Chroniques de l’agronome: Opaline Lysiak du Parc du Gâtinais au lycée de Saint-Yriex la Perche


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 11/04/2013 PAR Joël AUBERT

@qui! –  Que s’est-il passé depuis que tu as terminé ta scolarité à Bordeaux-Sciences Agro?
Opaline Lysiak
– J’ai commencé un stage début mars 2012, dans le Parc naturel régional du Gâtinais français. Les premiers parcs ont été crées en 1969; aujourd’hui il en existe quarante huit! Les principales missions d’un Parc régional c’est, bien sûr, de préserver l’environnement mais aussi de développer économiquement une région en éduquant au développement durable. Petit rappel: dans la cadre de la mission développement économique il existe une marque Parc qui est un signe de qualité. Et dans cette marque il y a différentes règles à respecter pour créer un produit. C’est une marque unique que l’on ne trouve que dans les parcs naturels ; c’est comme cela qu’il existe en France plus de 300 produits, services, savoir faire « marqués »

@! – Revenons au Parc du Gâtinais. Quelles étaient tes missions particulières?
O.L. – Je devais m’atteler à trois produits: la poule du Gâtinais, le miel du Gâtinais et le cresson. Il s’agissait, ainsi, de créer le cahier des charges pour la marque volaille de race Gâtinaise, produit du parc naturel, d’entreprendre un travail avec des éleveurs qui n’étaient plus qu’au nombre de trois. Savoir comment produire, quelles règles respecter pour pouvoir obtenir la marque. Des règles environnementales notamment, par exemple la gestion des déchets sur l’exploitation, l’alimentation des animaux, l’espace pour chaque poule en extérieur et, entre autre, le nombre de jours qu’elle doivent y passer …. Autre caractéristique importante: sur le plan commercial la vente directe est privilégiée. Le gros de mon travail (70%) je l’ai consacré à la poule du Gâtinais.

Le miel du Gâtinais et le cresson bénéficiaient, eux, déjà, d’une marque mais il fallait remettre à jour le cahier des charges existant depuis douze ans. Pour le cresson beaucoup de producteurs avaient cessé leur activité car c’est une filière en détresse; il s’agissait de mettre à jour un cahier des charges pour participer à la relance de la production. Quant au miel, là-aussi, une actualisation était nécessaire destinée à tous les produits de la ruche; les apiculteurs  produisent aussi de la gelée royale. Il s’agissait également de contribuer à l’organisation de la filière et voir comment les producteurs pouvaient s’entre-aider.

Ce stage a duré de mars 2012 au 28 août. J’ai rendu mon rapport de stage le 28 août;.. et une semaine plus tard j’entrais au Lycée La Faye de Saint Yriex la Perche, en Haute-Vienne, comme professeur d’agronomie.

@! –  Tu passes donc, sans transition, de la poule et du miel du Gâtinais aux lycéens. Comment en es tu arrivée là?
O.L
– D’abord il faut faire un peu d’histoire et rappeler comment j’ y suis entrée. Dès la première année à l’Enita ( devenue Bordeaux Sciences Agro) on peut devenir fonctionnaire. Pour cela il faut cocher une case… et terminer parmi les premiers du concours, ce qui m’est arrivé. J’étais contente … Ainsi j’étais payée pendant mes études, au smic, et en échange je dois trois ans à l’Etat. 80% des postes ouverts sont des postes de professeurs mais 20% peuvent être chargés de mission, de projet. J’ai choisi l’enseignement.

@! – Tu as franchi le pas sans véritable formation pédagogique
O.L –  Sept postes ont été proposés en février 2012. Le poste de Saint Yriex la Perche m’a été proposé. J’ai vingt heures de cours par semaine; j’enseigne l’agronomie, la biologie de la quatrième à la terminale. Dans ce lycée les options concernent tout ce qui est agro-équipement, matériel de l’agriculture et productions animales. J’enseigne à une centaine d’élèves dont deux filles. C’est dur car je n’ai pas vraiment de méthode pédagogique mais c’est quelque part aussi un avantage car je ne suis pas formatée.

Avec les quatrième j’y arrive mieux : leur niveau en agronomie et biologie est plus faible; je peux mettre toute mon énergie dans la pédagogie alors que pour les classes de terminale et de première mon travail de recherche est important et j’ai moins de temps à consacrer à la pédagogie.

@! – A vingt quatre ans voilà un challenge formidable , passer presque sans transition des études à l’enseignement… Qu’est ce que cela t’apprend sur ces jeunes?
O.L. –  C’est passionnant. J’y prends beaucoup de plaisir. J’ai beaucoup de surprises; tous les jours c’est différent, il n’y a aucune routine; j’apprends à ne pas casser leur créativité. Copier les bons côtés des profs qu’on a eus et éviter les cotés des profs qui nous ont enfoncés. Aujourd’hui, l’école casse la créativité de certains élèves qui ne sont pas forcément dans le moule. Il faut réussir aussi à gérer un groupe hétérogène, tenir compte des handicaps. Il y a aujourd’hui 15% de dyslexiques dans l’enseignement agricole. Cela m’apprend à être patiente. Les élèves m’apprennent beaucoup sur l’agro-équipement. La plupart des élèves sont contre le bio tout simplement parce que leurs parents ont des modes de productions très anciens en Limousin. Mais il arrive que je vois des étoiles dans les yeux des élèves; alors je me dis: « tu as réussi à leur faire passer quelque chose. Actuellement nous sommes sur un projet « Observatoire participatif du vers de terre ». L’idée c’est de faire sortir ces vers de terre du sol avec un mélange d’eau et de moutarde. C’est un projet national de science participative ou comment faire participer le citoyen, jardinier, agriculteur, lycéen pour comparer la quantité de vers de terre dans le sol. Les vers de terre dégradent la matière organique, la rendent assimilable aux plantes et aérent le sol. On peut aisément les faire sortir: ce sont de bons indicateurs  d’un sol en bonne santé. J’ai décidé de faire participer trois classes à ce projet. Recette: sur un mètre carré il faut dans un arrosoir de dix litres d’eau verser un pot de moutarde de 300 grammes mélanger et arroser….  On attend que les vers de terre sortent; on les compte et mesure la diversité. Il faut trois fois un mètre carré sur une parcelle; on compare des sols qui ont hébergé des cultures différentes un sol qui a reçu des pesticides pendant dix ans, un sol qui a été labouré ou pas, une prairie totalement naturelle et on voit ce que ça donne. Le temps des résultats n’est pas encore venu mais il est attendu.

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