En Dordogne, la filière courte confrontée à la grippe aviaire


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 02/02/2016 PAR Claude-Hélène Yvard

La crise aviaire touche désormais dix huit départements du grand Sud Ouest. En Dordogne, on estime qu’entre 400 et 600 exploitations agricoles sont concernées par la vente direct de foies gras de canards ou d’oies. Les mesures sanitaires décidées par le gouvernement pour tenter d’éradiquer le virus et de faire repartir les demandes à l’exportation, risquent de mettre à mal bon nombre de petites structures. Ceux qui sont en mono production, qui gavent toute l’année et qui commercialisent leurs produits sur les marchés ou en direct à la ferme sont les plus inquiets pour leurs avenir. Certaines petites structures ne se relèveront pas, malgré les indemnisations. Plusieurs intervenants de la filière courte, invités par le club de la presse du Périgord,  ont apporté  mardi leur témoignage sur les conséquences économiques, sociales et humaines de cette crise.

« Nous avons appris l’arrêt de production par la radio »Muriel Catinel gère le couvoir de la Houille Verte à Thenon, une petite structure à Thenon qui compte trois salariés. « Le projet d’arrêt de production est tombé le 15 janvier pour un arrêt de production au 18 janvier. Nous l’avons appris par la radio, c’est déroutant. Les salariés sont venus pour inséminer les oeufs le vendredi matin.  Je leur ai dit on n’insémine pas. Concrètement, on a perdu un mois de production nette. On a arrêté progressivement les canes en ponte. Un premier redémarrage  a été annoncé au 20 juin. Heureusement, il est avancé au début mai. C’est essentiel d’avoir gagné ces six semaines, car il faudra redémarrer au plus vite. »
Actuellement, pour les trois salariés du couvoir, les premières mesures de chômage technique ont été instaurées au 1 er février. Une autre épée de Damoclès plane au desssus de cette petite structure. Les prélèvements sanitaires  obligatoires réalisés sur l’exploitation sont négatifs.  Si tel  était le cas, l’entreprise ne pourrait  pas repartir économiquement. La souche de canard mulard proposée par ce couvoir, qui est un des rares à subsister en Dordogne,  est une souche ancienne et rustique. « Un cas positif  au sein d’un des deux bâtiments signifierait l’abattage des animaux, donc la disparition de cette souche. Nous n’aurions plus de raison d’exister, car cette spécificité intéresse nos clients. On se demande comment on va gérer cette période, » poursuit Muriel Catinel, qui préfère penser à organiser le redémarrage de la reproduction. « L’urgence sera de réapprovisionner nos clients qui gavent toute l’année et ceux qui ont des salariés. C’est vital. »

Pas de foie fras sur les marchés d’été ?Le comité départemental du tourisme  tente  actuellement de rassurer les consommateurs et tous ceux qui visitent la Dordogne sur la présence de foie gras  et de produits frais sur les marchés de producteurs de pays cet été. Economiquement, c’est très important pour le département. Cela représente entre 400 et 600 exploitations agricoles en Dordogne et de l’emploi. La filière palmipèdes redoute l’importation de foies gras des pays de l’Est, cela a déjà débuté. Albin Meynard, Pierre Kuster, Joël Carbonnière défendent tous trois une production fermière locale et traditionnelle d’oies et de canards et cette relation directe et en confiance avec les consommateurs. Tous ont des salariés : Pierre-Yves Kuster  du Domaine de la Barde, à Badefols, a 11 salariés.  » Sur les élevages qui ont  actuellement des animaux adultes, on peut continuer le cycle de production et le gavage.  Les exploitations seront totalement vides de canetons ou d’oisons le 15 avril. il n’y aura plus d’entrée en gavage à partir du 1er avril. Le fait de pouvoir redémarrer début mai, est une bonne nouvelle. Car pour avoir des produits pour les fêtes de fin d’année, il faut démarrer les canards à cette date, compte tenu du cycle de production qui dure de 14 à 16 semaines pour les productions fermières. Ce qui reste dramatique dans ces mesures, c’est pour ceux qui commercialisent du frais en vente directe, et qui font les marchés. Il n’y a plus une oie, un canard vivant à partir de la mi-avril, donc plus de production. Sur les marchés d’été, il n’y aura pas de producteurs fermiers  qui vendront des produits frais, » explique Pierre Yves Carbonnière. Albin Meynard, Joël Carbonnière, éleveurs d’oies et producteur de foies gras, estiment les pertes de chiffre d’affaires entre 30 et 40 %. Quant aux indemnisations promises, Albin Meynard, installé sur l’exploitation familiale depuis cinq ans, n’y croit pas trop.  » Nous faisons de l’oie, plus difficile à travailler. Cela ne couvrira  pas le manque à gagner. »

Vers un manque d’approvisionnement pour les restaurateurs« Pour ceux qui transforment, la situation est un peu moins dramatique, ils ont la possibilité de faire des conserves ou de constituer un peu de stock. Ils pourront passer l’été sans trop de casse sans doute. Mais la filière courte, c’est autre chose, elle est menacée. » Le souci principal semble bien être l’approvisionnement en produits frais. Pierre Corre, chef à l’Auberge de la Truffe, à Sorges illustre la situation parfaitement. « Personnellement, je travaille uniquement du frais, avec des producteurs locaux que je connais. Les gens viennent de toutes les régions françaises dans mon restaurant manger du foie gras. J’en propose dans les menus en hiver et en été, cela représente entre 20 et 30 kilos par semaine. Nous enregistrons déjà des désistements. Nos clients veulent être certains de manger des bons produits du Périgord. Je ne sais pas comment je vais faire, quelle solution je vais trouver mais il n’est pas question d’importer du foie gras des pays de l’Est. Je préfère ne pas en proposer sur la carte. »

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