Une année compliquée, en Limousin, pour les agriculteurs entre confinement et sécheresse


Corinne Mérigaud
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 03/09/2020 PAR Corinne Merigaud

Comme à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine, la conjoncture est compliquée en Limousin selon le bilan, présenté ce jeudi, par Dominique Graciet. Certes, la crise du Covid 19 a impacté le monde agricole mais la météo a également entraîné des baisses sensibles de production. Selon la note de conjoncture du mois d’août établie par la Chambre d’agriculture, le Limousin a été le territoire le plus touché par la sécheresse avec un déficit de pluviométrie de 98 % contre seulement 54 % dans les Pyrénées-Atlantiques. Le manque d’eau répété depuis trois ans remet en cause le maintien de certaines productions. Celle des céréales et oléagineux accuse une baisse de 1,3 millions de tonnes (- 12%) en 2020 par rapport à la moyenne de 2015 à 2019 due à la baisse des surfaces (-6 %) et des rendements avec une perte de 16 % pour le blé, 11 % pour l’orge et 4 % pour le colza.

Des revenus en baisse

En Limousin, la plupart des exploitations avaient vu progresser leurs revenus ces deux dernières années après cinq mauvaises campagnes entre 2013 et 2017. Sur les trois départements, très peu d’exploitations spécialisées sont concernées mais elles sont davantage touchées que celles des autres départements néo-aquitains avec une baisse de recettes atteignant 14 %, soit trois points de plus que la moyenne régionale. La baisse la plus conséquente est enregistrée en Corrèze avec moins 13%, soit moins 120 €/ha contre moins 9 % et moins 70€/ha en moyenne. De ce fait, l’impact va être très important chez les éleveurs de ruminants qui représentent les trois-quarts des exploitations. Leurs animaux consomment les céréales produites sur place, ce qui va engendrer des dépenses supplémentaires pour l’achat de concentrés et de paille. La situation météorologique incite les agriculteurs à anticiper pour éviter une perte encore plus conséquente de leur production pour les années à venir, en raison de l’accélération du changement climatique.
« Il y a des projets dans toute la région et en Limousin, nous avons eu des demandes nouvelles récentes que nous n’avions pas vu venir concernant l’abreuvement des animaux ou les besoins d’eau pour diversifier le plan fourrager des exploitations constate Dominique Graciet, l’objectif est de reconvertir une partie de l’herbe en culture stockable pour passer l’été. » Un objectif qui fait écho au projet de mandature dont l’un des axes est l’autonomie protéique. « C’est un peu moins crucial en Limousin car l’herbe est une source de protéines importante, il manque plutôt de l’énergie pour compléter le pâturage mais dans le reste de la région, il s’agit de convertir une partie des céréales en soja ou en productions protéinées. »

Une récolte de pommes réduite de moitié

La production nationale de pommes est estimée, cette année, à environ 1,4 million de tonnes (-9% en un an). En 2019, la Nouvelle-Aquitaine avait assuré 21 % de la récolte, elle n’atteindra que 16,3 % cette année avec une localisation concentrée en Aquitaine et Limousin sur 7.000 ha et une production de Golden égale à 76.000 tonnes. La production estimée sera en retrait de 40 à 50 % par rapport à 2019 avec une très forte hétérogénéité au sein des parcelles en raison de la sécheresse de l’an dernier. Les arbres ont fortement souffert et la Corrèze semble plus concernée que les autres départements. De plus, les attaques de pucerons cendrés, araignées rouges et punaises vertes ont abîmé les fruits. La récolte devrait débuter la deuxième semaine de septembre, avec dix jours d’avance. Comme chaque année, des milliers de saisonniers sont attendus dans les vergers mais les contraintes sanitaires imposées pourraient bien freiner l’envie de certains candidats.

Moins de jeunes bovins

Concernant les bovins viande, la filière souffre particulièrement avec un recul continu du cheptel, les ressources fourragères ont été limitées cet hiver en raison de la sécheresse de 2019 sans que l’état de calamité agricole ne soit reconnu. Les trésoreries sont en berne et ne permettent plus d’achats pour compenser cette perte, ce qui s’est traduit par des opérations de décapitalisation de cheptel. En Nouvelle-Aquitaine, le cheptel de vaches allaitantes a diminué de 2,5 % et les naissances de 3,3 % avec des volumes de production en recul de 7 % et jusqu’à 10,9 % pour les mâles de 12 à 24 mois. Le cours des jeunes bovins est au plus bas tandis que les coûts de production augmentent à cause des achats en alimentation pour combler les déficits de récolte en céréales et prochainement de maïs.

La crise sanitaire a généré une baisse de consommation de viande, les repas étant pris en majorité au foyer durant le confinement. Les veaux de boucherie et veau sous la mère ont été impactés par la fermeture des restaurants. « Le Covid est une difficulté de plus mais c’est sûrement un accélérateur dans le changement estime-t-il, la filière élevage subissait déjà une érosion des marchés, le Covid est venu compliquer les choses et réduire la rentabilité qui était déjà affaiblie. Nous espérons que le plan de relance redonnera de l’oxygène aux trésoreries des exploitations. En Limousin, il y a une volonté de plus en plus affichée de compléter le système pâturage avec des cultures type ensilage maïs qui permettront d’avoir des réserves puisque celles de l’hiver sont consommées en grande partie l’été. Cela rend les exploitations dépendantes d’achats extérieurs, ce qui n’est pas satisfaisant.»

Selon lui, le plan de relance devra être décliné filière par filière, avec un mode de travail commun et des solutions adaptées. Un état des lieux régional des différentes filières sera finalisé en fin d’année. Enfin, le président attend que des moyens soient dédiés à l’agriculture et à l’agroalimentaire, ce qui devrait être annoncé dans les prochains jours. « Nous avons peur que ces deux secteurs soient les oubliés de la relance alors que nous étions un secteur protégé, que nous avons continué à approvisionner malgré des surcoûts très importants. » Les décisions du gouvernement sont d’autant plus attendues dans des secteurs impactés par le changement climatique et des habitudes de consommation.

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