Le Grand Entretien – Geneviève Barat: Un cluster ruralité bientôt en Nouvelle-Aquitaine


Conseil Régional Nouvelle-Aquitaine
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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 14/02/2018 PAR Joël AUBERT

@qui! – Geneviève Barat, vice-présidente de la région, en charge de la ruralité, du vivre-ensemble, de la vie associative et de la citoyenneté. Quand on a des responsabilités qui couvrent un champ très important de la vie sociale, économique d’une aussi grande région, comment s’y prend-on?

Geneviève Barat – Il faut, pour arriver à assumer toutes ses délégations, penser vraiment en transversalité. Il faut penser la région en global avec une cohérence et naturellement de façon reliée. Tout à un lien avec les compétences prioritaires de la région et les compétences partagées. On doit pouvoir sentir qu’elle peut agir jusqu’à la proximité, ça c’est essentiel, que les populations se sentent appartenir à une région.

@qui! –  Justement, est-ce que quand on est enracinée dans la Creuse depuis tant d’années, que l’on a eu des responsabilités importantes dans le milieu agricole, on peut mesurer si la population commence à se sentir appartenir à la Nouvelle-Aquitaine. L’idée progresse?

G.B – Je pense qu’elle progresse mais si le fait régional n’est pas encore totalement intégré dans les esprits, auprès des acteurs, des citoyens, il le devient. Je trouve qu’il le devient de façon étonnante avec cette Nouvelle-Aquitaine parce que, au moins, cela suscite des discussions. Donc, quand cela suscite des discussions, c’est que l’on a conscience que la région existe et de ce à quoi elle sert et peut servir.

De plus en plus l’hyper-ruralité

@qui!  – Ruralité ? Cela veut dire de l’accompagnement, des initiatives sur le territoire ? Concrètement, comment  illustrer votre action en matière de ruralité ?

G. B – La ruralité c’est aborder l’idée que les territoires ruraux représentent de plus en plus l’hyper-ruralité, là où la démographie décline, est en baisse continue. Il faut imaginer des méthodes d’approche des territoires différentes de celles qui prévalent pour une économie métropolitaine. Une étude faite avec l’INRA a lieu sur la Creuse pour définir des méthodes d’ingénierie et éventuellement pour travailler sur la création d’une maîtrise d’œuvre rurale et sociale. On pense, de plus en plus, qu’il faut approcher le rural à partir du tissu social. Imaginer le développement des territoires ruraux par une politique d’accueil en faisant venir les gens de l’extérieur mais, aussi, en encourageant du développement endogène, en quelque sorte du pur développement.

@qui! – Il n’y a donc pas de recettes absolues. Il faut faire en fonction des possibilités du territoire mais aussi des choses qui ont marché, qui peuvent marcher… C’est cela?

G.B –  Nous sommes en train de créer un cluster ruralité à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine pour qu’il soit, d’abord, un centre de ressources, pour inventorier toutes les expériences qui ont eu lieu sur les sujets préoccupants : mobilité, service au public, revitalisation des centre-bourg, développement de l’économie de proximité, développement d’une agriculture a valeur ajoutée, transmission des entreprises. Et pour qu’il puisse être, aussi, un centre de réflexion avec des chercheurs, qu’il puisse développer des expérimentations. Celles-ci auront vocation, si elles fonctionnent bien, à devenir des politiques régionales. Les maires ruraux sont venus nous voir ; ils nous demandent de travailler avec eux. Ils seront dans le cluster. L’horizon de ce cluster, on l’espère dans les 2-3 mois. Pour résumer le Cluster ruralité a pour objectif de susciter une nouvelle dynamique de coopérations et de connexions sur et par les territoires ruraux. Ce travail ne peut se faire qu’avec et par les hommes et femmes œuvrant dans la vie socio-économique de leur bassin de vie.

@qui! – Une des clés, notamment pour installer des jeunes, alors même que l’on en a énormément besoin, c’est qu’il y ait une économie de base sur le territoire. Comment l’encourage-t-on avec les autres responsables, chacun sur des créneaux. ?

G.B –  Il y a à mener ces territoires comme ils existent, en mettant en évidence des choses que l’on ne voit pas et qui pourtant peuvent être des potentiels. C’est un peu l’idée de potentiels cachés dans les territoires ruraux. La région a son rôle à jouer avec ses compétences prioritaires et partagées. Mais la ruralité ne pourra être envisagée que si on fait du développement territorial commun. Donc l’idée est de réunir les acteurs publics, l’État, les maires ruraux, toutes les bonnes volontés pour réfléchir à ces territoires. L’INRA travaille sur les connexions. Pour la Creuse, par exemple, on peut imaginer tout ce qui est autour de la tapisserie. Il y a déjà la Cité Internationale de la Tapisserie, les fabriques de tapisserie. On s’aperçoit qu’une association qui portait la laine, va faire un développement associatif lié à l’économie et va aussi travailler sur l’indication géographique. C’est toutes ces choses-là à laquelle il faut penser.

Les interactions entre territoires urbains et ruraux sont nombreuses, notamment du fait des jeunes, l’attirance entre ces deux types de territoires complémentaires étant réciproque. L’enjeu n’est pas de retenir les jeunes, coûte que coûte, sur les territoires ruraux, mais au contraire de donner aux jeunes qui y vivent l’opportunité de voyager, de faire des études et de découvrir le monde, afin qu’eux, ou d’autres, puissent ensuite revenir ou arriver dans ces territoires.

Je préconise de développer les échanges entre territoires ruraux et urbains, ainsi que les mobilités européennes pour tous les jeunes. Il est important de développer des dispositifs qui permettent, à la fois, de conserver des liens entre les jeunes en étude et leur territoire d’origine, notamment sous forme de réseau social numérique mais également de mettre en place la possibilité de séjour de jeunes dans les territoires ruraux, afin de faire découvrir les acteurs et les atouts d’un territoire aux jeunes souhaitant s’y installer. Les campus ruraux de projets pourraient être les porteurs et les relais de ces initiatives.

@qui! – Comment reconstitue-t-on les bases du développement ?

G.B – Il ne faut pas se résigner; par exemple un département comme la Creuse a des pépites économiques et, aujourd’hui, ces pépites trouvent difficilement les emplois nécessaires parce que la réserve de l’emploi est insuffisante. Ces entrepreneurs ruraux sont avant tout des militants des territoires. Donc, il faut les associer en priorité au développement du territoire. Ces territoires ne sont pas suffisamment attractifs. Je suis persuadée que ces territoires dans 10 ans seront recherchés. En attendant, il ne faut pas laisser se désagréger le service au public, l’école, le minimum, le médical, la culture…. Pour moi le lien social est le premier problème de la ruralité. En Angleterre on est en train de faire un ministère de la solitude. Là, nous avons obtenu qu’un point Poste se fasse dans un café associatif en Creuse. On travaille sur des projets de cette nature car les associations, dernier vecteur de lien social en territoire rural, ont un problème de fragilité économique. Une association qui fait de la culture, des concerts, un espace de vie sociale jeunesse et qui va adosser ses activités avec un café et un point poste peut représenter un lien social essentiel et conquérir une certaine résistance économique. Un développement de service itinérant peut être aussi une solution.

Pour des contrats de réciprocité urbain-rural

@qui! – Dans le cadre du schéma régional, d’aménagement, de développement durable, le SRADDET, cette dimension va être portée, mise en avant ?

G.B – Pour moi, la région a vraiment l’offre globale à apporter à un territoire pour réamorcer une pompe économique. Elle a des compétences sur l’économie, la formation professionnelle, le transport. Pour renforcer l’attractivité il faudra peut-être réinventer des politiques d’accueil comme l’avait fait l’ancien Limousin. Et puis il y a le contrat: plus ça va aller, plus il faudra faire des contrats de réciprocité urbain-rural et peut-être aussi entre territoires ruraux pour trouver des complémentarités, des offres complémentaires à apporter en particulier aux villes.

Quand je vois des villes comme Bordeaux qui veulent faire de l’approvisionnement local pour l’alimentation, je me dis que l’on a un rôle énorme à jouer. Aujourd’hui 40 % des agriculteurs qui s’installent sont hors cadre familial; le principal problème pour eux c’est le financement et l’acquisition du foncier. La région réfléchit avec la SAFER à un fonds de stockage du foncier afin de faire une réserve pour les installations. J’ai proposé dans le laboratoire de l’hyper-ruralité (plan Creuse du gouvernement) d’expérimenter un fonds de stockage qui pourrait être refinancé en location-vente, c’est-à-dire que les gens qui s’installent vont payer durant 10-15 ans et on réinvestirait dans un fonds permanent d’installation à l’agriculture de proximité. L’agriculture dans la ruralité, c’est un peu l’ADN économique de départ. Elle va très mal; donc on a le devoir de la refaire fonctionner. Le développement d’une agriculture de proximité en direction d’une alimentation locale est une des solutions. On peut imaginer qu’il peut y avoir des cercles vertueux qui se recréent, avec le numérique des gens qui inventeraient, qui innoveraient.

@qui! – D’où la nécessité d’accélérer la couverture numérique….

G.B – Le numérique est une chance pour la ruralité parce qu’on pourra travailler à distance, y compris gérer des entreprises importantes. Le numérique est un élément, aujourd’hui, indispensable à l’attractivité d’un territoire et il peut apporter de nombreuses solutions aux enjeux précités : télétravail, télémédecine, achats en ligne, rendez-vous administratifs à distance. Cela nécessite en premier lieu la présence d’une couverture réseau sur l’ensemble du territoire.


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