Interview: Ludovic Charbonnier: le Crédit Agricole entend coller aux nouvelles formes de l’installation


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 12/04/2018 PAR Joël AUBERT

@qui.fr – Comment vous situez-vous par rapport au mouvement d’installation que l’on observe, en particulier avec de nouveaux venus sur des projets d’exploitation qui tranchent souvent avec les critères d’hier?

Ludovic Charbonnier –  Parfois encore, l’image du Crédit Agricole n’est associée qu’au financement des grosses exploitations ou qui tendent vers le modèle « gros ». Ce n’est pas le cas du tout. L’agriculture se transforme. Tous les dossiers sont regardés avec bienveillance. Nous sommes bien dans la prise de conscience que l’agriculture se transforme; nous collons vraiment à cette réalité là. Nous finançons toutes les formes d’installation et pas seulement celles que l’on pourraient qualifier d’historiques.

Une offre qui prend en compte les aléas

@qui.fr – Justement rappelez-nous les solutions de financement qui sont les vôtres ? Elles ont évolué…. On parle désormais « d’avances sur les dotations aux Jeunes Agriculteurs, de prêts bonifiés spécifiques… »

L.C –  A une époque le Crédit Agricole était le seul à pouvoir distribuer les prêts bonifiés à l’agriculture et, comme il y en avait qui étaient dédiés à l’installation, cela nous conférait un avantage concurrentiel. Depuis 2017, les prêts bonifiés à l’installation n’existent plus. En contrepartie la dotation aux JA a été augmentée; c’est finalement une dotation à l’installation. Cela a conduit le Groupe Crédit Agricole à revoir son offre installation. Au Salon de Agriculture de Paris 2017, le Groupe Crédit Agricole a signé un partenariat avec le syndicat Jeunes Agriculteurs pour lancer une offre qui s’appelle « l’installation by CA ». Cette offre a été déclinée dans les 39 caisses de France; elle tient compte de tout le contexte qui a changé. Par exemple, dans l’offre, on peut préfinancer la dotation aux JA. Son montant a augmenté; elle devient une part importante du plan de financement et elle est préfinancée au taux zéro. Elle a été construite pour lutter contre les aléas, c’était vraiment la ligne de conduite de l’offre « Installation by CA ». Nous partons du principe que lutter contre les aléas est un facteur clé de succès d’un projet d’installation. Quand on fait un prêt d’installation, il bénéficie automatiquement et gratuitement d’options souplesse. Cela veut dire, qu’à tout moment, le jeune agriculteur peut augmenter ou diminuer le montant de ses remboursements de 50 %, s’il a par exemple un aléa climatique, sanitaire. Par simple mail et gratuitement, il divise par deux la durée de son prêt et il peut le rallonger d’une durée de 5 ans. Cette offre colle à la réalité économique des exploitations. Elle s’adresse aux installations aidées et non aidées. Pour lutter contre les aléas elle contient plusieurs solutions d’assurances qui sont accessibles à des tarifs réduits pour favoriser le système assurentiel. Dans l’offre JA il y a, aussi, l’accompagnement possible du jeune pour monter son site internet, pour vendre ses produits sur internet. Et, nous lui mettons aussi à disposition notre offre monétique pour vente à la ferme, circuit-court.

@qui.fr – Et puis il y a les équipes des caisses décentralisées.

L.C – En effet, il y a aussi la compétence humaine. Sur chaque département des experts sont dédiés à l’installation. Ils se déplacent sur le terrain et nous essayons de faire en sorte qu’ils se déplacent très tôt. En allant à la rencontre des porteurs de projets, très tôt, ils peuvent orienter le projet, l’accompagner pour qu’il soit accepté par tous.

@qui.fr –  A propos du foncier, les jeunes rencontrent souvent une vraie difficulté, compte tenu du niveau des cautions nécessaires pour l’acquisition des terres.

L.C –  Quand on parle installation, on parle souvent de problèmatique du foncier. Au quotidien, c’est rarement le cas. On a un dispositif de portage foncier qu’on n’utilise pas tant que cela. Aujourd’hui, avec les taux bas, on s’aperçoit que payer un fermage revient plus cher que de payer une annuité au Crédit Agricole… Sur du foncier, nous prenons rarement la caution mais une hypothèque, comme garantie, dans la grande majorité des cas. Par contre, sur le reste on va chercher la caution. Et il existe par ailleurs un projet en cours, Finagri. Ce sont des fonds européens; la Région est à la manoeuvre. Le Crédit Agricole veut un fonds de garantie pour éviter de prendre la garantie des parents. Pour que cela marche, il faut que cela soit gratuit pour l’agriculteur. La Région s’apprête à lancer l’appel à projet sur Finagri. Il va y avoir un appel à candidature puisque les banques vont devoir candidater pour pouvoir distribuer cet outil là.

@qui.fr –  Concrètement, quelle est la part de la Caisse régionale dans le financement des projets sur les trois départements de sa présence, Landes, Lot-et-Garonne, Gironde ?

L.C – En 2017, il est passé sur nos trois départements 125 dossiers en CDOA (Commission Départementale d’Orientation de l’Agriculture) ; 93 ont été attribués au Crédit Agricole (75% de part de marché brute) ; 82 % en Lot-et-Garonne; 71 % dans les Landes et 68 % en Gironde. Ce qui explique les chiffres plus bas en Gironde, c’est la partie viticole car, dans ce secteur, c’est beaucoup plus concurrentiel que l’agriculture. Sur l’agriculture nous sommes trois banques. Quand on commence à parler viticulture, nous nous retrouvons souvent à cinq ou six.

Les chiffres de notre engagement sont stables par rapport aux autres années. L’objectif est de rester entre 75 et 80 %. Il y a un projet d’entreprise qui s’appelle Agriculture 2020; il fixe comme objectif d’être environ à 80% de part de marché sur l’agriculture. Cela s’explique car le Crédit Agricole est une banque historique. Les installations sont vraiment une cible prioritaire pour nous; c’est le renouvellement de notre fonds de commerce de demain. Donc on est présent dans les lycées agricoles. Tous les ans, les experts agricoles vont dans les lycées pour expliquer qui ils sont, quel est leur travail.

Le prêt d’honneur à taux zéro abondé

@qui.fr –  Vous abondez aussi les prêts d’honneur décidés par la Région qui, semble-t-il, connaissent un vrai développement…

L.C – Le prêt d’honneur a été mis en place en 2010 par Initiative Périgord. Il a été développé dans la petite Aquitaine et maintenant il est repris dans la Nouvelle-Aquitaine. Il y a des dossiers en cours en Corrèze et en Charente-Maritime. C’est pour les personnes qui ne peuvent pas prétendre aux prêts Jeunes Agriculteurs au sens règlementaire, parce qu’ils ont moins de 40 ans mais pas de diplôme agricole ou plus de 40 ans. C’est plafonné à 20 000 euros, avec possibilité d’aller jusqu’à 7 ans, jusqu’à 9 mois de différé. Tous ceux qui choisissent l’installation, hors cadre familial, peuvent obtenir un prêt d’honneur de la région, jusqu’à 20 000 euros sur sept ans. Dans l’offre « Installation by CA » nous doublons le prêt d’honneur à taux zéro. Il y a des comités prêts d’honneur, tous les mois, auxquels nous assistons. Cela prend vraiment de l’ampleur. Par contre il faut avoir un prêt bancaire au moins du même montant. Le cahier des charges a été revu en 2016, parce qu’avant c’était plafonné à 5 ans et il fallait avoir de l’autofinancement, au moins identique au montant du prêt d’honneur et donc du prêt bancaire.

@qui.fr – A propos du prêt d’honneur, il se développe beaucoup chez les ostréiculteurs.

L.C – Depuis 3 ans, le Crédit Agricole a décidé de se lancer sur la fillière mer. Nous souhaitions prendre un point d’appui fort sur l’ostréiculture où nous avons déjà des parts de marché importantes et nous développer ensuite sur la pêche, le nautisme. Nous traitons 14 ou 15 dossiers ostréicultures par an; 13 en 2017. L’ostréiculture représente 50 % des installations non aidées du département de la Gironde. Ils bénéficient tous du prêt d’honneur car ils ne peuvent accéder au prêt Jeunes Agriculteurs, étant exclus d’office du dispositif des JA depuis le 1er janvier 2016.

 

 

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