Gironde: L’artificialisation des terres au coeur de la CDFR


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 07/04/2016 PAR Solène MÉRIC

Si le thème des CDFR 2016, n’est pas interrogatif, c’est sans doute, parce qu’en effet, la question de l’existence d’une compétition foncière entre agriculture, développement économique, pression démographique et protection paysagère ne se pose plus. C’est un constat désormais partagé par tous, mais dont les tendances, malgré tout, se révèlent toujours parfois inquiétantes. C’est en tout cas l’impression que donne à voir l’évolution de l’occupation des sols dressée par Jacky Bonotaux, du Service Régional de l’Information Statistique, Economique et Territoriale du Ministère de l’Agriculture à partir de l’enquête Teruti Lucas. Celle-ci, réactualisée chaque année, permet de suivre, combinant photographies aériennes et relevés de terrain, l’évolution de l’occupation et de l’utilisation du sol.

16 500 ha de surfaces agricoles perdus en 6 ansS’appuyant sur cette étude, la sentence est sans appel : en Gironde l’artificialisation des sols, qui recouvre à la fois, le béton, le bitume et les pelouses d’agrément, s’est étendue de 19 000 ha entre 2006 et 2014, soit une augmentation de 17 % de ces surfaces. « C’est la plus forte et la plus rapide artificialisation sur la France entière », note Jacky Bonotaux. Sur la même période, les espaces naturels se sont réduits de 2500 ha sur le département, et grands perdants de l’évolution des sols, les espaces agricoles en 2014 comptent 16 500 ha de moins qu’en 2006.
Une déprise agricole où l’artificialisation à son rôle sans en être en réalité le premier facteur. En effet « sur les 19 000 ha artificialisés, 11 000 ha proviennent des espaces naturels et 8000 des surfaces agricoles ». Le restant des 8500 ha agricoles disparus ont en effet rejoint la catégorie des sols naturels… pour un temps limité puisqu’une fois redevenus espaces naturels, ils deviendront, si le mouvement se poursuit tel quel, les hôtes du bâti, du bitume ou de pelouses ayant perdu toute vocation productive… « Pour autant depuis 2 ans, on note un ralentissement des ces pertes », vient-il nuancer. Le début d’une prise de conscience peut-être… ? Mais prenant en compte les perspectives démographiques galopantes de la Gironde (+ 250 000 habitants en 2040), et le constat d’une artificialisation qui augmente plus vite que la démographie (qui a pris 70 m2 supplémentaires par habitant en 8 ans..) est tout de même bel et bien là. Résultat : « il faudrait arriver à trouver 59 000 ha supplémentaires pour accueillir tous ces nouveaux venus… », calcule-t-il.

La cdfr de Gironde organisée le 5avril dernier à Bordeaux science Agro. Au micro, Francis Massé, Président de la SAFER Aquitaine


Faciliter les échanges et comprendre les besoins de chacunS’il va visiblement falloir apprendre à se serrer davantage, ce constat amène aussi une conclusion incontournable, le besoin en foncier à vocation d’habitat, d’infrastructures, ou globalement de développement économique apparaît malgré tout évident… Mais sans doute pas à n’importe quel prix, ni n’importe comment, car le besoin en foncier agricole, l’est également, sans parler de la préservation des paysages. Un double constat que chacun des acteurs de part et d’autre du foncier agricole, semble avoir intégré. Un dialogue, certes parfois encore fragile, s’est désormais mis en place. D’autant que l’Etat a mis à disposition de nouveaux outils permettant de faciliter les échanges et donc la compréhension des besoins de chacun des acteurs du foncier. Parmi eux la CDCEA, devenue CDPENAF, qui, composée d’élus, d’acteurs du monde agricole, des services de l’État et d’experts du monde rural et de l’environnement, émet des avis consultatifs sur les documents d’urbanismes (Lire notre article). Ce 5 avril, la CDFR a permis le témoignage de différents membres de cette Commission, et, de l’avis de tous, elle permet en effet de « sortir des postures », et, régulièrement, par ses avis argumentés, d’entraîner la modification de ces documents par les collectivités pour une approche de la consommation des espaces, et notamment des espaces agricoles, plus économe et mieux adaptée à leurs projets de développement.
Pour autant, les acteurs agricoles regrettent, à l’image de Thomas Solans, représentant des Jeunes agriculteurs, « l’absence d’avis conforme qui permettrait de bloquer les cartes communales ou PLU qui affichent des exagérations, confondant par exemple terres agricoles et friches, quand la PAC elle-même ne les considère pas comme telles. » Une absence de caractère obligatoire, également regretté par Fabien Bova, directeur du CIVB, qui reconnaît tout de même volontiers que « le plus souvent nous arrivons à une bonne adéquation entre les projets des communes et la préservation de l’espace agricole ». Et, dans les cas inverses, la voie contentieuse reste toujours ouverte pointe Hervé Servat, Directeur Adjoint de la DDTM, qui préside la CDPENAF. Un appel au juge qui selon lui, « s’appuie souvent sur les raisonnements et avis de la commission dans sa propre analyse du dossier ».

« Une dimension d’anticipation à inscrire dans le marbre du SCOT » Mais mieux encore que le recours au juge, c’est bien la nécessaire anticipation sur ces enjeux que chacun a mis en avant ce mardi soir, et pour cela une des pistes défendues par Thomas Solans et les jeunes agriculteurs, est d’encourager les agriculteurs à siéger dans les conseils municipaux et mieux encore, au sein des intercommunalités où se dessine et se décide le Schéma de Cohérence Territorial (SCOT), soutient également depuis la salle Alain Renard, maire de Saint-Savin et vice-président du Conseil départemental. « Il y a une dimension d’anticipation qui doit être inscrite dans le marbre du SCOT, afin qu’on puisse retrouver ces enjeux dans les Plans Locaux d’Urbanisme ou cartes communales. Quand les élus ne sont pas agriculteurs, il sont moins sensibles à ces questions, et ils le sont moins encore quand ils ne sont pas limités par le prix des terres sur les petites appellations en crise par exemple… » témoigne-t-il. Mais, moins la filière est structurée et puissante moins l’anticipation ou même le contentieux est possible. À l’inverse du puissant CIVB qui, rappelle Fabien Bova, « a su s’investir sur le SCOT de Bordeaux il y a dix ans, permettant depuis une sanctuarisation des espaces viticoles ».
Mais l’anticipation, n’est pas (ou ne doit pas être) l’apanage des professionnels agricoles, c’est en tout cas ce que démontre l’exemple rappelé par Pierre Pouget, Directeur de la SAFER, sur le rapprochement, entre collectivités, chambre d’agriculture et Safer sur l’agglomération d’Agen. Un partenariat à l’initiative cette fois du pouvoir politique pour faire la chasse aux friches sur l’agglomération, et remettre en culture un maximum de ces surfaces. Plus de 800 ha sont ainsi potentiellement concernés… (lire notre article). De quoi, peut être, inspirer les élus participants à la CDFR girondine…

Le public venu nombreux le 5 avril pour assister à la CDFR de Gironde sur le thème de l'artificialisation des terres agricoles

Nouvel outil safer : la préemption partielleEnfin dernier levier pour une préservation des espaces agricoles mis en lumière par la CDFR : le droit de préemption partiel qui vient depuis le 1er janvier complété la palette des outils des SAFER. Celui-ci en cas de notification à la vente d’une parcelle à vocation mixte (contenant à la fois une habitation et des terres agricoles) permet à la SAFER de préempter sur la partie agricole du lot. Plus exactement cela permet à la SAFER d’ouvrir des négociations avec le vendeur et/ou l’acquéreur pour qu’elle puisse racheter uniquement la partie agricole. Hervé Olivier, directeur des opérations foncières à la Safer Aquitaine, synthétise : « l’idée c’est de renégocier un deal pour qu’une partie des terres puisse être maintenue pour l’agriculture », au lieu de les voir partir entre les mains de propriétaires, plus intéressés par le bâti de la propriété plutôt que par son exploitation agricole… En effet, 50 % du foncier rural est acheté par des non-agriculteurs… Particulièrement récent, il faudra sans doute attendre les CDFR des années à venir, pour juger de l’efficacité de ce dispositif, qui n’est pas sur la forme des plus simples à mettre en œuvre ni pour les Safer, ni pour les notaires, ni non plus d’ailleurs pour les propriétaires… À suivre donc.

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