Conjoncture difficile vu de Limoges


Corinne Mérigaud
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 16/01/2020 PAR Corinne Merigaud

Le début d’année ne se présente pas sous les meilleurs auspices en Nouvelle-Aquitaine pour le monde agricole. Et les raisons de s’inquiéter sont nombreuses à commencer par l’image du grand public envers les agriculteurs. « La profession a pris du retard en ne prenant pas suffisamment en compte la communication constate Dominique Graciet, un gros travail doit être mené autour de nos métiers pour faire face au phénomène d’agri-bashing. » Quant à la conjoncture 2019, les chiffres sont loin d’être rassurants. Il remarque que « Le revenu agricole piétine en Nouvelle-Aquitaine » et que les filières ne sont pas toutes logées à la même enseigne. « C’est bien pour le Cognac avec des expéditions en hausse de 6,9% mais cela va moins bien pour les vins de Bordeaux avec une baisse de 12% à l’export et de 14% sur le marché intérieur. L’élevage se relève mais la sécheresse de 2019 entraîne une certaine décapitalisation. L’élevage laitier a du mal à profiter des Etats Généraux de l’Alimentation avec un regain de prix très timide. Quant aux filières grandes cultures, elles devront se transformer car, malgré les très bons rendements de 2019 avec 10,6 millions de tonnes, les prix sont un peu décevants, notamment pour le blé tendre. » Un chamboulement de production est attendu par rapport au poids économique de la Russie et de l’Ukraine. « Nos marchés de prédilection sur le bassin méditerranéen sont très concurrencés ajoute-t-il, il serait souhaitable de transformer une partie de la production céréalière en protéines en direction des filières de granivores (canards, porcs…) et d’offrir des protéines tracées dans l’alimentation sous signes officiels de qualité. » Pour la pomme du Limousin, la consommation se porte bien avec une production en hausse de 23% et des perspectives favorables à l’export, malgré le maintien de l’embargo russe jusqu’à fin 2020. La consommation de produits festifs l’inquiète, bien que les chiffres ne soient pas encore connus. « On s’attend à un bilan décevant avec une baisse sur la consommation de foie gras qui représente 70% du chiffre d’affaires des producteurs et quasiment 100% sur les chapons. Les ventes de champagne ont baissé de 40% en novembre, les grèves en région parisienne ont impacté la consommation.»

Néo Terra, fer de lance de la transition écologique

La consommation n’est donc pas très porteuse mais les professionnels misent sur leur projet stratégique de mandature (2019-2025) pour inverser la tendance et regagner la confiance des consommateurs dans un contexte de défiance. Les Chambres départementales ont travaillé sur le sujet depuis l’élection d’il y a un an. « On est à la fois entrain d’écrire un contrat d’objectifs pour travailler avec le Gouvernement et sur notre projet de mandature précise Luc Servant, premier Vice-président de la Chambre régionale, l’idée est de redéfinir la place de l’agriculture dans la société en écoutant les attentes des consommateurs. Face à la problématique environnementale qui devient très forte et au changement climatique, l’agriculture est l’une des premières activités à le subir, mais elle peut aussi jouer un rôle important sur son atténuation notamment dans les zones d’élevage comme en Haute-Vienne. L’enjeu est aussi de travailler avec les citoyens car il y a des enjeux forts sur la place de l’agriculture dans la société. » Le contexte économique mondial sera, bien entendu, pris en compte avec l’ambition affirmée d’adapter l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine à Néo Terra, la feuille de route votée par la Région en juillet dernier. Sur les onze groupes d’actions mis en place, six intéressent directement l’agriculture, à savoir l’autonomie alimentaire, les énergies renouvelables, l’irrigation, l’agro-écologie, la communication et l’ingénierie financière avec de nouveaux moyens de financement et des remboursements qui vont passer de 12 à 25 ans. En outre, un enjeu important se profile avec les élections municipales qui seront l’occasion de reconquérir les communes. « Des liens devront être renforcés avec les élus afin de décliner sur le terrain le projet stratégique de mandature particulièrement avec les communautés de communes dans le cadre de la réforme territoriale » attend Luc Servant.

Une expérimentation HV3 à analyser

Dans le cadre de Néo Terra, une expérimentation a été menée en fin d’année auprès de 150 exploitations sur la certification HVE3 (Haute Valeur Environnementale) pour tenir compte du souhait de la Région de tirer l’ensemble de l’appareil de production de Nouvelle-Aquitaine. Elle comprend quatre thèmes, la biodiversité, l’irrigation, les pesticides et la fumure. « Une étude qualitative a permis de se rendre compte que HV3 n’est pas adapté sur les exploitations polyculture élevage notamment précise le président régional, sur la biodiversité, HVE 3 est accessible pour tous les systèmes de production de la région, idem pour l’irrigation mais pour la fumure, il y a un gros malentendu et des divergences de vue entre ce que l’on a l’habitude de faire en conseils de terrain et les préconisations HVE 3 concernant le stockage du carbone par le sol, qui est l’un des objectifs de Néo Terra pour atténuer le changement climatique. Nous devons faire progresser HVE au niveau national pour être compatible. » Autre problème, le recours aux produits phytosanitaires car, selon le président, « HV3 pénalise arbitrairement les granicultures d’été, notamment le tournesol et le soja par rapport aux indices de fréquence de traitement qui sont déjà très bas, à moins de trois. » Les résultats de cette étude vont être transmis au niveau national pour proposer une évolution afin de définir un éventuel HVE4.

De l’agri-bashing à l’agro-solution

Autre sujet au centre des préoccupations du monde agricole, l’agri-bashing sur lequel Dominique Graciet a un point de vue bien arrêté. Ce sujet sera la ligne directrice du Salon de l’Agriculture Nouvelle-Aquitaine, du 16 au 24 mai, au Parc Expo de Bordeaux. « Il faut passer de l’agri-bashing à l’agro-solution estime l’élu, actuellement l’agriculture est taxée de tous les maux alors qu’elle est un réservoir de bio fermentescible, d’espaces et de bâtiments pour créer de l’énergie renouvelable ou pour le stockage de carbone, ce qui peut apporter des solutions vers la transition écologique. Les politiques ont compris que ces solutions sont pour le bien de toute la société. L’agriculture a pris ses responsabilités avec Néo Terra, le plan stratégique et ce nous présenterons au Salon .» Un discours qui reflète l’engagement du monde agricole en faveur de l’environnement et qui sera mis en valeur sur le stand de la Nouvelle-Aquitaine au Salon International de l’Agriculture, du 22 février au 2 mars, Porte de Versailles.

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