Nouvelle donne foncière : «le législateur ne va pas assez loin »


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 05/03/2014 PAR Solène MÉRIC

La loi ALUR, tout juste adoptée par le Parlement, et en cours d’examen par le Conseil constitutionnel, prévoit le transfert automatique de la compétence urbanisme des communes aux intercommunalités. Alors que le 3 mars lors de la CDFR landaise, Robert Cabé, Maire d’Aire-sur-l’Adour, soulignait selon lui la pertinence de ce transfert dans une optique de «projet de territoire», Bruno Lafon, Maire de Biganos en Gironde rejette quant à lui totalement cette disposition. «Si le législateur avait voulu éloigner les concitoyens de leur Maire et des problèmes d’urbanisme, il n’aurait pas pu s’y prendre autrement»; le message est clair. «Depuis 2 ou 3 ans nous sommes sur un ScoT au niveau du Pays; la discussion intercommunale, nous l’avons. Nous sommes obligés de nous entendre sur comment on va aménager le territoire. Et je suis d’accord, quand j’aménage l’urbanisme de ma commune, je ne peux pas ignorer ce que fait le voisin. Mais refaire une discussion pour le Plan Local d’Urbanisme (PLU)…. Il y a assez de doublons!»
Pour autant, si l’élu rejette toute idée de PLU Intercommunal, il reconnaît qu’ «il faudra bien, dans la gestion, mettre en place des équipes communes, voire lancer des études mutualisées à dimension intercommunale », ne serait-ce que pour limiter les coûts… Mais, il n’en démord pas, l’impulsion politique du projet c’est selon lui au Maire de l’avoir et non à la Communauté de communes. Dans certaines conditions, la loi autorise le report de ce transfert de compétence, une option que le Maire de Biganos compte bien faire jouer concernant la Communauté de Communes du Bassin d’Arcachon Nord Atlantique, que par ailleurs il préside.

« Une banalisation des zones naturelles »Autre point de la loi: le possible retour d’un certain nombre de zones à urbaniser (zones 2 AU pour les connaisseurs) en zones naturelles, donc non constructibles, au bout de 9 ans si au terme de ce délai, aucun projet n’a pris forme sur la zone en question. Là encore, Bruno Lafon, n’est pas très enthousiaste : « Les 2AU sont utiles car pour les communes, c’est de la mise en réserve d’espaces fonciers. Je comprends qu’il faut arrêter de gagner du terrain sur les zones naturelles et agricoles mais, en ce qui concerne Biganos, 40 ha en 15 ans ce n’est pas non plus énorme…. Ce délai de 9 ans, il faudra voir; ça reste en tous cas une contrainte supplémentaire à penser.» Une disposition qui provoque aussi un sentiment de réserve pour Francis Massé, mais pour d’autres raisons: «Je ne sais pas si l’agriculture s’y retrouve vraiment. J’ai peur qu’il y ait dans ce cadre une banalisation des zones naturelles, avec de plus en plus de carcans de protection de la ressource, qui ne vont pas au final dans le sens du développement d’une agriculture performante.»

Enfin, 3ème élément de cette loi débattu ce 4 mars; l’avis de la Commission Départementale de Consommation des Espaces Agricoles (CDCEA) requis de plus en plus souvent lors de procédures ou autorisations d’urbanisme. Sur ce sujet Thomas Solans et Francis Massé considèrent que la loi «aurait pu aller plus loin» en donnant plus de poids à un avis qui ne reste que consultatif. Les communes dans leur décision d’urbanisme peuvent donc décider de le suivre, «ce qu’elles font le plus souvent» note Thomas Solans, ou non. Dans la salle, on souligne aussi que cette faiblesse du poids de la parole de la profession agricole, justifie bien souvent la désertion progressive des CDCEA par les agriculteurs…

Limiter les agrandissements d’exploitationsDans un deuxième temps du débat, la CDFR s’est penchée plus précisément sur le plus grand rôle que la loi entend donner à la SAFER sur le marché foncier, grâce notamment à une obligation plus forte d’information sur les transactions. En effet, toutes les transactions y compris les transactions de parts sociales, jusque là hors compétence de la SAFER, vont désormais devoir lui être communiquées. Une manière de garantir une plus grande transparence du marché foncier agricole. Mais là encore, Francis Massé estime que le législateur ne va pas assez loin, laissant par exemple les transactions amiables en dehors du droit de préemption de la SAFER. «De cette manière on laisse partir du foncier agricole vers d’autres investisseurs qui en font d’autres usages. A l’inverse, tout achat qui se fait via la SAFER, s’accompagne d’un cahier des charges qui court sur 10 ans, imposant notamment de repasser par la Safer en cas de revente du foncier», souligne-t-il.
Autre élément d’importance: le contrôle des structures. Ici l’objectif est de favoriser l’installation de jeunes agriculteurs et en corollaire de limiter les agrandissements et les concentrations d’exploitations excessifs. «De telles exploitations, du fait de surfaces anormalement hautes, rendent l’installation d’un jeune difficile voire impossible», explique Thomas Solans. Des jeunes qui utilisent alors de plus en plus la solution du portage foncier, solution d’ailleurs largement encouragée et soutenue par la SAFER, rappelle son président.

La PAC, vecteur de pression foncièreEnfin, la conférence s’est ouverte, dans un troisième temps d’échange, sur la législation européenne et son impact sur l’espace agricole. L’Union européenne n’est pas compétente pour réglementer la destination des sols et donc la protection des zones agricoles. Cependant, la PAC et la conditionnalité des aides n’est pas totalement sans influence sur le marché foncier.
Si la PAC prévoit la possibilité pour les jeunes agriculteurs de bénéficier d’aides bonifiées, Thomas Solans souligne qu’elle peut également indirectement induire un risque de spéculation foncière lié au «verdissement» de ses aides. « Pour correspondre au nouveau critère de la PAC, les agriculteurs en monoculture peuvent être tentés de varier leur production. Une diversité des assolements encouragée par les aides PAC, qui entretient, selon le président des Jeunes Agriculteurs de Gironde, un risque d’inflation pour des surfaces qui a priori ne les intéressaient pas. C’est un risque de pression foncière supplémentaire dont les premières victimes sont une fois encore, les jeunes agriculteurs qui cherchent à s’installer.»

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