Un marché du carbone en agriculture est en train de naître


Le Salon de l'agriculture Nouvelle-Aquitaine a consacré un débat mercredi à la stratégie du bas carbone et l'implication de l'agriculture au côté des collectivités.

L'élevage laitier souvent montré du doigt a fait beaucoup d'effort pour réduire l'impact carboneClaude-Hélène Yvard | Aqui
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 20/05/2021 PAR Claude-Hélène Yvard

Le but d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 pour lutter contre le réchauffement climatique est-t-il atteignable ? Quels sont les leviers d’actions dans la stratégie bas carbone où l’agriculture semble jouer un rôle primordial. Il existe plusieurs voies pour atténuer les effets de l’agriculture sur le réchauffement climatique à ce à l’échelle d’une exploitation ou d’un territoire. Les différents résultats obtenus peuvent-ils donner aux agriculteurs des rémunérations ? Autant de questions auxquelles ont tenté de répondre les intervenants de ce 3e débat organisé dans le cadre des Etats généraux de l’innovation.

Depuis le début de la révolution industrielle, on a observé une augmentation de 40 % des émissions de dioxyde de carbone et on estime que 20 % des gaz à effet de serre proviennent du secteur agricole. Comme l’a souligné, Abab Chabbi, directeur de recherches à l’Inrae Nouvelle-Aquitaine, lors du débat de Salon régional de l’Agriculture. C’est un enjeu majeur, ayant émergé il y a moins d’une dizaine d’années. Selon lui, la stratégie globale de la réduction de CO2 dans l’atmosphère terrestre ,passe par la séquestration du carbone dans les sols agricoles.
Dans cette optique, le potentiel de l’agriculture est immense. « Le potentiel de stockage additionnel de carbone dans les sols agricoles et forestiers français entre 0 et 30 cm est estimé à 5,78 millions de tonnes par an », indique Abad Chabbi. Pour le chercheur, l’agriculture et les sols peuvent jouer un rôle crucial aussi dans la sécurité alimentaire, car sans effort de conservation de carbone organique du sol, nous pourrions perdre la capacité de nourrir les populations. Il précise que la séquestration du carbone n’est pas à considérer seule, mais en relation avec d’autres fonctions des sols, en particulier les écarts de rendement. Il faut aller selon lui vers une agriculture de conservation, mais l’adoption des mesures de séquestration prendra du temps. 

Le secteur forestier, un rôle majeur

Le deuxième intervenant, Simon Martel du CNPF, a insisté sur le fait que la forêt joue un rôle primordial dans la lutte contre le changement climatique. La filière a en effet plusieurs effets sur le cycle du carbone : 15 à 20 % des émissions nationales de carbone sont séquestrées par les forêts chaque année. La production forestière a toujours été pionnière dans la réduction du réchauffement climatique. L’effet de séquestration des forêts de Nouvelle-Aquitaine équivaut à 8,9 MT de CO2 par an, une bonne partie dans la biomasse. Il n’existe pas de marché de carbone forestier. 
Les forêts gérées durablement présentent une meilleure capacité d’adaptation au changement climatique tout en générant des produits bois qui se substituent à d’autres matières ou énergies issues des filières fossiles. Grâce aux expérimentations menées par le CNPF, des entreprises climatiquement responsables, soutiennent d’ores et déjà des projets d’atténuation du changement climatique en forêt. Il s’agit d’actions concrètes de terrain, compatibles avec le futur référentiel Bas Carbone, en passe de devenir le cadre national de compensation carbone. Il s’agit « d’un label de projets et d’une dynamique de projets », précise Simon Martel en rappelant que « l’objectif est d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. »

Dans le secteur élevage

L’élevage est souvent montré du doigt pour sa production de gaz à effet de serre. S’il ne faut pas nier les rejets de méthane et de dioxyde de carbone, il ne faut pas non plus amoindrir les contributions positives de l’élevage : production alimentaire, stockage de carbone dans les prairies, maintien de la biodiversité. C’est le secteur de l’élevage notamment le secteur laitier qui a ouvert la voie. « Les filières ruminants se sont engagés dès 2013 dans la réduction de l’empreinte carbone. Cela consiste à mener des projets de réduction de l’impact climatique des élevages afin d’attirer des financements privés ou publics », précise Catherine Brocas de l’Institut de l’élevage.
« La filière laitière affiche l’ambition de réduire de 20 % ses émissions de carbone d’ici 2025 et d’afficher 100 % des fermes engagées dans une démarche bas carbone d’ici 10 ans. Pour y arriver, la première étape est de chiffrer les émissions de son élevage grâce au diagnostic Cap’2ER, mais c’est l’exploitant qui construit son propre plan d’action », explique-t-elle. Grâce au diagnostic Cap’2ER, chaque éleveur peut calculer le bilan carbone de son atelier lait. Au-delà du chiffre brut, cette analyse est surtout l’occasion d’identifier des leviers d’action pour gagner en efficience, tout en réduisant ses charges, car efficacité technique et environnementale sont liées.  » En Nouvelle Aquitaine, 310 éleveurs laitiers sont engagés dans cette démarche et en élevage bovins viande, ils sont 700, car dans la région, il y a un programme spécifique », précise Catherine Brocas. Concrètement, les éleveurs peuvent désormais faire certifier des projets de réduction de « l’impact carbone » de leur exploitation, mais cela implique un fort accompagnement dans ces changements de pratiques. Catherine Brocas insiste sur la nécessité des formations.

Financer
Très rapidement, ces démarches de réduction de gaz à effet de serre ont aussi mis en lumière celles de trouver des financements. C’est le choix du label bas carbone qui a été retenu pour accompagner financièrement la transition écologique à l’échelon territorial. Parmi les exemples cités lors du débat, celui des actions mises en place au sein de la coopérative de la Sèvre. Grâce à cette certification, ils peuvent émettre des « crédits carbone », qu’ils vendront à des entreprises ou collectivités souhaitant compenser leurs propres émissions.
La dernière partie du débat a été consacrée à la présentation de la méthode ABC terre. Elle consiste à quantifier à l’échelle territoriale, les impacts des pratiques agricoles sur les variations à long terme des stocks de carbone organique de la couche superficielle des sols, et,à inclure ces variations ans le bilan de gaz à effet de serre des systèmes de culture du territoire. 20 % des gaz à effet de serre viennent du secteur agricole. L’intervention d’une collectivité  a permis de démontrer que l’objectif de neutralité carbone ne peut être atteint que si les territoires travaillent main dans la main avec les agriculteurs. 

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