Chroniques de l’Agronome: Lucile réfléchit au Plan de pastoralisme de la Réserve Naturelle de Nohèdes


Opaline Lysiak
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 07/06/2012 PAR Opaline Lysiak

Nohèdes, 900 mètres d’altitude, ses 70 habitants, sa Réserve Naturelle. Lucile n’a pas vu une seule boutique depuis qu’elle a débarqué dans le village, le 15 mars. Mais cela ne l’embête pas le moins du monde. « Depuis la fenêtre de mon logement, en collocation avec deux autres stagiaires, j’ai la vue sur la montagne. Il n’y a vraiment rien à faire dans le coin, mais quelque part, c’est reposant » explique le jeune Girondine. Baignée en permanence dans l’environnement montagnard, elle peut s’adonner cœur et âme à sa mission : réfléchir à un nouveau plan de pastoralisme pour les éleveurs situés dans la Réserve de Nohèdes, une des 310 Réserves Naturelles de France. Les objectifs : protéger les milieux naturels exceptionnels, rares et/ou menacés: faune, flore, sol, eau, minéraux, fossiles, sur terre, sous terre ou en mer…

« Parmi les 2000 hectares que compte la Réserve, 800 sont occupés par des parcours pour le bétail (vaches, brebis, chèvres) de quatre éleveurs. Auparavant, ces derniers cotisaient pour employer un technicien. Aujourd’hui il n’y a plus vraiment de gestion des espaces pastoraux. Les éleveurs ne se concertent pas pour organiser l’utilisation des parcours : certains milieux sont abîmés par une présence trop importante des animaux tandis que d’autres ne sont plus assez utilisés. Peu à peu, ils se referment, les plantes non valorisables par le bétail et des broussailles supplantant les espèces végétales d’une prairie saine » analyse Lucile. Elle déplore ainsi que l’équilibre écologique qui existait depuis des siècles entre l’élevage et les milieux naturels soit déréglé, parce que les éleveurs ont perdu le « bon sens » ancien. Pour ces derniers cela signifie une diminution de la ressource fourragère, liée à une perte de biodiversité prairiale.

La jeune femme avait vraiment envie de travailler dans une structure qui gère des problématiques à cheval entre protection de l’environnement et agriculture. «En ce moment, je comprend que les structures que l’on croit actives simplement dans le domaine de l’environnement ont une rôle essentiel pour aider les éleveurs à s’en sortir économiquement en retrouvant une autonomie alimentaire ; le manque d’herbe les oblige à acheter de plus en plus d’aliments du commerce. Et ils sont conscients, de plus en plus, du lien entre la gestion de leurs troupeaux et la préservation du milieu ».

Afin de réouvrir les milieux et les maintenir en bon état, Lucile doit proposer un plan de gestion du pastoralisme dans la réserve de Nohèdes. La priorité est de classer les sites en fonction de leurs potentialités fourragères, de leurs intérêts écologiques, du foncier et de l’accessibilité aux engins. Cela devrait aboutir à une hiérarchisation spatiale et temporelle des actions. Pour cela, les connaissances et compétences acquises au cours de la formation à Bordeaux Sciences Agro, et particulièrement la Gestion des Espaces Agricoles, option qu’a choisie Lucile, sont mobilisées : elle doit cartographier les milieux en fonction des espèces botaniques. Elle précise que « pour déterminer quels sites sont les plus alarmants en termes de biodiversité. Je vais passer beaucoup de temps sur le terrain cet été. Cela me permettra d’être calée sur la reconnaissance des plantes, ce qui me servira au cours de ma carrière ». Car Lucile a trouvé un stage qui correspond parfaitement à ce qu’elle souhaite faire plus tard.

Enfin, elle touche du doigt la complexité des aides PAC, dont elle doit tenir compte pour formuler des propositions réalistes. « C’est tellement compliqué ! Les éleveurs sont dans le doute permanent avec le renouvellement de la PAC en 2014, et notamment la possibilité de disparition de la prime à l’herbe ». Dans cette ambiance, la solidarité entre éleveurs est difficile. A la fin de sa mission, Lucile passera beaucoup de temps en réunion avec les éleveurs, pour qu’ils soient acteurs de la décision de leur avenir en s’appropriant totalement la gestion des espaces desquels ils dépendent pour leurs activités. « Finalement c’est vraiment bizarre de dire qu’une Réserve Naturelle a pour finalités la protection de l’environnement. Aujourd’hui il est évident que les activités économiques doivent être prises en compte parce que nous dépendons tous de la nature et de ses ressources ».

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