Le porc du sud-ouest cherche un nouveau souffle


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 19/06/2015 PAR Jean-Jacques Nicomette

« Nous avons de belles entreprises de fabrication alimentaire et de salaison, le plus grand abattoir du Sud-Ouest à Lahontan… Mais nous produisons seulement 20 porcs au kilomètre carré » note Bernard Dupont, le président de l’INPAQ-Consortium du jambon de Bayonne. Avant de rappeler que, chez certains de nos voisins européens cette densité se calcule en centaines d’animaux.

IGP Jambon de Bayonne, IGP porc du Sud-Ouest, Label Rouge, CCP truies charcutières… Les démarches entreprises sous signe de qualité ne manquent pourtant pas. Quant aux ouvertures offertes récemment par les marchés chinois et américains, elles s’avèrent très prometteuses. Mais l’inquiétude est palpable. Car il faut aussi que la quantité suive.

Peu de volontaires

Force est en effet de constater que peu d’agriculteurs rêvent de faire carrière dans le porc, un marché sérieusement concurrencé par des pays comme l’Allemagne et l’Espagne. Pour ne citer que ces deux-là. Depuis quinze ans,  les productions qu’ils affichent ont augmenté respectivement de 28% et de 19%.

Ajoutez à cela le faible attrait exercé par une profession où, comme dans d’autres secteurs, la hausse du coût des matières premières n’a « jamais pu être répercutée sur le prix du kilo de viande ». Enfin, les candidats à l’installation ne sont pas très chauds  à l’idée d’avoir à consacrer des sommes conséquentes pour s’équiper. Cela, bien avant de pouvoir recueillir les fruits de leur travail.

« A moins d’un million d’euros d’investissement, on ne fait rien » explique Bernard Dupont. « Par ailleurs, si un éleveur décide d’intégrer aujourd’hui la production porcine, il ne produira rien avant 2020. Car il y a les démarches administratives, la montée en puissance de la production,  le temps de séchage d’un jambon etc ». Un délai de plusieurs années « qui peut décourager beaucoup de candidats. Alors qu’Airbus, qui va fabriquer un avion électrique à Pau, va voir le premier appareil sortir en 2017 de ses ateliers »

 L’embargo russe, les prix et l’assiette que l’on boude

D’autres difficultés ont été évoquées elles aussi lors du débat organisé à Arzacq. Ce qui va de l’embargo russe qui a touché 25% des exportations européennes, à la baisse régulière de la consommation de la viande de porc en Europe (-3% par habitant entre 2005 et 2015).

Un constat  qui amène par exemple  Pierre Moureu, le président de l’INPIG – un centre d’insémination artificielle – à souhaiter que la profession demande des comptes aux politiques pour les « dommages de guerre » subis par les producteurs fournissant la Russie. Tandis que Jean-Pierre Joly, le directeur du marché du porc breton, estime indispensable de « privilégier les produits français » sur un marché national qui absorbe plus de 70% de la viande porcine produite dans notre pays. Un marché sur lequel « le producteur, qui n’en peut plus, est devenu la variable d’ajustement en matière de prix », déplore Yves Daros, le président de Midiporc.

40 000 places d’élevage à préserver

Voilà pour l’état des lieux. Les perspectives, elles, ne sont pas réjouissantes. A u cours des 5 années qui viennent, près de 70 000  places d’élevage porçin risquent de disparaitre dans le Sud-Ouest. « C’est extrêmement inquiétant pour toute la filière » juge Philippe Baralon, du cabinet de conseil en stratégie Phylum. Un objectif est donc fixé :  reconquérir un minimum de 40 000 places au cours de cette  même période. Ce qui nécessiterait un investissement allant de 18 à 27 millions d’euros.

Deux possibilités s’offrent ici : mettre l’accent sur des exploitations de taille réduite mêlant polyculture et polyélevage, ou créer soit unités spécialisées réunissant 4 000 à 8 000 places d’engraissement, ou 500 à 800 truies. Une dimension qui ne doit pas effrayer le grand public, explique Patrick Le Foll, le directeur général de la coopérative FIPSO. « Un gros élevage peut faire de la qualité. De plus, il faut en finir avec l’image des grands-parents qui élevaient leurs bêtes. Aujourd’hui, un agriculteur n’a plus envie de travailler 7 jours sur 7, même à l’époque de la loi Macron. Une équipe de 4 à 5 salariés est le seul moyen de ramener des jeunes vers la production porcine . Pour y parvenir, il faut des élevages importants. Enfin, en ce qui concerne l’aspect écologique, les épandages de lisier etc… les investissements sont beaucoup plus faciles à supporter dans les gros élevages ».

Un fonds pour relancer la machine

Investissement : le mot est lâché. « La France ne renouvelle pas son parc. Entre 2004 et 2012, c’est même le pays où l’on a le moins investi en Europe » note un observateur. De là à lancer l’idée d’un fonds interprofessionnel destiné à soutenir financièrement les agriculteurs, il n’y a qu’un pas. Celui-ci viendrait compléter les dispositifs déjà existants.  Il viserait à apporter 25 à 33% des fonds propres nécessaires à la création ou au développement des structures agricoles.

 A Arzacq, l’idée a reçu le soutien de Jean-Pierre Raynaud, le vice-président du Conseil régional. Tandis que Bernard Dupont parlait d’un pacte à nouer entre l’Etat, l’Aquitaine et ses départements. « En attendant, que fait-on pour l’existant ?  » n’en a pas moins demandé un producteur, avant de rappeler que l’argent nécessaire à la seule mise aux normes des installations n’est guère facile à trouver. « La création du fonds n’est pas exclusive » lui a-t-il été répondu. « On peut aussi imaginer des interventions auprès des éleveurs. Tout cela doit être affiné ».


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