Salon de l’Agriculture de Paris : la Nouvelle-Aquitaine veut sa « révolution verte »


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 13/02/2019 PAR Romain Béteille

Un territoire à défendre

Une agriculture plus durable, respectueuse de l’environnement et plus engagée dans la transition vers un nouveau modèle. Tels seront les grandes orientations de la présence de la région Nouvelle-Aquitaine au Salon de l’Agriculture de Paris  du 23 février au 3 mars prochain Porte de Versailles. La communication autour de la gastronomie restera, comme elle l’à été l’an dernier, très présente, mais le thème principal de cette présence dans un évènement où plus de 700 000 visiteurs sont attendus sera donc une mise au vert. L’ensemble des filières agricoles régionales sera donc mobilisée au sein des trois différents halls de la manifestation : l’élevage (filières bovines d’un côté, ovines et caprines de l’autre) pour le Hall 1 sur 270 mètres carrés avec de nombreuses animations prévues, des animations bouchères et culinaires (avec le chef Frédéric Coiffé) au focus sur le beurre AOP de Poitou-Charentes en passant par la route des fromages de chèvre de Nouvelle-Aquitaine, sans oublier un petit teasing pour évoquer le futur mondial de tonte de moutons organisée pour la première fois au Dorat (Haute-Vienne) en juillet.

Le Hall 2, lui, sera dédié à la filière équine (tourisme équestre et ânes maraîchers sur vingt mètres carrés) tandis que le Hall 3 aura à cœur de promouvoir les « saveurs et l’art de vivre » régionaux, avec une présence de cinq départements mis à l’honneur au cours de différentes soirées tout au long du salon : Pyrénées-Atlantiques, Périgord, Corrèze, Lot-et-Garonne et Poitou (Vienne et Deux-Sèvres). En tout, on comptera un peu plus d’une centaine d’exposants avec des effectifs divers : le département de la Gironde, avec 24 exposants, sera le plus actif, les deux Charentes en compteront une dizaine, la Dordogne 6. Avec trois producteurs fermiers, le Lot-et-Garonne aura l’effectif le plus limité. Enfin, l’un des temps forts de ce rendez-vous parisien « incontournable » pour le président de la Chambre d’Agriculture régionale, Dominique Graciet, sera les trente ans du label rouge Blason Prestige. Car non content d’être la première région agricole d’Europe, la Nouvelle-Aquitaine est aussi le territoire comptant le plus grand nombre de producteurs sous signes officiels de qualité. Le premier but de cette escapade parisienne sera donc, comme chaque année, de les mettre à l’honneur.

Une transition à pousser

Mais cela ne sera pas le seul. Il sera aussi (et surtout) pour la région un moyen de défendre les efforts engagés ou à venir sur sa politique de transition vers un modèle agricole adapté aux nouvelles contraintes environnementales et aux attentes sociétales autour d’un secteur qui traverse une grande période de transition. Cette défense passera notamment par le nouveau fonds de garantie de prêt pour les agriculteurs et les entreprises agro-alimentaires, baptisé Alter’NA, présenté pour la première fois en novembre dernier. « Les prêts n’ont pas encore démarré, ces crédits sont attribués au FEI (Fonds Européen d’Investissement) qui fait un appel à candidature à des structures bancaires régionales. Elles sont en sélection et doivent faire un point d’ici la fin de la semaine », a assuré le président de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, qui a affiché une volonté de « veiller à ce que ça ne soit pas une substitution au risque naturellement pris par les banques mais que ce soit vraiment les agricultures qui, avec ce prêt, puissent basculer vers un système plus rémunérateur. Cette sélection permettra notamment d’avoir des banques qui proposent des prêts avec des taux inférieurs à ceux du marché ». La région pourra aussi insister sur la réflexion entamée au travers de l’Agro Smart Campus, lancé en mai dernier et auquel sont associés l’INRA (Institut National de la Recherche Agricole), la Draaf (Direction régionale de l’agriculture et de la forêt), Bordeaux Sciences Agro et les lycées agricoles régionaux. Son but : créer des ponts entre la formation et la recherche dans l’objectif d' »accompagner la transition, réfléchir aux conditions de production de demain. C’est une machine intellectuelle à la disposition des jeunes et de du monde agricole pour penser l’agriculture de demain : respectueuse de l’environnement, des agriculteurs en eux-mêmes, parce que les revenus agricoles soient trop inégaux, et des territoires ». 

Du côté des ambitions pour l’année à venir, « l’idée est bien d’accélérer la transition vers l’agro-écologie et d’amplifier nos résultats. Nous souhaitons arriver au seuil de 10% d’agriculture biologique mais aussi faire en sorte que les 90% des agriculteurs qui n’auront pas basculé dans la bio puissent le faire vers une autre forme d’agriculture. Pour ça, il ne s’agit pas de stigmatiser mais d’accompagner ». Sur ce point et la sortie des produits chimiques en agriculture, le CNRS de Chizé  aura sûrement un grand rôle, notamment pour mêler ces ambitions à l’adaptation de l’agriculture de demain. Au niveau de la formation en elle-même, l’ambition de la Nouvelle-Aquitaine est aussi de déployer iun vaste programme d’investissements dans les exploitations des lycées agricoles « qui, souvent, connaissent des difficultés.  Il faut que l’on soit à l’avant-garde de l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, on va consacrer dans ce programme vingt millions d’euros sur les trois années qui viennent. L’idée, c’est d’avoir des fermes pilotes, inventer la ferme du futur comme on a pu le faire avec le programme Usine du futur dont 400 usines ont déjà pu bénéficier ». Les ambitions régionales passeront aussi par le projet VitiREV, qui doit être validé d’ici la fin de l’année : quatre ans après la signature d’un accord sur la sortie des pesticides dans la vigne, le vaste chantier promis par ce programme dépasse largement le simple objectif de réduction des intrants. La volonté de limiter l’étalement urbain et de sanctuariser des terres arables, initiée au travers du volet climatique  du futur SRADDET (Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires), devrait aussi pleinement jouer son rôle dans cette transition. 

Des incertitudes à lever

Enfin, ce salon de l’agriculture parisien sera aussi, on s’en doute, l’occasion pour les régions de défendre leur pré carré, moins dans le sens « pâturage » qu’au travers de la question des financements européens que ces dernières ont à charge de gérer, notamment les fonds FEADER dédiés au développement rural, dont la sous-utilisation a été récemment dénoncée. Et sur ce point, la loghorée risque d’être rude, notamment à cause du renvoi de balle entre l’Etat et les régions. Ainsi, pour Alain Rousset, « les services de l’Etat n’ont jamais admis que les régions récupèrent la gestion de ces fonds parce que c’est un moyen pour eux de camoufler la baisse des crédits. On a fait face à deux types de problèmes : un dysfonctionnement de l’agence de paiement de l’Etat qui a retardé le paiement des agriculteurs et des groupements d’action locale, avec parfois trois ans de retard, et l’instruction des dossiers. L’État nous avait juré que c’était les préfectures qui instruisaient. Sur la plupart des départements, ils ont progressivement plié les gaules. Il a fallu que l’on recrute plus de trente personnes ».

Tout cela sans compter les incertitudes grandissantes (malgré un calme relatif en période d’élection des chambres) sur le calendrier de la nouvelle Politique Agricole Commune  et un torchon brûlant entre les régions et le syndicat agricole FNSEA, qui a récemment annoncé son intention de soumettre une contribution au grand débat national. « La discussion est compliquée avec la direction nationale de la FNSEA qui veut homogénéiser son action sur la totalité du territoire français et garder une négociation avec et le ministère de l’Agriculture, avec lequel il y a une complicité objective parce que ce dernier veut récupérer ses crédits. C’est une position purement technocratique et il n’est pas question de céder parce que même à l’échelle régionale, il y a de fortes différences dans les modèles agricoles. Si une région veut mettre plus d’argent sur le bio, il faut qu’elle puisse le faire même si ça reste dans un encadrement national ». La question du versement des aides pour les producteurs bio, dont les retards s’accumulent, doit être résolue au printemps, selon ce qu’a assuré Emmanuel Macron lors d’un débat la semaine dernière en Saône-et-Loire. Malgré ce contexte tendu, l’heure devrait donc être à la défense, avec un arrière-fond très politique, de la gestion régionale de l’agriculture. A grands renforts de monnaie sonnante et trébuchante : pour 2019, le budget de la participation de la Nouvelle-Aquitaine au salon parisien est chiffré à 700 000 euros. 

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