Contre l' »agribashing », opérations communication dans les supermarchés


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 22/10/2019 PAR Solène Méric - Julien Privat

« Il y a un agribashing permanent contre l’agriculture que ce soit contre les produits phyto-sanitaires, contre l’élevage… On nous demande de toujours faire mieux mais, en parallèle, on nous met en situation de concurrence face à des produits qui n’ont pas les mêmes modes de productions que nous, pas les mêmes réglementations, pas les mêmes coûts, et pour certains des pratiques qui sont interdites en France », explique sur le parking du Leclerc Université de Pau, Marc Dupouy, Président de la section bovine à la FDSEA 64, avant le début de l’opération. Particulièrement pointés ici, les accords de libres-échanges tels le CETA et le MERCOSUR.

Examen des étiquettes au Leclerc de Pau
L’opération de ré-étiquetage des produits lancée quelques minutes plus tard au sein de la grande surface avait donc vocation à sensibiliser les consommateurs non seulement sur l’origine des produits, mais aussi parfois, la difficulté à l’identifier. Au rayon « snacking » par exemple, Serge et Sébastien analysent les petites saucisses sèches, armés de leurs étiquettes autocollantes « Celui avec le label porc français, c’est bon ». Ce saucisson qui a passé l’examen est récompensée d’une étiquette verte « Je sais d’où ça vient ». Mais l’identification de l’origine n’est pas toujours évidente : « Celui-ci est bien fabriqué en France… mais la viande qui le compose est d’origine « UE ». Autrement dit la viande n’est pas française, et on ne connaît pas son pays de production. Ici, le consommateur n’a clairement pas l’information, et ne doit pas se laisser avoir par l’indication « fabriqué en France » ». Ce sera donc une étiquette rouge, « Je ne sais pas d’où ça vient », pour ce saucisson à la marque pourtant bien connue des français.
De quoi agacer Serge, éleveur de Blondes d’Aquitaine à Vignes, labellisées en Boeuf excellence et Boeuf de Chalosse. Bref, « des produits haut de gamme, nourris et engraissés avec nos céréales, et à la traçabilité assurée. Demain, avec les traités CETA et Mercosur, tous ces produits venus des USA, du Brésil, d’Argentine, vont arriver avec des conditions de productions bien moindre… C’est une aberration : on brûle la forêt amazonienne pour installer des productions que l’on importera chez nous sans pouvoir vraiment en vérifier la traçabilité et les modes de production; alors qu’ici, les agriculteurs sont au ras des pâquerettes, avec de très bons produits labellisés et traçés. Et, malgré tout, c’est encore nous, les paysans, que l’on trouve à critiquer… »

Marc Dupouy, Président section bovine FDSEA 64

Au fil des rayons, si les agriculteurs identifient quelques bons élèves en matière d’information consommateurs, c’est dans le rayon des plats individuels que Marc Dupouy, trouve « la perle » de la désinformation. Un plat individuel préparé, d’axoa de veau, qu’il tient absolument à amener avec lui pour sa rencontre avec le Préfet prévue dans l’après-midi, au coté du Président de la FDSEA 64 Bernard Layre. « Regardez, la marque du produit est très localisée avec le mot « Pyrénées » dedans, le logo est aux couleurs bleu blanc et rouge, la recette est a priori une recette traditionnelle locale… mais si on regarde les petites lignes des ingrédients, le veau est indiqué origine UE, c’est à dire pas plus local que français! Et pourtant des veaux par ici si on veut en trouver, on en trouve !, s’emporte-t-il. On pourrait même parier sans grand risque de se tromper que le veau en question a été élevé dans des conditions qu’on n’a plus le droit de pratiquer en France… » Pour ce produit, comme pour d’autres, un troisième type d’étiquette est de mise « on veut nous tromper ! ». Le consommateur en sera désormais averti… pour la matinée tout au moins.
Des consommateurs qui dans les rayons appuient plutôt la démarche des agriculteurs, et échange volontiers avec eux. Car pour Serge, l’éleveur de Vignes, il ne s’agit pas non plus de diaboliser les grandes surfaces, pas plus que leurs clients, « nous avons besoin de la grande distribution pour vendre nos produits, mais nous demandons à ce qu’elle joue le jeu de l’origine locale, et française. Et certaines, comme le carrefour market d’ Arzacq, le font, en achetant régulièrement des bêtes sur le canton. », reconnaît-il volontiers. Ne reste plus qu’à généraliser la chose…
Après un peu plus d’une heure à analyser les étiquettes des produits en rayon, mais un peu déçus de ne pas avoir eu d’échange avec la direction du magasin, les agriculteurs sont allés décharger les remorques de la dizaine de tracteurs qui les accompagnaient à l’entrée du Leclerc (chargés de pneu, de branchage, fumier, etc), devant la Direction Départementale des Territoires et de la Mer, avant de rencontrer le Préfet en début d’après-midi.

FNSEA et JA se mobilisent dans la Vienne
 

Pas d’actions en tracteurs aujourd’hui pour les deux syndicats FNSEA 86 et JA 86. « Il y a du boulot dans les champs », explique Romain Martineau, le président de la FNSEA 86. Avec ses confrères, ils ont donc choisi et préféré mettre en place une opération communication sur la zone économique du magasin Auchan Poitiers-Sud. « Ça nous permet de rencontrer du monde ». Ils sont une quinzaine d’agriculteurs installés, depuis la fin de la matinée, à une entrée du magasin. Ils essaient d’entamer la discussion avec les consommateurs tout en leur faisant déguster des produits locaux. « De 2 ou 3 éleveurs autour de Poitiers », précise le président de la FNSEA 86. Viande à la plancha, fromages de chèvre, rillettes, une bonne odeur qui ouvrait l’appétit planait devant la grande surface. Romain Martineau et ses collègues savent comment entamer les discussions. « Je pense que c’est aux agriculteurs de communiquer un peu. On passe pour des fous furieux. Mais on sait travailler, on fait attention aux pesticides. Les plantes n’en reçoivent pas forcément. On n’utilise pas ces produits par plaisir mais par nécessité ». les agriculteurs partagent d’autres craintes concernant les accords de libre-échange. Le CETA doit être examiné par le Sénat, pour le Mercosur il a été repoussé. « Mais jusqu’à quand ? », s’interroge Romain Martineau. « Je ne suis pas contre les échanges mondiaux mais il faut qu’il y ait un besoin. En France, on produit suffisamment de viande. On marche un peu sur la tête là. Le marché est juste à l’équilibre, on le sait. C’est dommageable de faire venir des produits d’ailleurs dont on ne connaît pas de traçabilité », poursuit Michel Caillé, agriculteur FNSEA 86. 

Opération communication pour les agriculteurs FNSEA 86 et JA 86 pour redorer leur image auprès des consommateurs.
 

Le choix de s’installer devant une Grande Surface n’est pas anodin. « On veut aussi demander aux gens de faire attention à ce qu’ils consomment en prenant connaissance de la provenance sur les étiquettes, en évitant les produits transformés. » Devant, une Salers et son veau sont même là pour animer les lieux et attirer les enfants et leurs parents. Ça participe à la lutte contre l’agribashing dont ils souffrent depuis quelques temps. Quant aux gens qui s’arrêtent au stand, ils demandent souvent où trouver ces bons produits et accordent en général leur soutien à cette filière qui souffre. Ils sont compréhensifs. Jean-Pierre Pfeiler, restaurateur à la retraite, s’est arrêté au stand avec sa femme, pour goûter et discuter. « Ils ont raison de manifester. Ils sont acculés, c’est une bonne initiative de faire ça, de venir discuter directement avec les consommateurs. Je comprends leur ras le bol ».

Même si cette manifestation aurait dû se tenir place de l’hôtel de ville à Poitiers – « Le maire de Poitiers l’a refusé », précise Romain Martineau – l’opération s’est déroulée dans une bonne ambiance. Les agriculteurs de la FNSEA et des JA auraient sans doute apprécié voir plus de monde. A 14 heures, une rencontre spontanée a été organisée avec les trois directeurs des magasin Auchan de la Vienne (Châtellerault, Poitiers-Nord, Poitiers-Sud). Ces derniers s’engagent à prendre de la viande en local sous le label « éleveurs engagés ». « Il permet une meilleure rémunération des éleveurs car on supprime un intermédiaire et le plus important il n’y a aucun surcoût pour les consommateurs », indique le président FNSEA 86. Une discussion favorable, qui les agriculteurs l’espèrent, va aboutir. Vers 15 heures, le cortèges d’agriculteurs a pris la direction de la préfecture de la Vienne pour afficher une grande banderoles sur le parvis, puisque l’accès aux grilles leur était impossible à cause d’un cordon d’une quinzaine de policiers. Le message au président de la République : « Sauve ton paysan. Macron répond nous ». Des cris de SOS que poussent les agriculteurs qui aimeraient être entendus.  

 Les agriculteurs FNSEA 86 et JA 86 ont brandi une banderoles sur le parvis de la préfecture de Poitiers.
 
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