Emplois agricoles et transmission des exploitations : les filières lait travaillent à l’unisson


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Publication PUBLIÉ LE 26/11/2019 PAR Solène MÉRIC

Iban Pebet, éleveur de bovins lait, vice président de la chambre d’agriculture, et président du colloque du jour pose en quelques chiffres la hauteur de l’enjeu sur la nécessité d’installations ou de transmissions dans les filières lait, et particulièrement pour les élevages de bovins et d’ovins. « Dans les Pyrénées-Atlantiques, 80% des éleveurs bovin lait ont plus de 50 ans et pour la moitié d’entre eux, aucune suite n’est pour l’instant assurée. Du coté des éleveurs ovins lait, ils sont 70% à avoir plus de 50 ans, et, là encore, seule la moitié d’entre eux déclarent avoir une suite assurée. » S’adressant aux élèves du lycée, il ajoute « Il y a donc de réelles possibilités d’entreprendre sur notre territoire, même si s’installer peut paraître compliqué. Mais quand on voit ces chiffres, il est certain que des exploitations vont se libérer. Et certaines le sont déjà. Sur le département, selon le répertoire départ installation, on compte 16 offres en ovin lait, 4 offres en bovin lait et 1 offre en caprin lait ». Des ovins, bovins et caprins ce sont ces derniers qui tirent le mieux leur épingle du jeu, tant en termes de dynamique d’installation que de prévisions du renouvellement des générations. En effet un peu plus de 60% des éleveurs de plus de 50 sont déjà assurés de passer la main, l’âge de la retraite venue.

Des tendances, qui, si elles sont particulièrement affirmées dans le sud ouest concernant les bovins lait, sont globalement les mêmes au niveau national, selon Sophie Chauvat de l’institut de l’élevage. Mais au-delà de la simple mécanique de la pyramide des âges d’autres éléments sont à prendre en compte pour expliquer ce difficile renouvellement des générations, analyse-t-elle. Ils sont d’ordre économiques avec une restructuration qui se poursuit et s’accélère sur les petites exploitations, mais un volume global de production qui reste le même, un marché européen et mondial instable (et les années 2015 et 2016 notamment restent douloureusement gravées dans les mémoires en termes de volatilité des prix), des demandes sociétales toujours plus exigeantes, ou encore des aspirations bien légitimes des éleveurs à vouloir davantage maîtriser leur temps de travail, diminuer les astreintes de la traite ou encore sécuriser leur revenu…

« Intégrer les dimensions métiers et travail, dès les projets d’installation »
Afin d’assurer la pérennité de la filière, au niveau des exploitations, Sophie Chauvat estime que quatre enjeux « cruciaux » sont à prendre en compte. D’abord la compétitivité, c’est à dire la mise en place sur l’exploitation d’un système efficace. « On s’aperçoit qu’il y a des écarts très variables et importants dans les exploitations dans le rapport entre le temps de travail et le volume de lait produit. Ca signifie qu’il y a des marges de progrès qui peuvent être réalisées dans un certain nombre d’élevages. »
Deuxième enjeu, parvenir à crée des systèmes permettant de répondre aux attentes de qualité de vie au travail et d’accès au temps libre. « Dans une étude que nous avons faite, 43% des éleveurs ne prennent jamais plus de deux jours de congés successifs, 35% sont insatisfaits en ce qui concerne leurs week-ends et leurs jours de congés, et enfin, un exploitant sur deux souffre de troubles musculo-squelettiques diagnostiqués… C’est donc sans compter tous les autres », livre-t-elle, avant d’insister auprès des acteurs concernés « ce sont des éléments individuels mais aussi collectifs, à prendre en compte dès les projets d’installation, d’autant que les jeunes générations y sont particulièrement sensibles ».
Troisième enjeu qu’elle souligne: « la professionnalisation des éleveurs » notamment en terme de management, gestion des ressources humaines, et enfin, un quatrième enjeu d’ordre stratégique qui est d’intégrer l’ensemble de ces dimensions métier et travail dés les projets d’installation ou d’agrandissement.. « Jusque-là le travail en lui-même était un levier d’adaptation au changement, désormais, il doit être considéré comme un moteur de changement », explique-t-elle. En d’autres termes, c’est un véritable changement de perspective que doivent s’efforcer de mettre en place les acteurs et partenaires de l’installation, conseillers techniques ou encore les structures de formation qu’elles soient lycées agricoles ou autres. Mais aussi les industriels dont l’intérêt est bien évidemment aussi dans le maintien des élevages, et qui proposent déjà plusieurs types d’accompagnement auprès des jeunes installés.

Plus de communication entre acteurs agricoles et acteurs de l’emploi
Mais si la pérennité de la filière passe en effet par le maintien des exploitations, elle passe aussi par son attractivité auprès de salariés, que ce soit dans ces mêmes exploitations ou dans les industries agroalimentaires qui en dépendent. Les emplois industriels non pourvus, ce sont notamment ceux d’opérateurs et conducteurs de ligne de fabrication, d’agents de maintenance « qui demande une très grande technicité » ou encore chauffeurs de collecte. « Nous devons communiquer sur ces métiers car ils offrent des perspectives dans des outils industriels régulièrement modernisés », insiste Thierry Lanuque, pour Coop de France section métiers du lait, appuyé dans ses propos par Pierre Corroyer représentant de la Fédération nationale des industries laitières.
Une communication sur les métiers également à mettre en œuvre, ou à tout le moins à renforcer, au niveau des métiers agricoles, mais aussi entre acteurs agricoles et acteurs de l’emploi et à laquelle appelle avec conviction la directrice du pôle emploi de Mourenx, qui est l’agence pole emploi du secteur agricole pour le Béarn. « Il faut faire connaître vos métiers et y adapter les compétences des demandeurs d’emplois. Mais pour cela, il faut que vous nous contactiez, que vous ouvriez vos portes aux demandeurs d’emploi et à nos propres agents pour que nous connaissions mieux vos métiers et les compétences qui y sont liés ! » lance-t-elle à l’assistance, appelant à « une vraie relation de confiance », entre monde agricole et monde de l’emploi. Autre conseil livré par la directrice, « il faut que vous changiez votre point de vue et étudiez comment en complémentarité vous pouvez embaucher des personnes. Mettre en place des compétences transférables, ça peut aussi se faire, à condition que nous travaillions vraiment en réseau ».


Autant d’échanges matinaux qui auront permis de dégager quelques débuts de pistes pour les ateliers de l’après-midi dont la vocation, après un second colloque du même ordre organisé au lycée agricole de l’Oisellerie à la Couronne (16) le 3 décembre prochain, est de parvenir à mettre en place au niveau des 3 filières lait une feuille de route visant non seulement leur maintien mais mieux encore leur développement.

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