Transition agricole : Alter’NA entre en phase opérationnelle


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 04/10/2019 PAR Romain Béteille

Sans doute accéléré par le vote de la feuille de route Néo Terra, le dispositif Alter’NA est rentré officiellement en phase opérationelle lors d’une signature effectuée entre les différents partenaires au sein d’une propriété viticole (Château Dillon) à Blanquefort. À l’heure où les Etats-Unis annoncent de lourdes taxes à l’égard des produits français, l’heure était plutôt à la sobriété. Et ce n’est pas le Congrès des Régions, au bilan plutôt décevant, qui fera changer son fusil d’épaule à Alain Rousset, président de la Nouvelle-Aquitaine. « C’est une opérationalité réelle. La sécurisation de ces prêts sera conditionnée par une évolution agro-environnementale. C’est un système hyper-décentralisé », a-t-il lancé au moment où l’État envisage de reprendre une partie du FEADER.

Portefeuille plein

En un an cependant, ce « fonds de fonds » a un peu changé de visage. Il a d’abord gonflé la voilure : au lieu des 30 millions annoncés, c’est 36 millions d’euros qui sont abondés : quinze par la Région, quinze autres par le FEADER et enfin six millions d’euros supplémentaires par le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) ou Fonds Juncker, prolongé jusqu’en 2020. Cet abondement fait aussi gonfler le montant total des prêts espérés en trois ans, qui passe de 150 à 230 millions d’euros. Le but d’Alter’NA est clairement défini : favoriser l’accès au financement pour des projets « risqués » aux exploitants agricoles ou viticoles, groupements d’agriculteurs et entreprises agroalimentaires « en mode de production biologique ». Ces financements sont destinés à des projets de « transition » dans l’élevage ou la production végétale, à un développement de la production sous serres ou à un soutien au circuit court et à la vente directe.
Pour Pierre-Luigi Gilbert, directeur général du Fonds européen d’investissement, c’est le mariage des trois fonds (première en Europe) qui a permis à la Nouvelle-Aquitaine de se distinguer dans le processus. « La finance a quelque chose à apporter à l’agriculture, c’est pour ça qu’on a souhaité libéraliser les fonds structurels pour les rendre jouables sur les instruments financiers. Ça a nécessité une harmonisation des règles des trois fonds (fonds budgétaires, fonds structurels et fonds du Plan Juncker). L’instrument a été vanté à Bruxelles et répond à un vrai besoin. Auparavant, les fonds structurels dédiés à l’agriculture en Europe étaient utilisés seulement pour des substituts, par pour des garanties. Là, ça veut dire qu’une fois que les fonds sont repayés, ils reviendront et on pourra les réutiliser, ce qui explique l’effet levier », précise le responsable européen.

Termes et conditions

Comme toute harmonisation nécessite forcément quelques sacrifices, il a fallu caler plusieurs règles sur les dépenses éligibles ou non à ces prêts. Sont donc élibigles les prêts pour abonder des « actifs corporels localisés en Nouvelle-Aquitaine ou incorporels » (TVA comprise), pour des fonds de roulement dans la limite de 200 000 euros ou 30% des dépenses (« avec un apport de trésorerie qui peut venir en complément » souligne Thierry Hiere de la Banque Populaire), pour des frais de transferts de droits de propriétés entre investisseurs et agriculteurs indépendants ou pour de l’acquisition de foncier (bâti ou non-bâti) dans la limite de « 10% de l’assiette éligible », le tout pour un plafond d’aide maxium de 1,5 millions d’euros. Ces prêts sont octroyés par l’une des trois banques partenaires (Avec un Crédit Agricole majoritaire et deux autres banques, Crédit-Mutuel/CIC et Banque Populaire) et la garantie engage de 12 à 120 mois maximum.
Du côté des dépenses non-éligibles, on peut noter que l’irrigation, qui n’est pas sans poser de sérieux problèmes de sécheresse en région actuellement, ne fait pas partie de l’enveloppe, de même que les financements pour de l’hébergement touristique, des centres équestres, de la mise aux normes, de la production d’énergie, des projets d’aquaculture ou de pêche (adieu les ostréïculteurs) et/ou l’achat de matériel d’occasion. « On continuera à pousser pour rendre ça plus souple dans les prochains fonds. On ne peut pas garantir que l’irrigation sera prise en compte, mais on l’espère en tout cas », laisse échapper Pierre-Luigi Gilbert.

Banques et projets

Dans tous les cas, Alter’NA envisage de toucher environ 3000 agriculteurs ou entreprises en trois ans. Les banques, elles, ont chacune leurs conditions propres. Pour le Crédit Mutuel /CIC, par exemple, on se démarque en octroyant les fonds sans demander « aucune autre garantie : ni caution, ni hypothèque, ni frais de dossiers », souligne son responsable Richard Baber. Toutefois, toutes ont accepté une contrepartie sur les taux de prêts standards. « Chaque banque pourra intégrer des critères supplémentaires. Pour nous, le taux correspondra à une éco-socio conditionnalité : plus le projet sera vertueux, très engagé au niveau environnemental et en circuit court, plus le taux sera bas. On devrait commencer dans quelques semaines », ajoute Thierry Hiere de la Banque Populaire. Pour l’un des responsables nationaux du Crédit Agricole, ce fonds permet surtout « d’apporter à toutes les filières une forme de valeur ajoutée. La garantie est accessoire, l’élément principal c’est le financement en fonction du projet de l’agriculteur. Si on peut amener une garantie gratuite derrière, c’est un plus. L’enjeu est de savoir sur quelle dimension on veut investir, un agriculteur c’est d’abord un entrepreneur, on lui demande donc pour quel marché il veut produire et avec qui il compte contractualiser. Il est demandé par la FEI que tous les acteurs fassent un effort sur leur taux. L’effort est normalement de 0,25. Mais aujourd’hui, les taux sont tellement bas en France par rapport aux autres pays européens et mondiaux que la question est moins importante que le choix de l’accompagnement de l’agriculteur dans sa stratégie. Les charges financières comptent moins que les débouchés potentiels ».

À en croire Ludovic Charbonnier, en charge du « Marché de l’Agriculture, la Forêt et la Mer », les premiers dossiers sont déjà arrivés sur la table du Crédit Agricole. « On a accordé un premier prêt pour une exploitation trufficole en Gironde dont l’objectif est de planter 28 hectares de chênes et de développer un système d’irrigation. Le montant total de son investissement est de 620 000 euros, nous l’aidons pour la partie plantation uniquement. Les fruits et légumes sous serre font aussi partie de nos filières cibles, on devrait recevoir assez rapidement de nouveaux dossiers ». Le passage en bio ou la certification HVE en viticulture seront évidemment privilégiés. Les éventuels bénéficiaires, eux, pourront bien sûr se tourner vers différentes structures (Chambres d’Agriculture, Coop de France, CER, FRAB, ARDEAR, Interbio, Agri-abri) pour servir de points relais.

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