Souveraineté alimentaire : de l’individu au monde


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 08/02/2021 PAR Solène MÉRIC

S’il est une question qui ne peut se permettre d’être utopique, et le plus en lien possible avec la réalité, c’est bien celle de la souveraineté alimentaire, préalable indispensable à celle de la sécurité alimentaire. Sur ce point les quatre invités s’accordent. Et la crise du Covid-19, confinement compris, l’a bien démontrée. Une crise dans laquelle l’agriculture française et aux premiers postes ses agriculteurs, ont su prouver toute la solidité.

« La souveraineté, c’est savoir ce que nous mangeons »
« Malgré la situation exceptionnelle que l’on a connue, nous n’avons jamais été autant en situation de sécurité alimentaire qu’en 2021 en France, que ce soit dans le temps ou dans l’espace. Il n’y a pas eu de pénurie parce qu’en temps ordinaires, le modèle agricole français fonctionne. En termes de quantité, de qualité, de diversité des productions… », analyse Sébastien Abis, directeur du Club DEMETER.

Des agriculteurs français qui ont gagné au passage un nouveau ré-enchantement dans leur relation avec les consommateurs français redécouvrant, pour une part d’entre eux, les joies et bénéfices d’une agriculture du circuit court et local, et donc aussi d’une agriculture plus transparente. C’est d’ailleurs là l’idée première défendue par Erik Orsenna : « la première souveraineté en matière d’alimentation, c’est de savoir ce que nous mangeons. Nous sommes ce que nous mangeons. Il faut être dans la transparence, la connaissance et pour cela il faut créer du récit autour des produits, des gens qui les produisent, des terroirs… »


« Une souveraineté alimentaire solidaire et durable »
Pour autant cette souveraineté ne peut se concevoir uniquement qu’à l’échelle des territoires, alertent les participants. Philippe Mauguin de l’INRAE a en effet particulièrement interrogé la question de la « bonne échelle » de la souveraineté alimentaire. « Sur la souveraineté alimentaire, il faut une exigence pour le peuple d’Europe, mais on ne peut pas le faire de façon ni égoïste, ni court-termiste en oubliant les exigences en matière de responsabilité environnementale » avertit-il. Et pour cause, la sécurité alimentaire mondiale n’est pas acquise ; « un tiers des personnes dans le monde souffrent de malnutrition, en 2050 ce chiffre pourrait passer à une personnes sur deux ».

La question de la sécurité alimentaire, tout en prenant compte des changements climatiques et des ressources de la planète, ne ne peut se faire « qu’en pensant une souveraineté alimentaire solidaire et durable, qui pourra aussi être utile en France. La justice sociale doit être intégrée à la question de la souveraineté alimentaire », appuie-t-il. Et en effet, « si la France n’a pas connu de pénurie alimentaire, à l’heure de la crise en cours, l’actualité nous rappellent que 8 millions de Français ne mangent pas à leur faim », souligne Alain Rousset. Un constat qui en côtoie un autre : « à l’autre bout de la chaîne de production ce sont des agriculteurs qui ne vendent pas correctement leur production ».

Prix, foncier, eau… dans les tiroirs de la souveraineté alimentaire
Et de poser notamment ici la question du prix de la production agricole. « Il y a un vrai sujet sur les prix », note Sébastien Abis. « Quand on a une exigence de montée en gamme de la qualité des produits, il faut pouvoir payer cette qualité ». Au-delà de cette qualité, c’est la dignité de l’agriculteur et de son travail dont il est aussi question. « Pendant le confinement, qui a applaudi ceux qui nous nourrissent ? (…) Pourtant, ils ont une injonction à produire plus pour moins cher, avec une qualité toujours plus grande… Avec ça, non seulement on les fragilise économiquement mais on les détruit psychologiquement ! C’est une évidence, mais le prix, c’est la valeur ! Or, dans cette société, plus vous êtes utiles, moins vous gagnez de l’argent ! », s’emporte Erik Orsenna.

Et c’est ici aussi un autre tiroir de la question agricole qui s’ouvre : pour être en situation de souveraineté alimentaire, faut-il encore des agriculteurs et des jeunes prêts à s’investir dans ce métier, en démographique. Même si de nouvelles vocations apparaissent, la question de l’attractivité du métier, reste quand même centrale soulèvent les participants. Tout comme celles de l’accès aux terres, ou du lien entre agriculture et recherche tant sur le machinisme agricole, que sur la possibilité de proposer des trajectoires de transitions environnementales qui tiennent compte des impératifs climatiques à 2050. Et donc encore un nouveau tiroir d’une question décidément vaste : agriculture et gestion de l’eau, en quantité et en qualité…

Commande publique, soutien à la recherche, formation
Alors si « la souveraineté alimentaire ne veut dire pas autarcie », comme le synthétise Alain Rousset, et se pense de l’individu à la planète, les choses se jouent aussi à l’échelle régionale pour contribuer à un développement agricole à la mesures des enjeux qui parfois pourtant la dépasse. Pour mettre un peu de concret dans ces échanges, il évoque plusieurs « initiatives » mise en œuvre en Nouvelle-Aquitaine : la signature d’une convention Néo Terra avec la coopération agricole pour une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux dans les pratiques des agriculteurs, le rôle de la commande publique via un nouveau logiciel qui, en discriminant les produits sur des critères de santé, permet de réorienter cette commande publique (59 millions de repas à l’heure actuelle) vers des produits locaux, le soutien au développement du circuit court, une ambition au développement des marchés de plein air, le soutien aux efforts de la recherche pour trouver des alternatives aux produits chimiques, des actions et budgets mis sur la formation continue, ou encore sur la question du foncier, la volonté régionale d’arrêter l’artificialisation du foncier « en divisant par deux l’étalement urbain des 10 dernières années ».

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