Vendanges : rencontre avec Pierre Courdurié, vigneron à Saint-Christophe-des-Bardes


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 24/09/2020 PAR Yoan DENECHAU

« Quelle couleur, quelle odeur, quel plaisir ! ». En plein remontage – procédé d’aération du vin en faisant passer le moût du fond de la cuve vers le sommet – Pierre Courdurié ne boude pas son bonheur de voir et sentir ses merlots ainsi. « Nous les avons ramassés un peu tôt pour pouvoir garder la fraîcheur du fruit dans la cuve et le résultat semble meilleur que 2019, mais on verra les volumes », poursuit-il. Afin de garantir le respect des distances de sécurité dans le chai, le vigneron a loué une table de tri supplémentaire. Le Château Croix de Labrie est une petite exploitation de cinq hectares, Axelle et Pierre Courdurié l’ont rachetée en 2013. Leur domaine viticole est s’étend autour de la propriété, mais compte aussi une parcelle à Saint-Sulpice de Faleyrens et à Saint-Émilion, proche du Château Pavie.

Le couple n’est pas vigneron de formation. Axelle, landaise d’origine, a commencé dans la construction de centrales de béton pour un grand groupe français avec son père, « quand vous êtes une femme dans ce métier, il faut maîtriser et être chiant, pour se faire respecter. Elle maîtrisait », sourit Pierre Courdurié. Lui, il est originaire du Cantal, où son père élevait des vaches Salers. Si cette vendange a l’air de satisfaire Pierre, c’est avant tout dû « à 70 % au travail rigoureux dans la vigne tout le long de l’année ». De la rigueur, il en faut quand vous ciblez une clientèle haut de gamme, comme le couple Courdurié.

 La biodiversité comme outil de travail, le goût comme déclencheur

Dès le rachat, les Courdurié ont lancé la conversion de la propriété, pour un premier millésime bio en 2018. « Axelle a une sclérose en plaques, raconte le vigneron. A partir de là, nous avons décidé de bannir la chimie, tant par respect de la vie et de l’environnement que pour sa santé ». Le Château Croix de Labrie travaille ses sols au cheval, pour les parcelles autour de la propriété. « Physiquement, les machines ne peuvent pas passer on est à 90cm d’intervalle entre chaque pied avec 10 000 pieds par hectare, poursuit Pierre Courdurié. En plus, le cheval crée du lien social, les anciens, autour de nous, sortent, discutent, viennent voir ».



Au-delà de la traction équine, le couple Courdurié mise sur la biodiversité pour amender sa vigne. « Nous utilisons plusieurs végétaux, précise le vigneron. Le radis chinois par exemple, avec ses grosses racines, nous ramène de la biodiversité, des vers, des insectes, tout ça participe à la nutrition du sol ». Autre technique que le couple utilise pour sentir s’il faut vendanger : croquer le raisin. « En général, il faut vendanger à peu près 120 jours après la floraison, éclaire Pierre Courdurié. Nous avions une fenêtre entre le 10 et le 15 septembre, mais on vérifie en passant dans les rangs et croquant le fruit pour voir s’il est prêt à être ramassé; on ira dans les cabernets demain ». Pour la campagne 2021, le couple veut essayer d’utiliser des chauves-souris pour protéger la vigne des insectes. « La principale difficulté sera de les sédentariser », poursuit Pierre Courdurié.

Le digital comme argument de vente

Pierre Courdurié

Le Château Croix de Labrie utilise la réalité augmentée pour faire connaître son vin. Par le biais d’une application, les consommateurs ont accès aux informations sur le vin et voient également dans quel point de vente l’acheter, quel que soit le pays où ils se trouvent. « La réalité augmentée nous permet de toucher une clientèle différente, peut-être plus jeune », note Pierre Courdurié. Pour lui, les outils numériques, comme les réseaux sociaux sont indispensables. « Faire du vin, c’est un métier, reprend-il. Le commercialiser et communiquer sont deux autres métiers. Nous sommes présents dans 44 pays sur tous les continents. Il nous faudrait deux ans pour voir tous nos clients. Avec le numérique, tout est plus facile : vous ne pouvez pas venir ? On vous livre chez vous ».

Au delà de la facilité d’action que propose le numérique, la dimension sociale est très importante pour le vigneron. « Les métiers de bouche, la cuisine, le vin, ils doivent être mis en valeur; ce sont des vecteurs de partage, reprend Pierre Courdurié. On se retrouve pour partager un repas et/ou une bouteille, qui plus est aujourd’hui en sortant du confinement. Jamais le social n’a été aussi important qu’en ce moment, et le vin participe à cela ».

État du marché viti-vinicole : « la qualité plutôt que la quantité »

En évoquant la crise sanitaire et économique ainsi que les difficultés que traversent les vins français depuis plusieurs années, Pierre Courdurié fredonne avec le sourire la chanson d’Alain Bashung « Ma petite entreprise ». Si le Château Croix de Labrie « vend toutes ses 14 000 bouteilles », le vigneron prend toutefois plus de hauteur et donne son avis. « Tant que nous ne ferons pas de la qualité, nous ne nous en sortirons pas. Il faut faire bouger les lignes. Prenons exemple sur ce qu’ont fait les Magrez, Lurton ou encore Dupuch ». Le viticulteur décrit un pôle d’attractivité viticole exceptionnel à Bordeaux, mais qui n’arrive pas à s’adapter. « L’Homme s’est toujours adapté à son environnement. Il faut être intelligent, pas dogmatique. La région viticole bordelaise produit 5,5 millions d’hectolitres mais n’en vend que 4,5. Autant produire 4,5 millions d’hectolitres et rémunérer tout le monde. Il faudrait produire moins, mais mieux ».

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