Dominique Graciet, Président de la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine : « L’Etat ne tient pas ses engagements »


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Publication PUBLIÉ LE 20/09/2017 PAR Solène MÉRIC

Revenant sur l’actualité agricole de la région à l’occasion de sa conférence de presse de rentrée, Dominique Graciet a clairement exprimé son mécontentement vis-à-vis de l’Etat et ses divers engagements non tenus ou retardés envers les filières agricoles. Sont notamment pointés les retards de paiement des soldes de la PAC 2015 et 2016, alors que la clôture des dossiers approche pour 2017, les retards des paiements des mesures agro-environnementales, des aides à la conversion bio, ainsi que des aides aux investissements. « Des retards qui font aussi de plus en plus hésiter les banques à faire l’avance aux agriculteurs, ce qui au total nuit gravement à la trésorerie des exploitations agricoles », ajoute-t-il.

Grippe aviaire : l’Etat décrédibiliséBien sûr aussi dans les griefs du Président de l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, les retards accumulés sur les 100 M€ d’euros des indemnités infuenza aviaire impatiemment attendues par les éleveurs, auxquelles s’ajoute, notamment, l’enveloppe des soldes restant de la crise de l’année précédente… Une colère doublée d’une forte inquiétude pour le Président de la Chambre d’agriculture. « Un gros effort a été fait par les agriculteurs sur la bio sécurité et l’argent n’arrive pas… ça décrédibilise l’Etat, qui après avoir trop longtemps tergiversé sur les abattages, jusqu’à remettre en cause les cheptels de reproducteurs, ne tient aujourd’hui pas ses engagements. Si les gens ne sont pas indemnisés, comment accepter une nouvelle fois l’euthanasie, en cas de nouvelle crise… ? » Pour faire clair, sur les quatre départements les plus touchés (Landes, Pyrénées Atlantiques, Gers et Hautes-Pyrénées) qui a eux seuls ont autant perdu que les 18 départements concernés par la crise de 2015-2016, « un tiers de la production a bel et bien été produite, un tiers a fait l’objet d’une indemnité, et un tiers n’est pas indemnisée pour l’instant, sans compter les retards sur l’année précédente… »
D’autant que pour cette année, la destruction du cheptel de reproducteurs crée d’autant plus de retard pour le redémarrage de la production. « En canard, nous n’aurons pas assez de produits finis pour les fêtes de fin d’année, d’autant que les stocks ont déjà été fortement mis à mal l’an dernier », constate amer Dominique Graciet. Prévoir donc, côté consommateur une hausse des prix aux rayons foie gras et magret. Quant aux producteurs, il ne faudrait pas qu’un nouveau virus arrive cette année… notamment pour « laisser le temps à la filière de s’organiser, ce qu’elle a déjà commencé à faire en matière de biosécurité mais aussi de vaccins ». Une solution en laquelle Dominique Graciet croit très fort : «  Le vaccin n’est pas la solution parfaite et ça n’exonère absolument pas les producteurs de mettre en place la bio sécurité, mais ça permettra sans doute de mieux isoler le virus et de réduire le nombre d’abattages ». Une question du vaccin et de la bio sécurité sur lesquels le nouveau cluster Agrolandes près de Mont-de-Marsan s’est spécialisé, se faisant le porteur de tous les espoirs en la matière.

Lait : « l’hémorragie n’est pas interrompue »Sur le reste de productions régionales, l’heure est encore à l’inquiétude sur le lait. « Le prix du lait se relève bien en Allemagne, mais en France on est encore entre 310 et 315€ /l pour un prix souhaité supérieur à 350 €/l par la production. L’hémorragie n’est donc pas interrompue dans la région avec 250 producteurs en moins entre 2015 et 2016, soit 6% des producteurs et 6% de la production. Une perte qui n’est pas compensée. C’est 77M de litres de lait en moins, soit l’équivalent de la production du département des Landes », se désole le Président, éleveur laitier qu’il est.
Quant au reste de l’analyse, côté ovins et caprins « ça va mieux » quand pour les grandes cultures, « l’année apparaît globalement bonne ». L’inquiétude est plus sur les prix que sur le potentiel, au regard des géants ukrainiens et russes qui eux aussi auront de quoi récolter dans les champs… Enfin sur la viticulture, « après deux bonnes années 2015 et 2016, 2017 le sera pour ceux qui n’ont pas ou peu subi le gel d’avril… A Bordeaux 50% des vignobles ont été touchés mais pas à 100%.» Ce qui laisse présager tout de même une récolte compliquée, d’autant que les 15 derniers jours, pluvieux, ont dégradé l’état sanitaire de ce qui restait. «  Côté Bergerac ou Pécharmant, suite au gel, il ne reste pratiquement rien, de même que sur le Nord de la région, le secteur du Cognac ayant été le plus touché ».

La poursuite de la modernisation de l’agricultureAu total, une année encore difficile mais qui n’empêche en rien, à l’inverse, le pari sur l’avenir et notamment sur une agriculture innovante. Une innovation dans laquelle la Chambre d’agriculture s’engouffre volontiers. Elle fait notamment partie du Réseau Régional de l’Innovation, qui vise la création d’une plateforme ressource de toutes les recherches, expérimentations et innovations répertoriés dans la région, ainsi que le renforcement des stations d’expérimentations existantes. Autre projet dans lequel s’inscrit la Chambre au côté d’une vingtaine de structures agricoles et viticoles : l’Appel à Manifestation d’Intérêt  « Territoire Innovation Grande Ambition » (TIGA), dôté d’un budget de 500 M€ sur 10ans. En cours de préparation et de concertation en Nouvelle-Aquitaine, une dizaine de TIGA sera retenu au niveau national d’ici fin 2018. Enfin, innovation encore avec la priorité posée sur le développement des outils numériques et notamment la couverture haut débit de l’ensemble du territoire régional pour laquelle le Conseil régional annonce un plan à 1 Mds €. « C’est une nécessité que je partage. C’est indispensable pour la poursuite de la modernisation de l’agriculture », estime Dominique Graciet.

Etat-généraux de l’Alimentation:  » une bonne idée, mais… »Enfin, si on a compris que ce dernier à quelques reproches à faire à l’Etat, aussi d’ailleurs sur les retards pris en matière de création de ressource en eau sur le Bassin Adour-Garonne, le lancement des Etat généraux de l’Alimentation trouve grâce à ses yeux. En la matière il « approuve l’idée », le but étant rappelle-t-il « de relancer la création de valeur et mieux la répartir dans la chaine de production ». Si ces Etat-généraux vont donner lieu à une déclinaison au niveau régional, en partenariat avec la DRAAF, la Région et la Chambre régionale d’agriculture sur le thème global des filières de qualité, un bémol tout de même vient animer le discours du Président Graciet sur l’organisation au plan national. « Sur les 14 ateliers prévus dans le cadre de ces Etat-Généraux, celui qui concerne la rémunération des producteurs est co-présidé par le PDG de Système U et le PDG de Danone… Par le passé, ils  n’ont pas vraiment été exemplaires sur cette question du revenu des producteurs, ils ont su au contraire le baisser ! Le revenu des producteurs est issu de la relation entre industriels et producteurs… C’est fort de café d’exclure les représentants des producteurs à la présidence de ce groupe de travail ! Espérons que le Gouvernement saura rester impartial dans les décisions qui sont en jeux…» Le revenu agricole, encore, toujours et légitimement, au cœur des inquiétudes.

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