Vendanges au Château Bertinerie: de la vigne au chai la promesse et la naissance d’un millésime magnifique


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 03/10/2018 PAR Joël AUBERT

C’est la dernière ligne droite de vendanges amorcées de bonne heure, le 7 septembre, par la récolte du sauvignon, le cépage royal du blanc dans des vignes qui, depuis trente ans, sont à la source d’un très grand vin. Des parcelles en coteau, ayant par la grâce de quelques courants d’air miraculeux, évité le désastre du gel d’avril 2017 qui avait anéanti une grande partie de la récolte des rouges. Ce Haut Bertinerie blanc, objet de toutes les délicatesses, vinifié en barriques neuves sur lies fines avec batonnage en tête, désormais, d’une gamme de trois vins pour mieux rencontrer le consommateur. Un leader accompagné, non seulement de la Grande Cuvée Bertinerie, élevée en cuve sur lies fines, mais du « petit frère » comme le qualifie Eric Bantegnies, l’Esprit, dont le millésime 2017 a bénéficié dans le magazine « Vigneron » d’une critique plus qu’élogieuse, limite dithyrambique de Jean-Luc Barde:  » séduisant en diable, une affolante gourmandise, aromatique, frais et vif avec de la mâche, un panier de fruits tapissants et salins. »

Cette année, les blancs comme les rouges auront manqué d’un peu d’eau, en août, pour que le grain du raisin, dont la pellicule, aujourd’hui, est épaisse, prenne un peu plus de volume et autorise les rendements maximum. L’ensoleillement exceptionnel et la chaleur ont entraîné une évaporation dont l’impact est estimé à quelques 10% sur la récolte quand même conséquente: sans doute 3200 hectolitres pour les rouges et 700 les blancs. « Ce ne sera pas l’année du siècle confie Eric Bantegnies, un millésime aussi fin que 2016, mais en terme de structure 2018 a tout pour être « un millésime magnifique ». Entendons par là que tous les constituants sont réunis pour faire un grand vin: la qualité des jus, une maturité phénolique parfaite que l’on a plaisir à vérifier à la vigne en dégustant une baie dont les pépins sont bien marrons, des tanins puissants qu’il va falloir dompter sans parler des degrés qu’il faut, si possible, contenir. Conséquence directe de ce réchauffement climatique que l’été et son complément indien semblent confirmer? En tout cas, sans même parler de l’avenir du vignoble bordelais, rappelons-nous que la finesse de ses vins rouges et leur renommée sont indissociables d’un degré alcoolique final de l’ordre des 12 -13 plutôt que des 15.

Le rôle du chai comme toujours

L’un des grands défis de cette vendange 2018, cette année encore, devra être relevé au chai. Et, notamment, dans la qualité du dialogue qui doit se nouer entre le vigneron et leur oenologue. Et si l’on dit cela, aussi, les mauvaises années pour sauver une récolte, ce n’est pas moins vrai lorsqu’on a le bonheur d’en rentrer une très bonne. Pour avoir été témoin, ce 3 octobre, en fin de journée, une fois la vendange rentrée, éraflée et mise en cuve, du dialogue entre Eric Bantegnies, son frère Frantz et Hervé Romat leur oenologue, nous pouvons témoigner, verre à déguster en main, que d’un échantillon à l’autre de toutes les cuves en fermentation, correspondant chacune à un cépage et une parcelle, l’échange fut à la fois aussi vif que professionnel. Certains mots résonnent, à eux-seuls, comme une invitation à la raison: extraction par exemple. Ou comment garder le meilleur des moûts en macération, sans être tentés à la faveur de remontages fréquents d’extraire de la fermentation le maximum de couleur?… Comment ainsi conserver le meilleur des arômes et la finesse propre à un cépage, le merlot en premier lieu? A quel moment précis réaliser, cuve après cuve, l’écoulage? Autant de défis singuliers qui doivent être abordés, entre résolution et sagesse, en pensant à la gamme des vins que l’on commercialisera et qui seront le résultat de subtils assemblages. Hervé Romat le souligne sans détour : « on ne peut malheureusement faire aucune confiance aux apparences comme prendre la concentration pour une qualité absolue et s’efforcer de découvrir sous l’opulence la réalité qualitative. » Et, citant deux grandes figures disparues de l’oenologie bordelaise, il ajoute: » Emile Peynaud en son temps, et souvent repris par Denis Dubourdieu, disait d’un vrai grand vin que l’essentiel de la qualité n’était pas dans la concentration mais, surtout, dans l’élégance et l’équilibre. Je rajouterai que le corollaire de cette exigence nécessaire pour la meilleure évolution, et malheureusement de plus en plus d’actualité, est que la stabilité et la fiabilité en soient la quintessence! » (1)

De la pertinence des choix faits au chai, au  moment crucial de la naissance d’un vin va dépendre, en effet, la rencontre avec le consommateur. C’est ainsi qu’à Bertinerie, où le rapport qualité-prix guide fortement la déclinaison de la gamme des vins, et où l’on fait grand cas des goûts de ceux qui le boivent et de l’attente de la restauration, on mise beaucoup, en complément des « Hauts Bertinerie, de la Grande cuvée, de l’Esprit »,  sur un trio « Des Lyres »: blanc, rouge, rosé: « des vins sur le fruit, faciles à boire, de convivialité » vinifiés à basse température pour garder beaucoup de gras sans excès de tanins. Une étiquette façon « dernière minute » d’un quotidien avec ce sous-titre en manière de clin d’oeil : « Des vignes hors du commun pour des vins plaisir plus! »

1. in Vitisphère juin 2017

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