La « Route du plastique » préserve le littoral aquitain


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 21/01/2021 PAR Mélanie Philips

On rembobine et on retourne au mois de janvier 2019, date de création de l’association 4P Shore & Seas. « L’histoire, elle est un peu folle, dit Aurélien en riant. Edgar était au Chili pour sa dernière année de licence et on s’est retrouvés avec le même constat : que ce soit lui avec l’océan Pacifique ou moi avec l’océan Atlantique, on avait une plage qui était vraiment hyper sale ». Et c‘est de là que les deux surfeurs ont décidé d’agir. Ils se sont lancés le challenge de parcourir le littoral aquitain à la marche en totale autonomie, pour ramasser des déchets. Les voilà partis quelques mois plus tard, le 29 août 2019 – 1ère édition de la  » route du plastique » » – , à tirer deux chariots sur le sable. « C’était un peu freestyle, un des chariots était un vieux caddie tout cassé qu’on a scié, mais c’était chouette ». Parlons-en de ce chariot ! Réalisé par leurs soins pour les deux premières éditions, avec l’aide d’un compagnon du devoir à la retraite et d’un stagiaire de l’ONF, cette année, pour la 3ème marche, faute de disponibilités, ils délèguent ! Construit en fibre de lin, résine éco-responsable et bambou, le coût de production n’est pas exorbitant. Mais il faut payer les petites mains qui vont s’atteler à la réalisation. Cela représente environs 150 heures de travail pour rendre fonctionnel cette machine de 120 kg. Six roues, une partie détachable, ça en fait du boulot ! C’est donc à cela que servira le butin de 8 800 euros reçu grâce au budget participatif.

Ramasser des déchets oui, mais pas que ! 

« On ne voulait pas lancer une énième association qui fait uniquement du ramassage », explique Aurélien, en remettant sa chemise ouverte qui cache à demi le logo de l’asso imprimé sur son t-shirt. « Nous l’intérêt, c’est qu’on parcourt tout un littoral de bout en bout sur le sable. Donc on a la capacité, par les ramassages, d’étudier la présence et la répartition des déchets sur l’ensemble du littoral », poursuit-il. C’est donc en collaboration avec les laboratoires de recherche comme le laboratoire EPOC – rattaché à l’université de Bordeaux – qu’ils ont développé des protocoles afin d’avoir une rigueur en termes de résultats et de pouvoir faire avancer les recherches. Il y a un protocole pour les macro-déchets, qui permet d’avoir des données et de faire une analyse statistique sur la présence de déchets sur l’ensemble du littoral. Egalement, un protocole sur le ramassage des micro-plastiques s’intègre dans le projet « Arplastic » du laboratoire EPOC, dans lequel des prélèvements dans la laisse de mer – ligne d’algues laissée par la marée haute – sont effectués afin de chercher et étudier les micro-déchets.

Pour le protocole des macro-déchets, c’est assez simple : « On trace un rectangle au pied de dune qui fait 20 m de large pour 40 m de long. Il y a une personne à l’intérieur qui avance pendant 30 minutes. Ce qui nous permet d’avoir des données comparables sur l’ensemble du littoral. » Des résultats qui sont actuellement analysés par une personne de l’association et dont les résultats seront disponibles dans les mois à venir. Lors de la première marche, 400 kg de déchets ont été ramassés et 700 kg pour la deuxième. 

Edgard et Aurélien, fondateurs de l'association lors de la route du plastique

Pour cette troisième édition, place à la nouveauté. « Nous on a déjà vécu deux marches, maintenant on veut, entre guillemets, passer le flambeau », raconte Aurélien en passant la main dans ses boucles dorées. L’idée est de faire un partenariat avec l’Université de Bordeaux et certaines mairies, pour que ce soit des jeunes en études qui réalisent ces marches. « On aimerait que cette action soit valorisée dans leur cursus étudiant parce qu’en amont il y aura une formation au niveau scientifique, que ce soit par rapport au protocole mais aussi au niveau de la sensibilisation », explique le fondateur. Elle aura lieu durant le mois d’août afin de pouvoir sensibiliser un maximum d’usagers du littoral. « L’objectif est de faire partir une équipe pendant deux semaines sur la partie Gironde et une équipe sur la deuxième quinzaine du mois sur la partie des Landes ». Au total, cela représente 260 kilomètres. 

La vulgarisation au coeur de l’asso

L’association 4P Shore & Seas ne se résume pas uniquement à cette Route du plastique ! Beaucoup d’autres actions sont déjà en place et d’autres sont à venir. Toujours en collaboration avec le laboratoire EPOC, les « cafés science » ont vu le jour avant le confinement. Le principe ? « Deux doctorants sont venus présenter leurs travaux de façon à les vulgariser auprès d’un public mixte, des personnes plus ou moins investies dans la protection de l’environnement et de l’océan », explique Aurélien. L’objectif étant de laisser place au débat à la fin de leur intervention. Ce projet de café débat, ils aimeraient le développer à une plus grande échelle. Ayant pour volonté de faire de la vulgarisation scientifique à plusieurs échelles et de travailler au plus près du monde universitaire, un nouveau format est né avec le confinement : les « sci-pitch ». Une personne qui va « pitcher » un article scientifique en trois ou quatre minutes et en faire ressortir le contenu essentiel.  

Voici un exemple de sci-pitch : 

L’association rédige également beaucoup de contenus scientifiques. Mais elle a aussi créé un guide de ramassage, avec les bons gestes à adopter. Ses membres sont actuellement en réflexion sur un projet visant à montrer l’état des plages en hiver. « Parce que pour les touristes on fait comme si la plage était très propre, alors que la réalité est toute autre », se désole Aurélien. En décembre, l’association s’est rendue dans les écoles primaires à Agen pour sensibiliser les plus jeunes. « On s’est rendu compte pendant la marche sur la plage que les enfants avaient un pouvoir sur les parents assez phénoménal ». D’où le parti pris de passer par les jeunes pour leur faire comprendre l’action que l’Homme peut avoir sur l’Océan. « Notre objectif aussi c’est exporter les routes du plastique sur d’autres littoraux français, et même à l’international, comme au Chili où Edgar a des contacts », exprime fièrement le jeune étudiant en physique-chimie.

Une légitimité scientifique

Au total, l’association compte 24 personnes qui sont engagées. Chacune répartie entre le pôle communication, science et événementiel. « Le pôle science est assez conséquent parce que c’est important pour nous », raconte Aurélien. Un grand travail de recherche scientifique est effectué par l’ensemble du pôle. L’objectif est de gagner en crédibilité en ayant des scientifiques au sein du comité. Aussi, le fait de travailler au maximum avec des laboratoires permet d’avoir une crédibilité dans les propos qu’ils tiennent. « Je pense que c’est ce qui est important aujourd’hui si on veut toucher les gens », maintient Aurélien.

L’expérience de la participation au budget participatif n’a pas été de tout repos ! « Ça a été un réel effort de communication. C’était beaucoup de stress », raconte le co-fondateur, désormais soulagé. « Je veux mettre en avant le fait que le Département nous a réellement accompagné et je pense que c’est important, dans ce genre de projet, de créer une dynamique de cohésion ». Ce dispositif permet aussi aux personnes qui ont de bonnes idées mais qui ne savent pas comment les développer, de se rapprocher des structures déjà existantes pour développer leurs projets. 

Le dernier message qu’Aurélien veut faire passer et qui lui tient particulièrement à coeur : « vivre sur notre planète n’est pas un droit, mais un privilège ».

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