Face au gel, prévenir plutôt que guérir


Bien que moins rude qu'en de nombreux autres coins de France, le gel d'avril 2021 n'a pour autant pas épargné le département des Pyrénées-Atlantiques.

Représentants du monde agricole et élus, se sont retrouvés à Monein sur les vignes de Vincent Bétouret, touchées par le gel le 7 avril dernierAqui.fr
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 21/04/2021 PAR Solène MÉRIC

Vincent Betouret a 40 ans. Après 20 ans de métier en tant que salarié agricole dans la viticulture il a récemment choisi de s’installer à Monein dans les Pyrénées-Atlantiques sur 5 hectares de vignes. Mais en cette deuxième année d’exploitation, il a vu une partie de ces parcelles touchée par le gel. Désormais pour lui, une seule solution : « attendre de voir comment ça évolue, et comment va réagir la vigne ». Si une partie de la récolte est perdue d’une façon certaine pour cette année, il s’inquiète aussi des conséquences sur les vendanges suivantes. Représentants du monde agricole, et élus se sont rencontrés chez lui entre les rangs de vigne pour échanger sur cet épisode gel et sur leurs attentes quant aux réponses de l’Etat.

« Quand je me suis installée il y a deux ans j’ai choisi de ne pas m’assurer contre le gel. D’abord parce qu’aucun épisode de gel important n’était à signaler par ici depuis plus de 40 ans, et aussi parce que je partais de rien, avec déjà beaucoup d’investissements lourds… », explique Vincent Betouret, à côté des bourgeons et feuilles de ses vignes brûlés par le gel. Adhérent à la Coopérative de Grand Jurançon, la parcelle d’un hectare où se tenait la petite réunion est fichue à 90%, un peu plus loin, une autre parcelle d’1,5 ha est touchée 30% estime-t-il. Même si une certaine part d’inconnu reste encore à l’oeuvre pour appréhender finement les dégâts de cette nuit trop froide du 7 avril dernier, l’année 2021 sera pour lui « une année blanche ».

« Le travail va rester le même cette année, avec sans doute un besoin supplémentaire de main d’oeuvre sur la taille après ce gel. Mais sans pouvoir vendre mon raisin… Aucune rentrée d’argent, mais des coûts », synthétise-t-il. D’autant que face un phénomène relativement peu connu dans le département il s’interroge aussi sur les conséquences à moyen terme. « La vigne a subi un stress, ce n’est pas dit que les rendements soient au rendez-vous pour les vendanges suivantes ». L’heure est à l’incertitude pour le jeune installé qui veut tout de même garder le sourire.

Le viticulteur Vincent Bétouret montre le dégât du gel sur les premiers bourgeons de ses vignes. Cette parcelle a été touchée à 90%Aqui.fr

Le viticulteur Vincent Bétouret montre le dégât du gel sur les premiers bourgeons de ses vignes. Cette parcelle a été touchée à 90%

La moitié du vignoble touché

Une prudence aussi de mise pour les responsables de la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques quand ils évoquent l’impact chiffré du gel dans le département. Sur les 2560 ha de vignoble que compte le département, « on estime vraiment à la louche et avec la plus grande prudence, insiste Bernard Layre son président, qu’environ 50% du vignoble a été touché par le gel ».  Si l’appellation Béarn semble être la plus concernée, « toutes les appellations ont été touchées » précise Corinne Nousty, présidente de la commission viticulture. « Sur la majorité des parcelles touchées qui nous sont remontées, elles le sont de 20 à 50%. Ce sont particulièrement les jeunes plants ou les plants en coplantation, qui auraient du produire d’ici 3 ou 4 ans qui sont concernés. », détaille-t-elle.

Sur l’arboriculture aussi quelques signalements ont été remontés, signale Franck Laborde, président de la FDSEA 64  : des pommiers à Sault de Navaille, des cerisiers à Itxassou, des pommes à cidre au pays basque, quelques productions de kiwis, à Lahontaa notamment, ou encore quelques cultures de colza. Mais là encore, c’est le temps et la météo à venir qui diront d’ici environ deux semaines, la portée réelle des dégâts…

1 millard d’euros
Face aux dégâts, qui concernent la France entière, le Gouvernement a annoncé le week-end dernier, une série de mesures, en soutien aux agriculteurs sinistrés. Parmi elles : année blanche de cotisations, dégrèvements de taxes foncières sur le non bâti, mobilisation des dispositifs existants en matière d’activité partielle ainsi qu’une enveloppe d’urgence allouées par département. Autres annonces d’importance : l’élargissement du fonds des calamités agricoles à la compensation partielle des pertes de l’année, y compris en viticulture. Il était jusque là uniquement réservé au perte de fonds, à savoir glissement de terrain, perte de plants, etc. Autre point : un soutien de l’Etat aux agriculteurs assurés pour une meilleure indemnisation. Au total le chiffre symbolique livré par l’Etat en terme d’aide à l’agriculture suite à cet épisode climatique affiche le milliard d’euros.

Des annonces de l’Etat qui recueillent l’assentiment des représentants agricoles présents ce mardi à Monein, mais qui souffre selon eux d’un certain manque d’ambition. En cause, la régularité de plus en plus grande de ce type d’épisodes climatiques et des risques associés. « Si le phénomène a une ampleur exceptionnelle cette année, cela fait 5 ans que des gelées interviennent sur le département », décrit Bernard Layre. Une conséquence du réchauffement climatique qui devrait selon lui amener l’Etat à non seulement compenser les pertes des agriculteurs touchés, « pour pouvoir passer le cap en trésorerie » mais bien aussi à chercher à les aider à s’en prémunir. « Un tel événement crée des pertes sur l’année, mais fragilise les ceps et les récoltes suivantes. Et par ailleurs une perte de récolte une année, c’est aussi le risque d’une perte de clients et de marchés au long cours . » En d’autres termes, le soutien à la trésorerie, s’il est bienvenu, ne fait pas vivre une entreprise.

A Monein, représentants du monde agricole et élus, se sont retrouvés sur une parcelle de vignes de Vincent Bétouret, touchée par le gel le 7 avril dernierAqui.fr

A Monein, représentants du monde agricole et élus, se sont retrouvés sur une parcelle de vignes de Vincent Bétouret, touchée par le gel le 7 avril dernier

 » Accompagner le geste de s’assurer »

Et en matière de prévention contre le gel Bernard Layre a bien quelques suggestions : « ils existent des tours éoliennes implantées dans les vignes qui font descendre l’air chaud et remonter l’air plus froid. Elles ont fait leur preuve ce mois ci sur l’appellation Quercy qui grâce à elles a pu être protégée du gel », illustre-il. Autre suggestion : l’irrigation de la vigne, comme ça se pratique déjà sur les kiwis permettant aussi une meilleure prévention face au gel. En clair, prévenir plutôt que guérir : « Nous voulons un accompagnement public sur des investissements très lourds pour les agriculteurs mais qui permettent de garantir une récolte et qui éviteront de mettre de l’argent public sur la compensation des pertes. » .

Autre point mis en avant cette fois par Franck Laborde pour la FDSEA, la nécessité pour les agriculteurs de s’assurer face aux aléas climatiques, pointant à l’heure actuelles des tarifs trop élevés. Excluant la proposition de rendre l’assurance obligatoire pour tous (ce qui permettrait d’élargir l’assiette et donc de diminuer les cotisations), il plaide pour la mise en place d’un fonds pour aider les agriculteurs à s’assurer. Si une piste possible se dessine au niveau européen dans le cadre de la réforme de la PAC, la piste évoquée par Jean Castex d’un fonds d’Etat financé collectivement pour aider les agriculteurs à s’assurer attire là aussi les faveurs du syndicat agricole majoritaire. « Il faut un effort d’accompagnement dans le geste de s’assurer », plaide avec ferveur Franck Laborde.

Une double requête du monde agricole qui n’est pas totalement oubliée semble-t-il des annonces gouvernementale, Jean Castex ayant demandé « d’accélérer les travaux de réforme de l’assurance récolte » tout en annonçant le doublement de l’enveloppe du plan de relance dédiée à la protection contre les aléas climatiques. Celui-ci passerait ainsi de 100 à 200 M€.

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