Viticulture et voisinage : « jouer la transparence » pour bien vivre ensemble


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 12/04/2017 PAR Solène MÉRIC

Pierre-Charles Dartier, vigneron exploitant dans le bayais le reconnaît volontiers : « Jusqu’à il y a 4 ou 5 ans, certains voisins exprimaient des craintes. Ils se plaignaient surtout du bruit et des odeurs, et s’interrogeaient un peu sur les produits phytosanitaires. Je les entendais mais je n’écoutais pas vraiment, j’étais assez refermé sur moi-même, mon travail, et l’exploitation. » Jusqu’au jour où les choses sont montées d’un cran : une altercation entre un voisin et un salarié. Un mal pour un bien en quelque sorte car l’épisode a été le début d’une prise de conscience pour le viticulteur des nuisances qu’il pouvait causer à sa dizaine de voisins proches, dont un en bordure immédiate des vignes et une école.
« J’ai pris de la hauteur pour voir ce qui n’allait pas chez moi, et peu à peu j’ai changé mes habitudes. D’abord, j’ai investi dans du matériel moins bruyant, j’ai changé mes produits en éliminant les CMR (agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) et en supprimant les produits avec odeurs. Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont moins dangereux, notamment à manipuler, mais c’est une gêne en moins par rapport aux riverains… Je commence aussi à diminuer les doses de traitements.» Un processus encadré par l’entrée dans la certification Terra Vitis, qui pose une démarche de progrès sur l’exploitation permettant au vigneron de faire le point sur l’ensemble des leviers (humains, technique ou encore opérationnels) pour des pratiques durables. « Concernant la proximité de l’école, j’ai supprimé 4 rangs de vigne, et j’ai planté des haies, comme l’impose de toute façon la réglementation. Tout se passe bien de ce côté là. »

« Expliquer ce que l’on fait, comment et pourquoi »
Mais, au-delà des efforts consentis sur l’exploitation en elle-même, le viticulteur est aussi entré dans une phase de communication et de dialogue avec ses voisins pour les informer de ses pratiques et des changements effectués. « J’ai fait du porte à porte, j’ai pris les numéros de téléphone. Ca n’est pas facile en terme d’ego, mais ça marche. Je préviens lorsque je traite, pour par exemple ne pas laisser sécher du linge dehors, couvrir sa piscine, etc. Mais ça on l’a toujours fait. Et je fais aussi attention aux horaires : j’évite par exemple, le mercredi après-midi, lorsque les enfants sont dans les jardins… »
Si en ce qui le concerne, le processus a un coût, puisque son nouveau pulvérisateur, moins bruyant, représente un investissement de 30 000 €, il reconnaît qu’il aurait du être attentif à ses voisins plus tôt, « il y aurait eu moins de rancoeur », admet-il avant de faire le constat que « mon  image a changé dans le voisinage, je ne suis plus « l’horrible pollueur sur son tracteur, je suis Pierre-Charles à qui on dit bonjour. Et personnellement, je ne peux que conseiller aux viticulteurs de s’intéresser à leur voisin. On a tous les moyens d’avancer peu à peu. »
Un point de vue partagé par tous les intervenants de la table ronde, dont Mélanie Chenard Directrice de l’exploitation du lycée viticole de Libourne Saint-Emilion, soucieuse elle aussi de « ses » voisins, parmi lesquels, les bâtiments du lycées et de l’internat qui donnent directement sur les vignes. « Les leviers sont nombreux. Mais la communication est une part importante. Du moment où l’on explique ce que l’on fait, comment et pourquoi, déjà les regards changent. Ça peut-être un peu contraignant, concède-t-elle, mais ça n’est pas si compliqué. Il suffit de jouer la transparence. » Une communication qui passe au lycée viticole, comme sur l’exploitation du Château Luchey-Halde entourée de nombreux voisins, par des réunions de voisinage, des alertes SMS avant les traitements ou encore par un système de drapeaux rouge ou vert, indiquant l’accessibilité des vignes, ou pas, au éventuels promeneurs. Et pour assurer une cohérence, « la communication est aussi importante en interne. Notamment autour de la formation des chauffeurs par exemple… », souligne Mélanie Chénard.

Quant à la suite des projets du viticulteur Pierre-Charles Dartier, il prévoit d’investir dans du matériel de confinement, qui permet de limiter de manière importante les pertes de produits dans l’air et dans le sol, lors des traitements, (et au passage aussi diminuer les coûts des intrants…). De quoi être encore plus appréciés de ses voisins.

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