La méthanisation, des atouts pour le monde agricole


La méthanisation fait partie des sujets abordés lors des tables rondes du salon de l'agriculture de Nouvelle-Aquitaine 2021

Une unité de méthanisation à Somain, dans le nord de la FranceJulie ALLEAU | Aqui
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 21/05/2021 PAR Anne-Lise Durif

Apparue au début des années 2000 en Allemagne, la méthanisation a gagné progressivement les campagnes françaises à partir de 2007, convainquant exploitations, industries et collectivités locales de son utilité. La France compte aujourd’hui près d’un millier de sites de méthanisation. Et leur nombre devrait encore doubler d’ici trois à quatre ans, selon les données opérateurs du gaz. Un chiffre sans surprise, quand on sait que l’Etat ambitionne d’atteindre l’introduction de 30% de gaz verts dans le réseau énergétique d’ici 2030, voire 50% d’ici 2050. Méthanisation et agriculture, le sujet a été débattu lors du Salon de l’Agriculture Nouvelle-Aquitaine.

Selon la définition de l’Ademe, la méthanisation est « une technologie basée sur la dégradation par des micro-organismes de la matière organique, en conditions contrôlées et en l’absence d’oxygène, donc en milieu anaérobie, contrairement au compostage qui est une réaction aérobie ». Cette dégradation entraine deux réactions chimiques. La première est la création d’un biogaz, « un mélange gazeux saturé en eau, composé d’environ 50 % à 70 % de méthane (CH4), de 20 % à 50 % de gaz carbonique (CO2) et de quelques gaz traces (NH3, N2, H2S) ». Cette énergie renouvelable peut être utilisée sous forme combustible pour la production d’électricité et de chaleur, d’un carburant, ou d’injection dans le réseau de gaz naturel après épuration. Le deuxième effet est la création d’un produit humide appelé digestat, composé de la matière restante de cette décomposition. Riche en matière organique partiellement stabilisée, il peut être utilisé sur les sols comme un compost, après une phase de maturation.

Une double valorisation des déchets biodégradables

Si la méthanisation est utilisée dans le traitement des boues d’épuration urbaines et de certains effluents industriels, elle l’est de plus en plus dans les exploitations agricoles, où elle sert à revaloriser les déchets organiques issus de l’élevage et des cultures.  Les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à plébisciter cette nouvelle technologie, quelque soit leur modèle d’exploitation. Pour la profession, les avantages sont nombreux. Elle permet non seulement une double valorisation de la matière organique, en créant du digestat et du biogaz, mais permet également de faire des économies sur le traitement de ses déchets biodégradables par d’autres filières.
En étant immédiatement pris en charge sur place, ces déchets placés dans un « digesteur » hermétique ne libèrent plus de gaz dans la nature le temps de leur transfert. Les mauvaises odeurs ainsi que l’émission de gaz à effets de serre se trouvent ainsi nettement diminués, puisque tout est contenu dans le méthaniseur. Réutilisé sur l’exploitation ou réinjecté dans le réseau, le gaz produit permet à l’agriculteur de faire des économies d’énergie ou de se tirer un revenu complémentaire intéressant. Et le digestat permet évidemment de se fabriquer une sorte de compost maison à moindre frais.

Les agriculteurs l’ayant adopté n’y voient que des avantages.  En atteste Bertrand Guerin, agriculture à Nojals-et-Clotte en Dordogne, qui a investi 1,5 million d’euros pour monter un site de méthanisation. « Quand j’ai démarré ce projet en 2007, nous étions deux sur l’exploitation, mon frère à mi-temps et moi-même à temps plein, et nous faisions un travail de trois personnes. La production laitière en place et nos vergers encore jeunes à l’époque ne nous permettaient pas d’être plus nombreux », se souvient l’exploitant, venu en témoigner lors des tables-rondes du salon de l’agriculture Nouvelle-Aquitaine 2021. Aujourd’hui président de l’association des méthaniseurs de France, il estime avoir suffisamment de recul et d’expérience pour affirmer que, « bien maîtrisée, la méthanisation permet de valoriser les intrants agricoles à plusieurs niveaux, avec un niveau de rémunération intéressant qui permet de payer le travail agricole ».
Il est aujourd’hui convaincu que cette installation lui a permis « de maintenir puis de développer notre élevage, alors que nos voisins autour ont dû arrêter les uns après les autres parce qu’ils n’y arrivaient plus, en termes de production et financièrement. Aujourd’hui nous sommes huit, dont cinq jeunes, qui se forment ou sont en cours d’installation en vue d’une association.»

Concillier production et préservation du climat

Fort des retours d’expériences des quelques précurseurs, d’autres n’hésitent plus à s’engager, séduits à la fois par l’aspect environnemental et l’atout pécuniaire. C’est le cas de Cyrille Genest, qui possède une exploitation de 900 hectares en grandes cultures à Villeréal en Lot-et-Garonne. Avec un investissement total de 11 millions d’euros, il a choisi un raccordement au réseau pour réutiliser le biogaz. « Mon objectif était double : pérenniser à très long terme ma ferme, notamment pour mes enfants. Mais leur laisser un compte en banque bien rempli ne leur servira à rien dans un climat invivable, alors j’avais envie de participer à mon niveau à la lutte contre le réchauffement climatique. En tant que « gros » agriculteur, je me sens encore plus en responsabilité d’agir ». Il s’est déjà investi en ce sens par la protection des sols, avec la mise en place de couverts végétaux. « La méthanisation permet de valoriser le couvert, qui met du temps à montrer ses effets », poursuit-il, « le digestat permet ainsi d’enrichir des sols plus pauvres et moins productifs, plus rapidement, et d’enrichir moins un sol déjà riche ».
Son projet prévoit également de récupérer le CO2 produit par sa ferme. « Le biogaz est un mélange de CO2 et de méthane. Ce dernier est aujourd’hui valorisé par la co-génération, soit par la réinjection dans le réseau de gaz. Le CO2 restant est considéré comme étant propre, car ce sont des émissions liées à la décomposition des végétaux ou du fumier. Il est donc d’ordinaire relâché dans l’atmosphère. Nous, nous allons piéger ce CO2, avec un système encore peu répandu en méthanisation.» Il ne lui reste plus qu’à obtenir l’autorisation de la préfecture… Et l’approbation de certains voisins.

Car si la méthanisation offre des avantages aux agriculteurs, elle n’est encore pas bien acceptée par le voisinage non agricole des exploitations. « Mais c’est souvent par méconnaissance des dispositifs, avec des peurs liées à des croyances », note Bertrand Guérin, qui prône la pédagogie auprès du grand public. Malgré plus d’une décennie de développement de la méthanisation sur le territoire, les banques restent également frileuses. « Même encore aujourd’hui, il faut convaincre les banquiers du bien fondé de vos projets, mais comme pour n’importe quel investissement », constate Bertrand Guerin. Pour les convaincre, il faut bien maîtriser son projet : « La formation est très importante. Elle est nécessaire pour convaincre les banquiers mais aussi pour garantir la réussite global du projet. La plupart des échecs enregistrés ces dix dernières années sont liés à un manque de maîtrise technique.»

Le débat est à voir ou revoir sur Agriweb.tv

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