Yannick Frances, président de la FDSEA de la Dordogne, tire la sonnette d’alarme


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 05/09/2014 PAR Claude-Hélène Yvard

@qui! –  Durant l’été, la FDSEA et les jeunes agriculteurs de Dordogne n’ont cessé d’interpeller les élus, l’administration, sur de nouvelles contraintes réglementaires qui pèsent sur l’agriculture périgourdine. Quelle est la situation en cette rentrée ?

Yannick Frances, président de la FDSEA de la Dordogne.  Nos sujets d’inquiétude en cette rentrée sont nombreux. Notre première préoccupation concerne les dossiers PAC. Une majorité comporte un nombre très élevé d’anomalies. Le second touche à l’extension des zones vulnérables. Chaque année, au plus tard au 15 mai, pour constituer une demande de primes PAC, les agriculteurs sont tenus, sur un logiciel de déclaration en ligne, de dessiner le tracé de leur parcellaire cultivé sur des photographies aériennes qui constituent le registre parcellaire graphique (RPG). Les espaces boisés doivent être exclus.  Ces déclarations sont comparées par la Direction départementale du territoire (DDT)  à des cartes de l’Institut national de géographie.La nouvelle interface du RPG a induit en erreur de nombreux télédéclarants, l’épaisseur de délimitation de parcelles ayant été modifiée depuis le 15 mai.  C’est comme si on avait changé les règles en cours de route. Si bien qu’aujourd’hui, sur 6330 dossiers PAC déposés en Dordogne, 80 % comportent au moins une anomalie bloquante. Plus de 35 000 anomalies ont été relevées par l’administration. 

@qui! –  Quelles en sont les incidences ?
Yannick Frances : 
 La première incidence est donc financière, à un moment où les trésoreries sont dans le rouge. Et la Dordogne figure dans le peloton de queue en termes de revenus agricoles.  La situation de l’agriculture périgourdine est très difficile, toutes filières confondues. Je crains que pour la grande majorité des exploitants, les premiers acomptes ne soient pas versés en octobre. La DDT que nous avons rencontrée a obtenu des crédits supplémentaires pour embaucher des vacataires. Elle estime pouvoir effectuer l’avance de paiement au 16 octobre pour 60 % des exploitations et réaliser plus de 90 % des dossiers en décembre.  Ces retards risquent de mettre à mal de nombreux agriculteurs qui vont avoir des difficultés à rembourser leurs emprunts. Des efforts et de la souplesse ont été demandés aux coopératives et aux banques. Mais au final, ce seront les agriculteurs qui trinqueront. Pire pour toutes les anomalies confirmées, l’agriculteur sera sanctionné de façon rétroactive sur les exercices 2013, 2012, et 2011, des pénalités seront appliquées avec une demande de remboursement pour trop-perçu pour les deux campagnes PAC précédentes. Nous regrettons aussi le manque d’information de l’administration : de nombreux agriculteurs ne savent pas que leur dossier pose souci. Nous allons organiser des réunions sur le terrain pour les tenir informer.

@qui! –  Le nombre d’anomalies dans les dossiers PAC relevées en Dordogne est-il aussi élevé dans les autres départements aquitains? 
Yannick Frances : Le problème a concerné d’autres départements  y compris aquitains, notamment les Pyrénées-Atlantiques. Il semble qu’il soit en voie de résolution ailleurs. S’il affecte particulièrement la Dordogne, c’est que nous avons la particularité de pratiquer une agriculture  » de clairière ». Nous n’avons pas arraché nos haies et nos arbres. Notre paysage rural est complexe : nous avons des champs délimités par des haies, de nombreux arbres ont été conservés pour le bien être des animaux, notamment pour qu’ils puissent bénéficier de zones d’ombre en période de chaleur. Ce qui est absurde, c’est que la conservation des haies, des arbres, le développement du bio,  sont dans l’esprit des politiques environnementales que l’Union européenne veut instaurer. C’est à ne rien y comprendre. 

@qui! -La nouvelle carte élargie des zones vulnérables présentée par le Ministère de l’Ecologie le 23 juillet provoque la colère des responsables agricoles dont vous faites partie. Pouvez-vous expliquer pourquoi et quelle est la situation en Dordogne  ?

Yannick Frances : Fin juillet, la carte des zones vulnérables a été étendue à 3888 communes supplémentaires. 70 % de la SAU française est désormais classée en zones vulnérables. Personne n’est dupe : cette proposition est liée à la menace d’une condamnation de la France par la Cour de justice européenne pour manquement à l’application de la directive nitrates.  Cette amende pourrait s’accompagner d’une astreinte journalière financière de plusieurs millions d’euros. Au-delà de l’extension de la carte, c’est le manque de discussion et de concertation qui a provoqué la colère du monde agricole. Nous n’avons pas été entendus. La profession agricole au niveau aquitain, exige aujourd’hui que les discussions autour de l’élaboration du 5e programme d’actions régional nitrates soient rouvertes. Ce serait un premier pas. En Dordogne, 99 communes sont maintenant intégrées à ce zonage contre 17 auparavant. Beaucoup d’agriculteurs ne sont pas informés de leur « passage » en zones vulnérables. Cette nouvelle carte se traduit par de nouvelles contraintes.Le taux de nitrates maximal autorisé a encore été abaissé : la France est allée au-delà des préconisations de l’Europe, par crainte de représailles. La France cherche à laver plus blanc que blanc. 

Pour l’agriculture, ce nouveau zonage entraîne des mises aux normes lourdes, sans qu’aucun accompagnement soit proposé. À titre d’exemple, un exploitant situé en zone vulnérable devra être en mesure d’avoir une capacité de stockage de ses effluents de six mois au lieu de quatre. Comment finance t-il cette nouvelle mise aux normes,  alors que la première a coûté très cher, avec quels moyens financiers, quels délais seront t-il accordés à l’exploitant ?  Quelles aides éventuelles ? On n’en sait rien. Comment, d’une part, nos dirigeants peuvent porter un discours prétendant soutenir l’élevage et le renouvellement des générations en agriculture, quand de l’autre côté, de nouvelles contraintes mettent en danger la viabilité économique même des exploitations. Si cela continue, on s’achemine vers un vrai plan social de l’agriculture. La colère est telle que nous ne resterons pas sans réagir. 

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