Face aux critiques, Euralis défend le modèle coopératif


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 12/02/2016 PAR Jean-Jacques Nicomette

Quelques rappels d’abord : les 2 750 coopératives que l’on dénombre en France représentent 40% de la production agricole de notre pays pour un chiffre d’affaires de près de 85 milliards d’euros. Une marque alimentaire sur trois est le fruit de leur travail.

Le groupe Euralis, qui regroupe la bagatelle de 12 000 adhérents et affiche un résultat net en progression de plus de 4 millions d’euros  n’est pas le moindre vaisseau, ni le plus mal en point, de cette armada. Même si les vents contraires, venus en particulier des pays de l’Est, ne l’ont pas ménagé l’an passé.

La chose a été rappelée vendredi à Pau. Tout comme l’accent a une nouvelle fois été mis sur l’impact que la crise aviaire et les mesures prises pour protéger l’ensemble de la filière volaille auront sur les productions locales.

« Lorsque la crise sera traitée, la production redémarrera dans des conditions différentes, beaucoup plus puissantes en termes de contrôle sanitaire. Cela coûtera plus cher. L’enjeu, c’est que les consommateurs reconnaissent ça » indique le président Christian Pèes. En prévoyant que le produit de luxe qu’est le foie gras devrait voir son prix de vente grimper de « quelques euros ».

« Nous n’avons pas de baguette magique »Voilà pour l’actualité récente. Restent les questions de fond et les points qu’il convient de mettre sur certains « i ».
Alors que les manifestations d’agriculteurs se multiplient d’une région à l’autre, le responsable d’Euralis estime en effet injustes certaines critiques adressées à l’encontre du monde coopératif. « Toute notre action consiste à créer du revenu pour les agriculteurs. Peut-être ne fait-on pas assez bien. Mais nous sommes dans un contexte de crise et nous n’avons pas de baguette magique. Les coopératives ont des valeurs particulières. Cela étant, elles se meuvent dans une économie libérale capitaliste dure, raide, et elles se doivent d’être performantes. Nous devons créer de la richesse. C’est à cette condition que l’on répondra à nos agriculteurs ».

Des « paquebots » sur une mer démontéeVendredi, ce propos a été relayé par deux avocats de la cause coopérative. A commencer par l’économiste Maryline Filippi, qui n’a pas manqué de souligner « le contexte très délicat » créé par la mondialisation et une politique agricole commune à géométrie variable. « Les coopératives sont des entreprises. Il leur faut concilier un modèle économique très particulier face à des groupes financiers qui, eux, n’ont pas les mêmes contraintes ni les mêmes obligations ».

Mêmes échos du côté de Pascal Perri qui dirige le cabinet de conjoncture PNC. Il participe aussi depuis quelques années à l’émission « Les grandes gueules » sur RMC. Ce qui lui permet une certaine liberté de ton. 

Sur une mer économique démontée, où les entreprises manquent de fonds propres, où l’on « se dope à l’endettement », les coopératives apparaissent comme des paquebots qui tiennent plutôt bien la barre, explique-t-il. Elles ont  la capacité  de mutualiser des moyens et de faire vivre des territoires très diversifiés là où d’autres ne s’intéressent qu’aux secteurs les plus juteux. Autre avantage : elles peuvent aussi développer des stratégies de marques pour répondre à la pression exercée par la grande distribution.  Une chose est par ailleurs certaine : « Le fermier isolé n’existe plus ».

« Grandir tout en restant soi-même »Encore faut-il savoir garder le contact avec le terrain. Une coopérative qui grossit risque-t-elle de voir le lien qu’elle a noué avec ses adhérents se distendre ? « La taille n’est pas forcément la bonne question » estime Christian Pèes.

Christian Pèes, le président d'Euralis, entouré par Maryline Filippi et Pascal Perri

« Le problème, c’est la qualité de la gouvernance et la manière dont elle se décentralise. Euralis a éclaté son dispositif jusqu’au plus près du territoire afin de faire partager les projets et de susciter une discussion critique ». Sachant qu’aujourd’hui il ne suffit pas d’être bon pour répondre aux défis d’une économie mondialisée. « Il faut être excellent. Que l’on soit petit, moyen ou gros ».

De là à engager une discussion sur la manière dont les administrateurs sont formés, mais aussi sur l’engagement que les coopératives sont également en droit d’attendre de leurs adhérents, il n’y a qu’un pas, vite franchi. Ce qui  amène au passage Pascal Perri à insister sur le potentiel que représentent les outils numériques dans le partage et la maîtrise de l’information. Mais aussi à évoquer la double exigence que représente le fait de « grandir tout en restant soi-même ».

Les échappés et le pelotonEuralis ne fait pas l’économie de cette réflexion, indique le président du groupe coopératif.  Bien sûr, « la tentation de l’échappée existe », admet-il en reprenant une image sportive employée par Maryline Filippi. « Certains agriculteurs peuvent se dire que, seuls, ils vendent mieux que la coopérative. Mais il faut voir sur la durée. Pour nous, la vraie performance, c’est celle du peloton. Le problème de fond, c’est de savoir comment on récompense encore mieux le coopérateur qui joue l’équipe ».

Et Christian Pèes d’enfoncer le clou.  Que se passerait-il si on enlevait les coopératives ? Un exemple est pris dans les Pyrénées-Atlantiques. Même si Abengoa est dans la tourmente, la production de biocarburant à partir de maïs dans le bassin de Lacq est selon lui « un dossier très structurant pour tous les agriculteurs du Sud-Ouest . Or, il a été financé par les coopératives. On y a mis des millions ».

Un même raisonnement est appliqué pour les productions spécialisées « qui amènent de la valeur ajoutée chez les agriculteurs ». Ou encore pour le maillage appliqué par les coopératives sur le terrain. « Les négoces ne vont pas officier dans les zones de coteaux ou de montagne. Ils sont dans la plaine, là où il y a du gras ! »

 Un tweet  » à fond de cale « Un tweet mordant, rédigé par une personne présente dans la salle et projeté à l’écran, n’en a pas moins astiquoté la tribune. « Si la coopérative est un paquebot capable de traverser les tempêtes, nous les agriculteurs, on est dans le fond de la cale. Et je vous assure que ça secoue ».

« C’est mieux que d’être dans l’eau, sans gilet de sauvetage » rétorque Pascal Perri, fort de son expérience des « Grandes gueules ».

Christian Pèes, lui, sourit moins : « Cette image d’agriculteurs qui s’estiment au fond d’un bateau de négriers me fait mal. Elle ne correspond absolument pas à ce que l’on vit. Nous voulons que tout le monde soit à bord. Nous voulons des agriculteurs responsables au sein d’un projet, pas des soutiers réduits au rang d’esclaves ».

« Il existe une critique de la coopération. Nous nous sommes mis en posture d’animer ce débat » concluera-t-il un peu plus tard. « A la base de tout, il faut être performant. On ne l’est pas toujours. Il faut savoir se différencier, monter les bonnes marques, avoir des moyens aussi. Même si les fonds propres des coopératives ne sont pas si élevés que cela »

«  Cela veut dire également que l’on a besoin de l’engagement des coopérateurs et, surtout, d’être capables de donner de la perspective à nos agriculteurs. Or, pour donner des perspectives, il faut afficher des succès. »

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