Nouvelle-Aquitaine : un premier bilan pour Alter’NA


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 30/06/2020 PAR Romain Béteille

Petit rappel pour ceux qui n’auraient pas suivi. En octobre dernier, la région Nouvelle-Aquitaine lançait, avec le concours du FEI (Fonds Européen d’Investissement), un fonds d’investissements à destination du secteur agricole pour rendre plus facile l’accès des agriculteurs au crédit bancaire. Ce fonds, aujourd’hui doté de 36 millions d’euros, est réparti comme suit : 15 millions provenant de la région, 15 autres du FEADER (Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural) et 6 millions d’euros supplémentaires provenant du Plan Juncker.

Cet abondemment de fonds publics est censé servir de levier et de garantie à des prêts bancaires pouvant aller jusqu’à un total de 230 millions d’euros, auprès des trois banques partenaires de l’opération (à savoir le Crédit Agricole, la Banque Populaire et le Crédit Mutuel/CIC). Ces prêts sont dédiés à des projets de transition écologique agricole dans plusieurs secteurs, de l’élevage à la production végétale jusqu’à l’industrie agro-alimentaire pour développer des produits bio. Foncier, tranfert des droits de propriété, fonds de roulement ou actifs localisés en région sont éligibles, ce qui n’est pas le cas de projets d’irrigation, d’agrotourisme ou d’aquaculture et de pêche. 

Répartition territoriale

Neuf mois après son lancement, le fonds Alter’NA tient les comptes. Au 31 mai dernier, il a ainsi consommé 10,9% de l’enveloppe principale (à savoir 190 millions d’euros), soit 20,7 millions d’euros. 65 agriculteurs ou TPE/PME agricoles ont pu en bénéficier. 63% sont des exploitations de plus de dix ans. 69% des projets concernent l’élevage : de la conversion bio d’un producteur de viande bovine en Corrèze (avec construction de bâtiments de stockage) au financement d’une salle de traite mobile pour une exploitation laitière landaise.

16% sont dédiés à la production végétale, 15% à des projets d’éco-serres et 1% à des projets de transformation/commercialisation à la ferme. Territorialement, les Pyrénées Atlantiques sont les plus concernées pour l’instant par la répartition des projets acceptés par les banques (27%), suivies par la Gironde (20%) et la Charente-Maritime (10%). Tous les autres sont en dessous des 10% : 9% pour les Deux-Sèvres, 5% pour la Creuse ou la Corrèze, 3% pour les Landes ou 2% seulement pour la Dordogne.

Pour Charlotte Nommé, directrice de la politique agricole et de la pêche au sein de la région, « une bonne couverture territoriale » est l’objectif final de ce fonds, auquel il reste encore un peu plus de deux ans pour se déployer. « Depuis le début de l’initiative, on s’était dit que nous n’accepterions pas une offre de banque si ce n’était pas sur l’entièreté du territoire régional. Avec les points relais, la profession peut se l’approprier ». Ces points relais, ce sont les chambres d’agriculture bien sûr, mais aussi Coop de France, l’ARDEAR (Association régionale pour le développement de l’emploi agricole et rural) ou encore Interbio. 

Portes ouvertes

Pour Jonas Hollaar, ce relais aura été Agri Abri (dont nous vous parlions ici). Ce jeune maraîcher de 28 ans a pu bénéficier d’une aide conséquente via le dispositif Alter’NA : 1,3 millions d’euros (+400 000 euros d’achat de matériel) pour la construction d’une éco-serre destinée à la production de Tomates du côté de Villeneuve-sur-Lot, dans le Lot-et-Garonne (qui concentre 6% du volume de projets accordés). Issue d’une famille de maraîchers (depuis 1918), Jonas a souhaité se moderniser au moment de la retraite de son père, âgé de 64 ans. Diplômé d’une école d’ingénieur toulousaine, il souhaitait transformer son exploitation.

« Il fallait 800 000 euros pour assurer la reprise, 1,8 millions d’euros pour financer un projet de baisse du bilan carbone et un troisième projet censé pérenniser l’exploitation et la rendre la plus écologique possible. En 2016, j’avais 26 ans, je voulais emprunter plusieurs millions d’euros. On m’a regardé avec des grands yeux et on m’a dit que ça ne serait pas possible. On a pris trois refus de banques », affirme Jonas. « En famille, on s’est dit que la priorité était de reprendre l’exploitation, on est allés revoir les banques qui ont accepté. En 2017, on y est retourné en leur disant que l’entreprise n’était plus rentable parce qu’on n’arrivait pas à se dégager suffisamment de marges par rapport à nos factures de chauffage. En discutant longuement, on a réussi à obtenir le prêt pour cette transformation énergétique. La dernière étape a été obtenue grâce à Alter’Na. Sans ça, on n’était pas solvables au niveau des banques ». 

Jonas a donc obtenu un prêt bancaire avec un taux avantageux : 0,90%, pour un prêt garanti à 80% de la somme par le fonds. Le résultat, Jonas l’a construit l’été dernier et une partie de l’hiver : 8000 mètres carrés d’éco-serre assurant une baisse conséquente des déperditions de chaleurs et des traitements contre les insectes réduits à zéro. « On est entré dans le programme « zéro résidus de pesticides. La serre dispose en fait d’un système de surpression avec des ventilations actives : on aspire de l’air de l’extérieur dans la serre. C’est comme si vous souffliez dans un ballon en continu. Les insectes sont repoussés ». À leur place, les insectes auxilières introduits dans la serre font le boulot tous seuls.

On ira sûrement faire un tour chez Jonas dans les mois qui viennent, histoire de voir les résultats concrets de ces nouveaux investissements. En attendant, il reste à Alter’NA un peu moins de 210 millions d’euros de prêts potentiels. Pour booster les candidatures, la région a ouvert la semaine dernière un site internet pour faciliter l’accès à ces financements. On peut y découvrir des conseils pratiques, des témoignages et surtout des outils de simulation permettant de préparer la demande de crédit, directement transmise aux banques partenaires, sous réserve d’acceptation. Alter’NA est accessible jusqu’au 31 décembre 2023. Un bilan plus précis des projets validés et des montants d’aides devrait être publié en septembre.

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