Toopi Organics, la start-up Girondine qui veut rendre l’Europe indépendante en engrais


Toopi Organics
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 21/04/2020 PAR Clément Bordenave

« J’avais déjà une société avec laquelle je fabriquais des biostimulants pour l’agriculture et j’ai un ami qui est loueur de toilettes sèches à Bordeaux », raconte Michael Roes, PDG et co-fondateur de TOOPI Organics. « Il est venu me voir il y a deux ans maintenant en me disant qu’il avait des coûts d’élimination pour se débarrasser de l’urine qui étaient aberrants. Il trouvait ça bête puisqu’il pensait qu’il y avait peut-être quelque chose à faire avec toute cette urine. Donc il m’a demandé si l’on ne pouvait pas envisager de la valoriser et moi à partir de ce moment-là j’ai commencé à regarder pourquoi l’urine humaine n’était pas exploitée », explique Michael.

Derrière ce problème de valorisation de l’urine humaine se cachent des procédés de fabrication complexes, « soit on utilise l’urine pure comme fertilisant et ça demande 30 000 litres par hectares et c’est impensable pour un agriculteur, soit il y a la possibilité de la concentrer en la distillant pour récupérer les éléments nutritifs et c’est très énergivore, donc ça vaut beaucoup plus cher qu’un engrais minéral. Et enfin, la dernière option, c’est un procédé extractif ou l’on vient extraire les nutriments intéressants, mais là aussi c’est très couteux et donc ce n’est pas un concurrent valable aux engrais minéraux », déplore Michael. 

L’urine, « un excellent substrat de culture potentiel pour des bactéries »

Malgré l’apparente difficulté de traitement et de valorisation de l’urine, Michael ne se résout cependant pas à abandonner ce projet et commence à envisager l’apport de l’urine sous un autre angle, « on a réfléchi un peu différemment en regardant la composition de l’urine et je me suis aperçu que cela pouvait faire un excellent substrat de culture potentiel pour des bactéries. J’ai alors commencé à faire des essais préliminaires et je me suis aperçu que cela marchait extrêmement bien. On ne se sert donc pas de l’urine pour les éléments nutritifs qui la composent, mais on fait pousser dessus des bactéries qui ont des intérêts agronomiques », annonce Michael Roes. Les intérêts agronomiques de ces bactéries peuvent être multiples, il peut s’agir de fixer l’azote de l’air et donc de remplacer des engrais minéraux azotés, solubiliser le phosphore qui se trouve dans le sol, mais aussi de servir d’insecticide ou de fongicide. « Suivant la bactérie qu’on fait pousser, les implications sont différentes. Donc nous on ne vise pas un biofertilisant, mais une gamme de fertilisants capables de remplacer des engrais minéraux à moindre coût » expose Michael. Le PDG de Toopi Organics met ici le doigt sur l’un des enjeux majeurs de ce projet, son coût.

Un faible coût de production

« On se base sur des technologies existantes avec les bactéries à usage agronomique qui sont déjà sur le marché donc on ne part pas de rien. Mais on tient compte du gros problème de ces produits-là à savoir qu’ils sont très chers à produire et donc qu’ils n’arrivent pas à concurrencer les engrais minéraux ! Nous avec un substrat de culture qui est gratuit voir générateur de revenus on arrive à diminuer les coûts et donc à avoir un très fort potentiel pour concurrencer voire supplanter les engrais minéraux », souligne fièrement Michael, non sans rappeler les coûts de production des engrais minéraux. « Aujourd’hui si l’on prend l’azote qui est l’élément n°1 utilisé en agriculture dans tous les engrais fabriqués à partir d’ammoniac en captant l’azote dans l’air, cela revient pour une tonne d’azote aux alentours des 100 euros à produire. Nous, en faisant pousser des bactéries sur de l’urine on arrive pour l’équivalent azote à 20 euros de coût de production. On est donc 5 fois moins cher qu’un engrais minéral », se félicite-t-il.

L’enjeu écologique du gaspillage de l’eau

Le PDG de Toopi Organics n’oublie pas non plus de rappeler les chiffres alarmants du coût en eau pour le traitement de l’urine en France. « En France on produit 35 milliards de litres d’urine et évidemment on tire la chasse d’eau quasiment à chaque fois et donc c’est près de 25 % de la consommation d’eau potable en Europe qui part dans les toilettes », déplore le PDG de Toopi organics. Une surconsommation d’eau désastreuse pour l’écologie et un traitement qui semble parfois inefficace selon lui, « l’urine de manière spécifique pose de gros problèmes en centrale d’épuration, car l’azote est très mal traité, le phosphore repart dans le cycle de l’eau et les résidus pharmaceutiques aussi, il y a donc de vrais enjeux écologiques là-dessus ». Des enjeux qui vont plus loin que les frontières françaises puisque Michael et son entreprise sont portés vers l’international, « on calcule que si l’on arrive à récupérer 1% de l’urine de façon séparée avant son arrivée en station, on arrivera à être autonome en engrais en Europe ».

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