L’élevage et l’alimentation en débat sur la Semaine de l’agriculture Nouvelle-Aquitaine


Claude-Hélène Yvard
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 18/05/2020 PAR Claude-Hélène Yvard

Premier constat : depuis de nombreuses années, les systèmes d’élevage en France et en Europe, toutes filières confondues,  connaissent de nombreuses difficultés qui sont d’ordre différentes. Ils enregistrent de nombreuses contraintes, en fonction des types de production, des pays, des systèmes. Les problématiques soulevées dans ce débat mélangent plusieurs registres : économique, environnemental avec les critiques, éthique, culturel, nutritionnel et sanitaire. 
Le premier intervenant, Jérémie Prouteau, expert en Foodtech, qui est un écosystème de startups innovantes sur toute la chaine de valeur alimentaire,  entame son propos en proposant trois points. Il indique que la tendance à la consommation de viande est en baisse : elle a diminué de 10 % en dix ans et 5,2 % des Français se déclarent végétariens dont 12 % des 18 ans – 34 ans. Selon lui, il n’y a aucune raison que la courbe s’inverse, surtout avec  les développement de substituts. Il prend pour exemple  l’écosystème des startups qui développent des alternatives soit à base de végétaux, plant based, soit à base de cellules. Les investissements sont très importants sur ces techniques. Jérémy Prouteau explique que l’écosystème de la viande cellulaire suit les mêmes trajets que viande végétale avec 5 à 10 ans de retard, et que tous les secteurs des protéines animales sont concernés, viande, produits laitiers et jusqu’au foie gras.

La fin de l’élevage, c’est la fin des prairies

La deuxième intervenante, Nathalie Rolland, présidente de l’association Agriculture cellulaire France, précise ce qu’on entend par agriculture cellulaire. Elle a débuté dans les années 50, et il y a deux grands types de produits : la viande, le poisson et les fruits de mer sont développés à partir de cellules d’animaux et les autres protéines (laits, oeufs) créés à partir de procédés de fermentation. Elle ajoute que ces produits sont développés pour être bon pour l’environnement et permette d’éviter les souffrances des animaux. Elle avance aussi des bienfaits pour la santé humaine, pas d’antibiotique, pas de zoonoses.
Anne-Cécile Suzanne, cheffe d’exploitation en polyculture élevage dans l’Orne,  et aussi consultante en stratégie et opérations pour le secteur public, souhaite recadrer les différents sujets : « Il y a d’abord la question alimentaire. Le jour où on aura une viande cellulaire qui contente les consommateurs et à un prix abordable, elle aura sa place dit-elle. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Il faut considérer l’élevage dans son actualité et envisager la meilleure façon de travailler pour répondre aux préoccupations sociétales. D’un point de vue environnemental, la fin des élevages, c’est la fin des prairies. Ils sont synonymes de biodiversité ». La jeune femme insiste en disant qu’il faut donc continuer à travailler pour améliorer l’élevage. Elle ajoute aussi que d’autres dimensions doivent être prises en compte, éthique, environnement, qui dépasse la seule question alimentaire.
Pascal Lerousseau, éleveur, et président de la Chambre d’agriculture de la Creuse conteste pour sa part le rapprochement fait entre agriculture et cellulaire. Ce n’est pas la même chose « on ne peut pas parler de viande, on ne peut pas parler d’agriculture dans ce cadre. On travaille avec le vivant, la terre. Je ne vois pas un pays sans élevage ».

La disparition de l’élevage, une utopie

« Et si l’élevage disparaissait, quelles incidences ? »  intervient Valérie Péan, d’Agrosciences et animatrice du débat. Jean-Louis Peyraud, directeur scientifique adjoint agriculture à l’Inrae, estime que c’est une utopie. L’élevage apporte de la biodiversité, de l’engrais, permet de stocker le carbone. Si on supprime les animaux, nous aurons des systèmes agricoles beaucoup moins efficaces », estime Jean-Louis Peyraud . Reste que la société attend moins les excès de l’abolitionnisme que des élevages respectueux du bien-être animal. « Il faut se poser la question des espaces qui seraient libérés par la fin de l’élevage. C’est de la biomasse qui n’est plus récolté, la fermeture des espace, la forêt, qui brûlera plus avec le changement climatique » dit-il.  « C‘est aussi de la perte d’agrobiodiversité, il existe des dizaines de races de vaches, de moutons en prenant exemple de la plaine de Niort qui a vu disparaître toutes ses exploitations d’éleveurs.  Et c’est culturel, les signes de qualité… »C’est aussi une perte de savoirs faire ». « Et même si cela a un peu disparu, l’élevage a un rôle irremplaçable pour la fertilité des sols.  Enfin, le chercheur ajoute que c’est aussi de l’économie, en France presque la moitié du chiffre d’affaires de l’agriculture, des emplois, 800 000 en France, plus de 3 % . Selon lui, l’élevage reste indispensable, même si des évolutions sont aussi indispensables. 

Est-ce que ces techniques de cultures ne pourraient pas remplacer la frange de l’élevage la moins vertueuses et la plus intensive ?  intervient Valérie Péan. Anne-Cécile Suzanne estime que les élevages intensifs ne sont pas remis en cause par les comportements des consommateurs, dans leur globalité. Dans ce contexte, la crise du Covid 19 peut il modifier les comportements ? La question est posée par un internaute. Anne-Cécile Suzanne indique que la relocalisation des achats est une bonne évolution, mais selon elle « il n’y a de miracles nulle part. Les filières viandes ont eu un comportement très spécial en faisant baisser le prix d’achat des bêtes. Alors que les prix à la consommation ont augmenté… C’est paradoxal. »
Jean-Louis Peyraud estime que l’élevage va évoluer sous la double contrainte de la demande sociale et les nouveaux produits alimentaires que l’on voit poindre. Une des solutions, c’est peut être de modifier l’élevage autour du bien-être animal et de l’éleveur et en recouplant les animaux et le végétal. Pascal Lerousseau et Anne Cécile Suzanne  concluent sur une note positive. Pascal Lerousseau estime que « l’élevage a encore quelques belles années en trouvant l’équilibre entre prix de vente et coût de production, parce que les consommateurs recherche le naturel. Donc vendre à un prix décent, reconnaître les vraies valeurs de l’élevage et les services qu’il rend. » Et quant à la définition d’un élevage idéal, c’est peut être tout simplement au consommateur de la donner pour en assurer l’avenir ?

Pour revoir l’intégralité du débat : https://agriweb.tv/

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