Gironde : le Domaine de Nodris cherche ses agriculteurs


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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 08/07/2020 PAR Romain Béteille

C’est un projet qui, sur le papier, semble encore un peu flou pour Pascal, venu demander des précisions sur l’appel à candidature qui se termine le 1er septembre. « Le concept est intéressant, surtout le fait qu’il y ait un projet culturel autour et qu’on essaie de lier tout. Maintenant, il faut le formaliser et qu’on soit un peu moins formaté au niveau administratif. On peut faire de très belles choses ici ». Cheveux longs, barbe drue, l’homme, qui revient d’un maraîchage de quinze ans en Afrique, compte bien prouver que tout le monde peut se mettre à faire pousser des légumes. « Dans la région, c’est nouveau, il faudra vraiment assurer, être sérieux. Ce serait bien qu’ils prennent des hurluberlus et qu’on leur prouve qu’on est capables. Si on fait ça, ça va donner envie à d’autres de faire pareil ». Le domaine est vaste, la pierre des bâtiments récente, et le plan prévisionnel plein de promesses.

Un rachat stratégique

Mais de quoi parle-t-on exactement ? Du domaine de Nodris, un site d’une quarantaine d’hectares de terres agricoles et forestières, rachetée par le département (l’achat sera d’ailleurs finalisé le 12 juillet) pour le transformer en un lieu mélangeant culture, économie (notamment ESS), social et agriculture. Ce mercredi 8 juillet, la collectivité organisait une visite à destination des porteurs de projets d’un appel à candidature pour la mise à disposition en location d’une parcelle agricole d’environ huit hectares sur le domaine. Cette initiative s’inscrit en fait dans un programme plus large d’actions spécifiques à l’alimentation. Baptisé Gironde Alimen’Terre, il vise à développer la production locale et soutient directement (par une subvention d’un montant global de 547 306 euros) des agriculteurs ou viticulteurs girondins. Mais parmi ses quatre axes stratégiques, on retrouve aussi, en plus de l’accompagnement à l’agriculture biologique et du développement des circuits courts, le développement du foncier agricole, autrement dit l’achat de terres pour y établir des projets avec des nouvelles installations. 

domaine Nodris

Un schéma prévisionnel du projet, encore soumis à ajustements

C’est justement à cet objectif que correspond l’appel à candidatures du domaine, situé sur le commune de Vertheuil, bien connu des amateurs de musique puisqu’il accueille habituellement, chaque mois d’août, le Reggae Sun Ska. Avec le rachat du bâtiment, le département assure aussi la location d’un hangar agricole (80 à 100 mètres carrés comprenant des futurs sanitaires et douches), le rachat d’une serre de 500 mètres carrés (dont le montage restera à la charge du porteur de projet qui souhaitera l’utiliser) et une aide financière pour la clôture. Le tout, comprenant aussi le volet irrigation, est estimé à 300 000 euros en plus du montant du rachat.

Les terres devront être louées sur une durée de neuf ans via un bail rural environnemental renouvelable. Pour pouvoir candidater, il faudra évidemment respecter les critères de la collectivité : agriculture bio certifiée, gestion économique du terrain, économie circulaire et intégration au réseau AMAP, projet d’accueil du public ou encore débouchés commerciaux avec plusieurs collèges du Médoc et un EHPAD proche. Pour le reste, le jeu reste largement ouvert. Le plan prévisionnel du site mentionne toutefois un « idéal » de projet agricole : l’installation d’une couveuse et une expérimentation en permaculture sur un espace plus réduit, ainsi que plusieurs autres antennes en plus du projet agricole : espace médiathèque, co-working, lieu d’accueil pour des associations et conserverie seront de la partie. 

Premiers pas

Concernant ce qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui, à savoir le volet purement agricole du projet, le calendrier prévoit une réponse aux « deux ou trois » premiers porteurs de projet fin septembre, des études économiques finalisées en octobre et une finalisation des baux dans la foulée. Enfin, les travaux adéquat (notamment l’installation du matériel pour la clôture et l’espace serre, la construction des nouveaux bâtiments ou les travaux d’assainissement) doivent être terminés d’ici le printemps 2021.

Pour Dominique Fedieu, conseiller départemental médocain, « si on fait ça aujourd’hui à Nodris, c’est dans l’idée de pouvoir le modéliser sur d’autres parties du territoire girondin. C’est un peu le début d’une histoire de développement de fermes sur le secteur, sachant que le département est déjà détenteur de foncier et a peut-être plus de faciliter pour accéder à du foncier que lorsqu’un agriculteur veut monter un projet seul. On sait qu’il y a des volontés, que beaucoup de gens veulent se reconvertir sur des projets agricoles à taille humaine et biologiques, ça fait aussi partie des fortes demandes que l’on peut avoir des consommateurs et des services départementaux, collèges compris. C’est un premier acte du programme pour que le département prenne sa part dans cette transformation écologique », souligne l’élu, qui parle du volet agricole sans dissocier le projet global prévu sur le site, évoqué plus haut. 

Parmi les potentiels candidats, Fanny est un peu différente des autres. D’abord parce qu’elle sort à peine d’une formation au CAPA de Melle, spécialisée dans la transformation fromagère. Diplôme en poche, elle a saisi l’occasion de Nodris, avec son compagnon maraîcher, pour candidater. « L’endroit nous intéresse parce qu’on recherche pas mal d’hectares pour faire pâturer les chèvres, notamment avec de la plantation de haies fourragères. C’est à double tranchant parce qu’on nous demande de fournir les collèges en légumes mais si on laisse la place à un élevage de chèvres, il y en aura moins ». Des chèvres qui pâturent à deux pas des festivaliers du Reggae Sun Ska ? Pas un problème, assure la future éleveuse. « En août, c’est la période où les herbes ont jauni, les chèvres ne pâturent pas, le Sun Ska ne sera donc pas un frein au projet. On aura juste besoin d’un bâtiment pour mettre les chèvres. Ça fait six mois qu’on cherche des terres, ce projet-là tombait un peu à pic, on s’est dit que ça pouvait être une opportunité. Si on n’est pas retenus, on va continuer à persévérer », continue Fanny.

« C’est un projet qui nous tient à cœur, d’autant plus qu’il n’y a pas de chèvrerie dans le Médoc et que la demande est assez forte, je sais qu’au niveau du circuit de commercialisation, je n’aurais pas de problème. L’AMAP de Sainte-Hélène est déjà à la recherche d’éleveurs de chèvres. J’avais compris qu’il y aurait un aspect collectif, mais j’ai été surprise de voir à quel point tout était accentué sur le social. J’ai fait de l’animation et j’ai été professeur des écoles, l’accueil à la ferme et l’aide aux personnes en difficulté, ça colle à ma personnalité ». 

Intérêts avoués

Presque incognito au milieu des agriculteurs potentiels, Didier Deyre regarde le modèle avec envie. Premier adjoint à la mairie du Porge en charge (notamment) de l’agriculture, il compte bien s’inspirer de Nodris pour concrétiser le programme électoral de la maire, Sophie Brana. « On veut développer ce genre de projets sur la commune, mettre des terres à disposition, trouver des maraîchers. Le but, ce serait de développer des produits bio pour alimenter le restaurant scolaire en priorité, faire un petit marché local et ensuite voir si on peut développer plus loin. On a déjà des jardins partagés, qui ne le sont d’ailleurs pas vraiment parce que chacun fait son petit lopin de terre. Notre but serait aussi de permettre aux acheteurs de s’impliquer dans le projet ».

À Cussac-Fort-Médoc, le maire Dominique Fedieu a fait un autre choix. « On a développé sur la commune il y a deux ans une régie agricole. La mairie a embauché un maraîcher bio pour alimenter la cantine scolaire. On est sur un modèle géré et suivi par la collectivité. Ici, c’est un peu différent puisqu’on parle de la mise à disposition de terres et d’équipements pour l’installation d’agriculteurs. Au final on a préféré partir sur cette façon de fonctionner parce que ce sont des terres communales, parfois de petite taille, dans différents lieux et pour certaines, il est impossible de faire des baux. Enfin, le maraîcher a préféré avoir le statut de fonctionnaire territorial. On a monté un projet pédagogique avec les écoles, des jardins partagés. On recherche actuellement du terrain pour développer ce maraîchage, l’objectif étant d’arriver à un hectare. On a acté la vente aux particuliers, on est en avec Local Bio pour écouler des excédent et d »autres cantines scolaires profitent des approvisionnements ».

L’élu ne le cache pas, qu’il s’agisse de Nodris ou de son modèle en régie, de nombreuses communes du Médoc et de la Gironde regardent de près ce type de projet. « On a reçu plusieurs communes comme Saint-André-de-Cubzac, Lacanau, Cavignac, Vendays-Montalivet. Je sais que des élus de Listrac aussi se posent des questions. Ils s’intéressent à la régie mais d’autres municipalités ont pris le modèle de Nodris, comme Targon dans l’Entre-deux-Mers ou Saint-Christoly-Médoc. Les deux modèles sont pertinents, ça dépend ensuite de la rencontre des acteurs et des choix qui sont faits. L’avantage de la régie, c’est de maîtriser l’approvisionnement en direct mais chaque choix de modèle est intéressant ». Avant la désignation des candidats retenus, le domaine de Nodris n’est pas inactif : il accueille notamment les répétitions de l’orchestre Demos et « les jeudis du Sun Ska » du 16 juillet au 13 août. En attendant la mise au vert… 

L’info en plus : Le Conseil Départemental aurait déjà reçu une quarantaine de candidatures pour son projet de ferme bio à Nodris. Un « webinaire » est prévu ce jeudi 9 juillet (à 11h) pour présenter le projet virtuellement, et une seconde visite du site est déjà programmée le 19 août prochain. Plus d’infos sur le site www.gironde.fr

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