Parcours de vie d’Arnaud Loret : quand un ingénieur en agriculture devient agriculteur


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 16/05/2019 PAR Julien PRIVAT

Arnaud Loret, jeune papa de 29 ans, nous accueille sur l’exploitation familiale de Saint-Hubert à Pindray, commune de l’est de la Vienne. Autour de la maison familiale, des champs, des hangars agricoles. Les deux chiens, des Terre-Neuve, gardent la maison. « Ne vous inquiétez pas. Ils sont impressionnants, mais ils sont très gentils », rassurent l’agriculteur. 

Ce groupement agricole d’exploitation en commun est détenu à parts égales par son père, sa mère et lui-même depuis janvier 2019. Il est composé de 160 vaches laitières, des prim’holstein, qui produisent entre 1,2 et 1,4 million de litres de lait bio. « Mes parents ont décidé de se convertir au bio en 2016. C’est la conclusion d’une réflexion, car ils avaient quelques difficultés à réussir les cultures de printemps. Ils sont donc passés à un système plus herbagé. Nos prairies sont implantées sur plusieurs années, donc il y a moins de risque de rater la culture », explique avec intérêt Arnaud Loret. La ferme est  passée en autoconsommation et produit du lait bio. Il n’y a plus de culture de vente.

Arnaud Loret nous emmène dans le bureau avec vue direct sur les bâtiments agricoles. C’est là où se gère tout l’administratif ; une découverte pour le jeune agriculteur. « Il y a beaucoup d’administratif à faire. C’est effarant, voire catastrophique, avec ma mère nous venons de passer deux jours et demi à faire les déclarations PAC », soupire-t-il. Il rêve de pouvoir être simplement rémunéré à la valeur réelle de ses produits sans avoir à solliciter des compléments de prix de l’Union européenne qui font vivre, selon lui, plus de personnels administratifs que d’agriculteurs. 

Le jeune agriculteur vient seulement de s’installer. Il a rejoint le GAEC Saint-Hubert depuis le 15 janvier dernier. Mais il connaît le domaine agricole depuis toujours. « Mes parents sont agriculteurs. J’ai toujours connu ce milieu-là, en vivant et en grandissant sur la ferme. J’ai découvert ce métier au travers de mes parents », confie Arnaud Loret qui a toujours entretenu un lien fort avec l’exploitation familiale. 

Une première expérience

Pourtant Arnaud Loret s’est dirigé vers un tout autre métier –  en lien tout de même avec l’agriculture. « À l’école, ça se passait bien pour moi. J’ai poursuivi mes études après mon baccalauréat ». Il a fréquenté une école d’ingénieur en… agriculture. Ses parents étaient encore en conventionnel et le contexte agricole n’était pas forcément propice. « On ne savait pas où on allait. Le prix du lait ne cessait de baisser. Nous avions aussi des difficultés à réussir à mener de grandes cultures. J’en ai donc profité pour faire autre chose et aller voir ce qui m’intéressait ». C’est-à-dire le machinisme. De 2012 à la fin 2018, il a travaillé dans l’agriculture de précision. « Je travaillais pour un distributeur puis un constructeur sur toutes les activités liées au positionnement par satellites : le guidage, les coupures de sections, les modulations de doses, le suivi de flotte de machines », précise cet ancien technico-commercial et chef produit. Sa zone était vaste. Il couvrait à la fois la façade Atlantique et la Méditerranée. Arnaud Loret en garde « une belle expérience », mais dès que l’occasion s’est présentée, il a démissionné le 30 novembre dernier afin de retourner sur ses terres. 

L’opporunité de l’installation

Son installation, c’est une opportunité qu’il a saisie sans tergiverser. « J’avais toujours dans un coin de ma tête cette option-là, de rejoindre l’exploitation familiale. Ce n’était pas une volonté. Je ne voulais pas à tout prix, revenir mais je ne souhaitais pas la mettre de côté non plus. » Le GAEC de ses parents est réparti sur deux sites, un à Pindray (champs et bâtiments agricoles, dont la salle de traite) et l’autre à Montmorillon où il y a des champs et des bâtiments de stockage de paille et de matériel. Ce dernier est en fait une ancienne exploitation coupée en deux. Leurs voisins prenaient leur retraite donc « nous avons eu l’opportunité de reformer le site complet ». Une occasion qui tombait à point nommé. « Mes parents sont à cinq ans de la retraite. Cela nous permet de faire une transition, indique Arnaud Loret. Je vais pouvoir me mettre réellement au quotidien dans l’exploitation, parce que même si je la connais, je ne connais pas forcément tout. J’ai encore des choses à apprendre. Puis ça va également permettre à mes parents de commencer à souffler un peu. Ils ont beaucoup travaillé. Il leur faut un peu de repos maintenant », sourit-il. Son installation a permis de ramener une quarantaine d’hectares en plus sur les 230 hectares en surface agricole utile (c’est-à-dire sans les bois, les chemins et les bâtiments) que composaient jusqu’alors le GAEC. Un gros investissement. « J’ai la chance d’avoir mes parents qui ont travaillé avant moi. Cela m’a permis d’avoir une situation où la banque connaissait la santé de la société et a accepté de me suivre aussi », concède l’agriculteur. 

Le voilà lancé, comme il le nomme lui-même dans un véritable « parcours d’installation ». Il sait où il va avec une certaine  sérénité. Sa route se trace petit à petit. « Dans un premier temps, j’aimerais travailler sur la grande culture, car on a une marge de progression. Actuellement on est à 100% en autoconsommation, l’objectif est de retrouver des cultures de vente. Ensuite je voudrais mettre en place une organisation où tout le monde y trouve son compte. J’ai la chance de succéder à mes parents qui ont beaucoup travaillé, par contre je n’ai pas envie de travailler comme eux l’on fait. Je veux pouvoir avoir une vie de famille », précise le jeune homme. Hormis les grandes cultures, l’organisation du travail, il pense aussi à la méthanisation, à valoriser des bois sur les terrains. « Je veux avoir du temps pour étudier ces projets, les organiser pour que les dossiers soient viables », explique Arnaud Loret.

« J’ai pu rejoindre le GAEC et m’installer comme si je reprenais une entreprise quelconque. J’ai envie de réussir avec l’organisation que je veux mettre en place. Si ce n’est pas possible et que ça ne marche pas, je repartirai faire autre chose. Je ne veux pas subir mon activité. J’aimerais réussir à faire ce que je veux », résume-t-il. Arnaud Loret sait ce qu’il veut et il est loin d’être fataliste. Il relativise. « Dans le domaine agricole, c’est souvent mal vu de vivre un échec, mais ce n’est pas grave on peut rebondir ». Mais en tout cas, il met de l’envie. A peine l’entretien terminé, il doit repartir à la tâche. Il se dépense. « J’ai même perdu du poids », rigole-t-il. Avec son père, ils sont en train de semer le maïs, d’ensiler, de stocker du fourrage pour les vaches et il reste encore un peu d’herbe à faucher. Arnaud a un quotidien bien rempli. 

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