Le CIVB fait son Climax


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 04/09/2018 PAR Romain Béteille

Tentacules et profession de foi

Vous l’avez peut-être aperçue depuis ce week-end aux fenêtres de l’immeuble Gobineau, en plein centre-ville de Bordeaux. La nouvelle oeuvre d’art qui a fait beaucoup parler les réseaux sociaux, ce sont ces tentacules vertes qui sortent des fenêtres du bâtiment abritant le Conseil Interprofessionnel du vin de Bordeaux. Elles ont été réalisées et imaginées par deux artistes britanniques (Filthy Lucky et Pedro Estrella) et sont censées « sensibiliser le grand public à l’importance de la biodiversité et à l’urgence de la préserver ». Bon, en fait, c’est surtout une efficace campagne de communication réalisée par le CIVB en partenariat avec Darwin dans le cadre de la nouvelle édition du festival Climax qui démarre ce jeudi 6 septembre et convie de nombreux invités à débattre autour de conférences thématiques dont la biodiversité.

C’est à cette occasion que le CIVB a organisé, comme une préfiguration des débats à venir, une table ronde ce mardi avec pour thème la viticulture et la biodiversité. Dans un contexte toujours assez sulfureux au moment d’évoquer la question des pesticides dans la vigne, nous y avons jeté une oreille. Qu’y a-t-on appris ? Pas grand-chose en fait, si ce n’est la tendance confirmée ces derniers mois par les propos du président du CIVB, Allan Sichel, de vouloir un peu rassurer en lissant les bords. Il faut dire que parmi les intervenants de cette table ronde se trouvaient un vigneron et un négociant, tous deux co-présidents de la commission technique du CIVB, Philippe Bardet et Benoît Calvet. Pour le premier, « les petites actions mutualisées sont plus efficaces pour améliorer l’écosystème. Aujourd’hui, on sait gérer tous les insectes nuisibles sauf la cicadelle. C’est le seul cas ou nous utilisons un insecticide mais nous avons mis en place des solutions collectives, notamment une association. Depuis dix ans nous n’avons pas éradiqué la maladie mais elle est partiellement sous contrôle avec 70 à 80% d’économie sur l’insecticide en question. Les solutions sont en train de s’organiser, de se développer ».

Si les thèmes abordés ont été assez largement survolés, on peut tout de même noter la corrélation plus qu’évidente entre l’avis de Benoît Calvet sur le bio et celui du dircteur du CIVB. « On a eu une forte demande sur le bio dans les années 2000 mais on s’est retrouvé confronté à la résistance des acheteurs internationaux. Le vin a une image positive, et vanter les vins bios comme plus naturels revenait à jeter un doute sur les autres. Depuis quelques années, on constate un retour du vin bio avec de belles performances, parce que le consommateur est allé réclamer ces vins aux acheteurs. Le bio a permis à l’ensemble de la filière de réagir, de travailler. Il y a beaucoup de façons de réduire les intrants, le bio est une des solutions », a ainsi souligné le responsable.

Une salle, deux ambiances

Mais la question la plus sensible, celle sur les pesticides, a très vite été abordée par un habitant de Quinsac, qui s’est dit « inquiet des effets des épandages à l’heure du déjeuner. Nous avons fait des réunions avec les viticulteurs et les élus, fait des pétitions. Ce que nous demandions, c’était d’être prévenus avant un traitement pour pouvoir prendre des mesures. L’ARS avait préconisé des mesures de protection qui n’ont apparemment pas été respectées, nous avons vécu cela comme un manque de respect. On nous répond que les viticulteurs étaient là avant nous. Et alors ? », a témoigné le riverain. « Lors du partage d’un territoire, nous sommes soumis à la diversité humaine, c’est de l’éthique de bon voisinage », a répondu Philippe Bardet, également viticulteur à Saint-Emilion. « Il y a des abrutis dans la vigne, comme il y en a sur les routes. On ne peut pas tout changer de la seule initiative du CIVB ou des associations de vignerons. C’est un travail de territoires. De notre côté, nous avons fait plusieurs tentatives pour développer des initatives de comportement plus respectueux sur les épandages dans les AOC. A chaque fois, on s’est fait retoquer. Là où ça marche le mieux, c’est là où il y a le plus de dialogue ». D’où les réflexions, apparemment en cours au sein du comité technique, pour « reconnaître le voisin comme acteur du territoire », en imaginant de futures cartographies des vins de Bordeaux tenant compte de la problématique du voisinage et, dans un futur plus lointain de l’aveu même de Benoît Calvet, une « sorte de co-gérance de territoires » entre les riverains et les viticulteurs eux-mêmes. L’idée est pour l’instant très utopique, mais un récent exemple en Bourgogne semble aller dans ce sens.

Enfin, les débats et les questions les plus animées sont sorties de la bouche d’une invitée surprise qui a fait des pesticides dans la vigne un combat médiatisé, la fondatrice de l’association Alerte aux toxiques (ayant, le 27 juin dernier, décerné un surprenant palmarès CMR à plusieurs vins du Médoc), Valérie Murat. Cette dernière n’étant pas connue pour mâcher ses mots, elle en a encore fait la démonstration. « C’est un sujet qui concerne tout le monde : les associations, les scientifiques, les riverains mais aussi les parents d’élèves inscrits dans les 130 écoles de Gironde proches des zones d’épandage. Les viticulteurs ayant subi la grèle et le gel vont certainement apprécier le coût de cette oeuvre (les tentacules), qui n’est pas faite pour rendre acceptable ce qui ne l’est pas. C’est le comble du green washing ».

Avec Marylise Bibeyrand, une autre figure médiatisée de la lutte contre les pesticides, Valérie Murat a été reçue pour la première fois le 9 mars dernier par le CIVB pour une réunion aux côtés des associations anti-pesticides. Bien qu’ayant souligné autant d’accords que de divergences, cette réunion devait donner lieu à un « comité de suivi de sortie des pesticides ». Lors ce cette table ronde, le directeur de la communication du CIVB Christophe Château a annoncé qu’un groupe de travail avait été constitué et que la date d’une première réunion serait communiquée à l’automne. Voilà une table ronde annoncée qui risque d’être bien plus animée. Car si les tentacules ont plutôt fière allure, la tête de la pieuvre, elle, est encore bien timide.

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