Thomas Singer, une histoire de famille et de bovins lait


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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 11/04/2018 PAR Solène MÉRIC

Une installation agricole en bovin lait, c’est loin d’être banal. La conjoncture économique du secteur repousse, en effet, bon nombre d’éventuels candidats, et le constat en Nouvelle-Aquitaine va plutôt à l’érosion du nombre d’éleveurs. Un aspect économique dont Thomas, officiellement installé au sein du GAEC Des Bois Clairs depuis le 3 avril dernier, est bien sûr conscient. « Il faut être plus que passionné pour survivre à cette crise. Beaucoup m’ont dit que j’étais fou de m’installer en bovins lait. Mais, explique-t-il, j’ai grandi à la ferme. Depuis tout petit je vis au milieu des vaches ; j’ai vu la passion de mes parents. » Et il n’est pas le seul : « Dans la famille, nous avons tous la folie du milieu agricole. Mon frère s’est installé sur l’exploitation en 2010, et j’ai une sœur qui est devenue inséminatrice. Seule une de mes sœurs a échappé à « ce virus » de l’agriculture ! »

Une installation « pour sécuriser l’alimentation du troupeau »

Un engouement familial qui explique les développements importants de l’exploitation désormais répartie sur 4 sites, entre agrandissement et installations des deux fils de la famille. Le premier site, le site « historique » de la ferme du Bois Clair est celui des Eglisottes. « Il rassemble les bâtiments d’élevage destinés à la production laitière et abrite l’ensemble du troupeau des mères, les veaux et petites génisses ainsi que les vaches taries. », présente Thomas. Des investissements y ont été réalisés il y a quelques années, pour permettre un agrandissement de 1300m² de ces bâtiments. Objectif : regrouper le troupeau et les ateliers de production laitière sur un seul site. « C’est pour nous un plus grand confort de travail, et la possibilité d’une meilleure surveillance des animaux. ». Un deuxième site, acheté en 2006 permet sur 80 ha en Dordogne à Vaudu (commune de La Roche Chalais), de regrouper toutes les génisses de reproduction. Côté foncier, ce site périgourdin est utilisé « pour la production de maïs irrigué en ensilage pour l’alimentation des vaches, puis on sème du raygras, qui est récolté en enrubannage à destination des génisses ». A cela s’ajoute du blé et des près. Un troisième site, à Abzac, acquis par son frère en 2010, lors de son installation au sein du Gaec familial permet, cette fois, la production de céréales (maïs grain, céréale à paille et tournesol) destinée à la vente.
Enfin le quatrième site, celui sur lequel Thomas s’est installé, permet d’apporter 55 ha supplémentaires à l’exploitation, composés en grande partie de terres irrigables, et de prairies pour faire du foin. « L’objectif de mon installation avec cette ferme, c’est qu’elle permet surtout de sécuriser l’alimentation du troupeau qui est notre activité principale ». Elle est aussi, en quelque sorte, la dernière pierre à l’équilibre général du GAEC, tout en permettant de dégager un revenu supplémentaire pour Thomas, jeune père de famille. Sur place à Saint-Christophe de Double, on trouve également des bâtiments d’élevage et de stockage pour le matériel et le foin ainsi que quelques animaux. Quant au 1,5 million de lait produit par la ferme, il est commercialisé auprès de la grosse coopérative de Surgères en Charente : Terra Lacta. « Avec en moyenne, 10 000 kg de lait produit par vache, nous avons la meilleure moyenne du département au niveau du contrôle laitier », précise son frère David.

« Vivre ma passion au quotidien »
Cette installation pour le jeune homme c’est « la réalisation d’un rêve, la possibilité de vivre ma passion au quotidien ». Très clairement, il ne se voyait pas faire autre chose. Pas autre chose et pas ailleurs que sur l’exploitation familiale, au côté de ses parents et de son frère. Pour preuve, sa formation « stratégique » : un BEP production animale à la MFR de Vanxain, complété d’un Bac agroéquipement à la MFR de Thiviers. « Mon frère s’était déjà beaucoup spécialisé dans l’élevage et la génétique pour faire de bonnes vaches laitières. Si je me suis orienté vers l’agroéquipement, c’était pour compléter les compétences sur la ferme et avoir un maximum de connaissances sur la maintenance du matériel, d’autant plus utiles qu’on a a agrandi l’activité céréalière. » En d’autres termes, même si lui-même « adore aussi les animaux, et compte bien à long terme que son frère le forme sur la conduite du troupeau et sur le suivi génétique », qui passionne l’ensemble de la famille, il s’agit, à eux deux d’être « le plus polyvalent possible ». Une équipe soudée et travaillant ensemble tant auprès des animaux qu’aux champs. Un projet, désormais devenu réalité, que le jeune homme avait donc déjà en tête avant même le début de sa formation.
Pour autant une fois son bac pro en poche, son premier réflexe n’a pas été de venir s’installer au côté de sa famille. « A l’époque, la ferme ne permettait pas vraiment mon installation, ça aurait été compliqué. Et puis je voulais vraiment travailler à l’extérieur pour gagner en expérience, connaître différentes méthodes de travail, voir d’autres exploitations.Je ne voulais pas me contenter de ce que j’avais appris à l’école. Et être ouvrier, ça m’a aussi permis de me forger le caractère… », glisse-t-il. Après un an en Vallée d’Ossau, sur une petite entreprise de travaux agricoles familiale, il restera 6 ans à Denguin au sein d’une entreprise de travaux agricoles et travaux publics. L’occasion pour lui d’obtenir son permis poids lourd et de pratiquer à la fois les tracteurs et bennes sur de gros chantiers de travaux publics, mais aussi du labour et des semis. Bref, de bel et bien « gagner en expérience ». Mais la rencontre de sa compagne aidant, l’envie de fonder une famille et des conditions de travail pas toujours optimales, décident le jeune homme à « reprendre sa liberté, réaliser son rêve, tout en devenant son propre patron ». Autre élément décisif dans le choix du jeune homme: « ma compagne m’a toujours soutenu dans ce projet, et ce malgrè la mauvaise conjoncture de l’élevage laitier ».

Les belles Prim'holstein de l'élevage des Bois Clairs (GAEC) en Gironde


Portage foncier et passage de relais
Une envie d’autant plus à portée de main qu’il y a un an, en avril 2017, il apprend qu’une ferme voisine des Bois Clairs se libèrent. Candidat retenu par les commissions d’attribution de la Safer face à deux autres concurrents, le réseau des partenaires de l’installation s’est alors enclenché : entrée dans la boucle de la Chambre d’agriculture, parcours JA et stage d’installation de 21h « passionnant », étude prévisionnelle du projet avec le Crédit Agricole aussi, et l’heureuse proposition de la Safer, en partenariat avec le Département de la Gironde. « J’ai acheté en direct les bâtiments d’élevage et de stockage et une partie des terres de la propriété. Sur le reste du foncier, la Safer m’a proposé un portage, que j’ai bien sûr accepté ». En d’autres termes, la Safer a acheté une partie du foncier, qu’elle met désormais à disposition du jeune agriculteur durant 5 ans, contre loyer. A l’issue de cette période, il rachètera le foncier à la Safer, en déduction des acomptes déjà versés. « Ca permet de décaler une partie de l’investissement, tout en diminuant la charge d’emprunt dans une conjoncture économique qui est aujourd’hui difficile pour le lait ». Globalement sur ce parcours, il retient la disponibilité des interlocuteurs et leur réactivité, « surtout du coté de la banque ! », insiste-t-il.

Alors bien sûr, maintenant que le pas est franchi : « on ne compte pas ses heures, c’est beaucoup plus de pression qu’être salarié, mais on le fait pour soi-même, c’est une forme de liberté. Et puis il y a une fierté aussi de travailler dans le cadre familial, on s’entraide. Avec mes parents et mon frère on s’entend très bien, c’est une vraie force pour l’exploitation. Je voulais aussi m’installer avant que nos parents ne prennent leur retraite pour qu’ils puissent finir de me former et qu’ils nous transmettent, à mon frère et moi, une continuité des pratiques de l’exploitation qu’ils ont créée. » Pour Thomas et David Singer, qui ont racheté des parts sociales de leurs parents, le passage de relais entre générations est donc en cours, mais en douceur. « Nous ne voulions pas qu’ils nous laissent tout cela du jour au lendemain, ils nous laisseront de plus en plus d’initiatives sur la conduite de l’exploitation et du troupeau. »

La fierté du travail en famille
Quant à sa vision sur les 5 à 10 ans à venir, il répète d’abord bien sûr, son souhait de voir les cours du lait se rétablir. « On croit encore au lait. Même si ici, on ne cherche pas uniquement à produire du lait pour le vendre et gagner de l’argent. On est passionné par la génétique aussi, par le bien-être animal. On appelle toutes nos vaches par leurs prénoms, on en prend soin… » L’important pour la famille Singer, « c’est  aussi d’avoir de belles vaches, de faire des concours. L’an dernier notre vache Lila-Rose a été sacrée Championne d’Aquitaine Meilleure espoir sur le Salon de l’agriculture de Bordeaux. Ca aussi c’est une fierté pour l’exploitation ! ». Une fierté, tout comme le travail en famille. « Peut-être que nous aussi on aura la chance de travailler au côté de nos enfants plus tard. On ne va pas les forcer bien sûr mais pour l’instant, même s’ils sont petits, ils ont l’air motivé par ça eux aussi, ils sont toujours avec nous sur la ferme… ». Plus qu’un héritage, l’élevage chez les Singer, c’est bel et bien… génétique!

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