands moyens ont été déployés via la construction d’une digue d’argile de 27 m de haut par 550 m de long, retenant sur plus de 210 ha, 20M m3 d’eau. Un investissement de 33,7M€ pour les partenaires publics.

A la fois économique, environnemental, et touristiqueMais, à côté des chiffres impressionants, le visiteur du site vous parlera quant à lui, de la beauté de l’endroit, de ses tables de pic nique, des sentiers pédestres et VTT qui le contournent, des activités nautiques qui s’y sont développées ou encore de la réserve biologique (dont le niveau d’eau reste constant) de 30ha créée en amont du lac. Certains pourraient même vous raconter leur partie de pêche, avec remise à l’eau obligatoire des poissons, ou leur dernière visite à la Maison de la pêche et des milieux aquatiques toute proche qui accueille régulièrement des expositions sur ces thématiques. D’autres enfin évoqueraient les manifestations organisées dans la salle de réception construite sur le bord du lac avec vue imprenable sur les Pyrénées.
Ça n’est pas à remettre en cause, derrière les objectifs économiques d’irrigation qui ont au départ impulsé la construction de cette réserve, c’est bien un projet global d’aménagement du territoire qui a pris corps, à la fois économique, environnemental, et touristique. Un lieu d’agrément qui séduit aussi de nombreuses espèces d’oiseaux et de poissons, au delà même de la réserve créée. Jean-Marie Bucarel le garde du lac qui réalise le suivi de ces espèces en témoigne d’ailleurs bien volontiers aux promeneurs de passage.

Balade sur la digue qui retient l'eau du réservoir. A gauche, la station de pompage, à droite le lac.

Un souci d’insertion et d’acceptation locale qui a semble-t-il bien réussi son pari. Jean-Marie Bucarel et Julien Boyer, Responsable du pôle eau et environnement à la Chambre d’agriculture des Pyrénées Atlantiques le soulignent, ils sont nombreux, parmi les anciens opposants au lac, notamment voisins ou propriétaires dont le foncier a du être inondé pour la création de ce réservoir, à désormais reconnaître la qualité du projet. Celà dit, malgré le scepticisme de certains, les 99 propriétaires ou exploitants directement concernés qui ont du en passer par un remembrement foncier, ont à l’époque déjà tous libéré par accord amiable l’emprise nécessaire à la création de l’ouvrage.


Pas d’autorisation at libitumDésormais le foncier et le réservoir du Gabas, appartiennent à l’Institution Adour, qui regroupe les quatre départements concernés par la retenue d’eau. Quant à la gestion de cet équipement XXL, de l’eau qu’il contient et de ses usages, c’est la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne (CACG) qui en a la concession.  «Le lac a été créé pour développer un peu d’irrigation et sécuriser les systèmes d’irrigation agricole qui fonctionnaient déjà sur le débit naturel des rivières, et pour pouvoir soutenir l’Adour au travers de ses trois affluents le Gabas, et les Lees de Garlin et Lembeye» explique Julien Boyer.
Du point de vue de l’irrigation, la réserve permet de desservir un peu plus de 6000 ha. Une irrigation réglementée et pour laquelle chaque agriculteur souscrit un contrat avec la CACG, fixant à la fois la redevance qu’il devra verser, les quota et périodes d’autorisation de prélèvement d’eau, car bien sûr, l’autorisation d’irriguer n’est pas une autorisation at libitum.  En outre, précise Julien Boyer «des contrôles de débit sont effectués en aval du barrage, sur le Gabas et les Lees afin de vérifier, notamment en périodes sèches, le maintien d’un débit d’eau minimum dans ces rivières et l’Adour» afin notamment de maintenir l’écosystème de ces cours d’eau.

La rivière Gabas, à l'aval du réservoir


Sécuriser les productionsMais, au delà des irrigants utilisant directement l’eau du lac ou des rivières réalimentées par celui-ci, le lac du Gabas permet également de réalimenter d’autres retenues d’eau pré-existantes. Une manière ainsi de sécuriser voire de renforcer les capacités d’irrigation de ces réserves au bénéfice de la sécurisation des cultures sur le territoire. C’est le cas par exemple de la retanue collinaire de Boueilh Bouilho Lasque (BBL), gérée en direct par les agriculteurs irrigants membres de l’ASA (Association Syndicale Autorisée) du lac de Boueilh.
A l’inauguration de leur lac, en 1991, ce sont 795 ha qui ont été rendus irrigables, au profit à l’époque de 70 agriculteurs adhérents sur des cultures de maïs semence, maïs conso et maïs doux. Mais selon Francis Uchan, le Président de l’ASA, «la création du lac du Gabas a été une opportunité pour nous de souscrire des quotas d’eau supplémentaires en mettant en place une station de pompage à la sortie du barrage et ainsi transférer de l’eau de réalimentation de la rivière vers notre lac. Nous sommes alors passés à environ 1100 ha irrigués avec un volume d’eau autorisé d’un peu plus d’1 760 000 m3 dont 511 200 m3 venant de la réserve du Gabas. «Dès que le lac perd un mètre, on attaque le pompage», explique Francis Uchan.
Une volonté de renforcer la capacité du Lac de Boueilh justifiée par la nécessité de l’irrigation pour sécuriser les productions de ce coin de nord Béarn, parmis les plus « secs » du département. «Avant la création de notre lac, on plantait et on attendait de voir ce que ça donnait. Mais le contexte restait difficile et toujours incertain sur le résultat final des cultures. Désormais on est sécurisé et on garde la maîtrise de nos cultures».

«Un facteur d’attractivité de nos terres» 

Julien Boyer de la chambre d'agriculture des Pyrénées atlantiques et Francis Uchan, Préisdent de l'ASA du lac de Boueilh

  Mais, souligne l’agriculteur, au delà de ces éléments, l’irrigation est plus globalement «un facteur d’attractivité pour nos terres». A la fois pour les installations ou les reprises, mais aussi pour les coopératives et le développement de cultures contractuelles. «Aujourd’hui on arrose moins de maïs qu’avant, assure Francis Uchan. Mais nous avons ici tout le panel des cultures contractuelles, garden peace, haricot, orge d’hiver, maïs doux, colza de semence, tournesol de semence…».
Le lien maïs-irrigation reste donc important, mais n’est pas exclusif. Et pour cause, environ 40% des cultures des adhérents de l’ASA sont désormais des cultures contractuelles. Une irrigation dont bénéficie également l’agriculture biologique, puisque l’ASA compte quatre agriculteurs installés en bio. Pour le Président de l’ASA, qui est aussi éleveur, «l’irrigation permet également une sécurisation fourragère par rapport à l’élevage, ça permet de maximiser les rendements en évitant d’acheter du fourrage à l’extérieur».
Autant d’apports que l’ASA du lac de Boueilh a su renforcer en 2011 à l’occasion de la construction de l’A65, qui touchait 600 ha des terres de ses adhérents. La structure s’est ainsi fortement impliquée dans le processus de remembrement foncier. Objectif: bénéficier de surfaces pouvant être équipées de pivots, afin de permettre non seulement un plus grand confort de travail pour les agriculteurs mais aussi une meilleure maîtrise des apports en eau. En bref, «avec la trentaine de pivots installée nous avons une irrigation plus efficace et qui consomme moins d’eau». Aujourd’hui l’ASA de Boueilh, représente désormais 1261 ha irrigables et les exploitations de 77 agriculteurs en dépendent. A l’heure où la surface agricole utilisée recule, Francis Uchan l’a vécu et l’assure sans hésitation, «l’eau a permis de conserver des agriculteurs sur nos terres».

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