Haute-Vienne: Quand la Safer stocke une ferme pour installer un jeune


Corinne Mérigaud
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 15/11/2019 PAR Corinne Merigaud

Paul Charrier cherchait une ferme de 30 ha, une surface difficile à trouver, les exploitations de 80 à 100 ha ou les fermes de 10 ha étant légion. En outre, il ne souhaitait pas être propriétaire de la ferme pour ne pas s’endetter outre mesure dans une installation hors cadre familial. Alors qu’il réside sur la commune voisine de Saint-Junien-les-Combes, il apprend que la ferme de Châtres à Rancon, abandonnée depuis quelques années, est à reprendre avec un projet collectif. « J’ai rencontré le maire en mars 2018, un personnage avenant, la ferme m’a plu au niveau paysager mais avant tout pour son potentiel agronomique. Comme elle avait été mise en réserve, il fallait agir vite, je lui ai donc proposé de la reprendre avec l’idée de faire venir d’autres porteurs de projets. » Effectivement, son cousin et sa compagne sont venus visiter la ferme un mois après puis ont testé leur projet d’élevage porcin six mois et se sont installés en août dernier.

Du temps pour s’installer
Il a ensuite contacté Terre de Liens qui prône des valeurs auxquelles il souscrit, agriculture biologique et préservation des terres agricoles à travers les générations. Le maire Michel Creyssac avait pris contact avec la Safer Nouvelle-Aquitaine pour qu’elle préempte le bien. « Quand nous avons reçu la notification de vente du maire mais nous avions déjà repéré cette vente aux enchères via notre réseau de notaires raconte Guillaume Martin conseiller Safer. Le maire voulait installer plusieurs agriculteurs avec différentes productions pour faire vivre la commune. La Safer a décidé de stocker la propriété grâce à une convention conclue avec la Région. Cela donne du temps au porteur de projet d’avoir un financement, ce qui fut le cas pour Paul Charrier qui ne voulait pas acheter la ferme. Et il nous avait parlé du projet de son cousin pour la rétrocession de la moitié des terres.» Un appel à candidatures est alors lancé par la Safer avec affichage en mairie, annonces sur le site de la Préfecture, de la Safer et dans le journal Union et Territoire. Aucun autre porteur de projet ne se manifeste. « Le Nord de la Haute-Vienne est un secteur peu concurrentiel et nous avons souvent des propriétés entières à reprendre constate-t-il, un comité technique s’est réuni le 13 septembre 2018 et Terres de Lien a acquis la ferme . »

Son cheptel se compose d'une dizaine de vaches laitières et allaitantes Salers et Abondance et d'une dizaine de bêtes pour le renouvellement

En tant que fermier de l’association, Paul n’a dû emprunter que 100.000 € au lieu de 400.000 € s’il l’avait achetée. « En mettant la ferme en réserve, la Safer a permis de temporiser et d’éviter que ces terres ne partent à l’agrandissement. C’est un bon outil pour favoriser l’installation de paysans hors cadre familial et hors région. » Un dispositif qu’il souhaiterait voir utilisé plus souvent. « On arrive à un point critique avec des fermes de 200 à 300 ha qui ne trouveront pas de repreneur hors cadre familial. La Safer a mis du coeur dans mon projet, l’équipe avait la volonté d’installer un jeune, c’est un bon partenaire qui a joué le jeu en me laissant du temps.»

Objectif 30 000 litres de lait
Son cheptel se compose d’une dizaine de vaches laitières et allaitantes Salers et Abondance et d’une dizaine de bêtes pour le renouvellement. Sur les 70 ha de SAU, il exploite 25 ha et dispose de 5 ha de bois, le reste étant rétrocédé à son cousin et sa compagne pour leur élevage de porcs et leur projet de brasserie artisanale. Sa ferme s’étend sur deux parcelles, vingt hectares de pâture sont attenants aux bâtiments. Dès 2020, il augmentera sa production avec cinq mères de plus. « Cette année, j’ai transformé 17 000 litres de lait en tomme, l’objectif est d’arriver entre 25 000 et 30 000 litres espère Paul. Tout est vendu en vente directe, sur la ferme un après-midi par semaine, et sur des marchés à Limoges et Bellac. Je vise l’autonomie fourragère en cultivant du méteil sur 4 ha, un mélange de triticale, pois, épeautre et féverole car l’apport en protéines est important pour des laitières. » En plus, il achète une coupe de 8 ha de foin à Bellac. Il dispose d’une étable de 18 places qu’il va réaménager cet hiver et il va restaurer une grange pour les veaux. Paul a investi 30 000 € pour créer sa fromagerie en service depuis mars dernier. « Il fallait que tout soit prêt pour la première traite, mon installation a été planifiée pour je commence au printemps, les bêtes sont arrivées en novembre 2018, j’ai acheté le cheptel, un peu de matériel mais j’utilise surtout celui de la CUMA précise-t-il. La Safer m’a aidé en mettant la ferme à disposition gratuitement d’octobre à janvier, ce qui m’a permis de commencer la production de lait comme prévu et j’ai été soutenu par l’ADEAR. »

Paul Charrier a produit cette saison 17 000 litres qu'il transforme en tommes. Guillaume Martin, conseiller à la Safer, a géré le dossier de Paul.

Un an après, le bouche à oreille fonctionne bien, des amis chevriers lui font bénéficier de leur clientèle et l’emplacement de la ferme, près d’une route fréquentée, compte aussi dans sa réussite. « L’effet Terres de Lien en tant que jeune fermier installé et le soutien communal m’aident beaucoup assure-t-il, la clientèle locale apprécie ce fromage au lait de vache qui n’existe plus ici. L’idée est d’avoir un système souple, traire moins pour produire 3 à 4 veaux de lait par an et deux bœufs. Je n’ai pas de problème financier mais c’est trop tôt pour dire si je peux en vivre, attendons un an. » Pour la prochaine saison, Paul souhaiterait embaucher un salarié à mi- temps.

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