Humeur : Vu de Tananarive et Fort-Dauphin : Aqui !

Plus de beurre dans les épinards qui, d’ailleurs, comme tous les produits de la terre, ici, s’achètent au double du prix tananarivien. La légendaire débrouillardise du malgache refleurit sur les cendres de l’empire TIKO : c’est à qui trouvera le produit laitier ou l’huile pour agrémenter son repas quotidien. Au prix du marché. Noir, bien sûr. Pénurie d’eau en bouteille également ; l’eau du robinet, couleur safran, exhale une odeur d’humus. Le peuple en a assez de danser le salegy. Un pas en avant, un pas en arrière. Stériles déhanchements entre les deux. Il est las d’applaudir sur commande ces joutes politico-financières : « tu me destitues, je te forme un gouvernement insurrectionnel ».

La démarche de TGV (ndlr : surnom du maire de Tananarive) devant la cour constitutionnelle a peu de chances d’aboutir. Encore un autre apprenti politicien, incapable de respecter les formes :il aurait d’abord dû passer par l’Assemblée Nationale puis le Sénat ; et obtenir les deux tiers des voix pour que sa demande de destitution du Président pour violation répétée de la Constitution soit acceptée. Mission impossible. Madagascar a son kamikaze. Incompétent ou mal conseillé ?
Le public s’inquiète : lequel de ces « ego » ne pas choisir ?
Sournoisement la fièvre couve. Les mises à feu continuent. La plus récente : l’avion ayant amené le ministre de l’Economie à Farafangana (Sud-est) a brûlé. Comme si la flotte aérienne malgache pouvait se permettre ce genre d’excentricités. Par la même occasion, les boutiques des Ambaniandro – gens des Hauts-plateaux de l’ïle – sont mises à sac. A cette heure le ministre est porté disparu ! Courage, fuyons.
Pendant ce temps, Ra8 (ndlr : surnom du Président malgache) est en visite à Fort Dauphin. Il est logé chez le sénateur milliardaire Kaleta, expert en prêt-à-porter : je retourne ma veste, un petit coup de teinture, je rajoute une poche à soufflets (plus facile à remplir) et oups, j’avale la couleuvre. Le chaland s’interroge : Ra8 serait-il venu pour vider les caisses de la succursale de la Banque Centrale ? Ah, le bon sens plébéien ! Les rumeurs qui courent ce jour prêtent moins à sourire. Les actes de brigandage pourraient descendre à Fort Dauphin très bientôt. Pas plus mal : plus au sud c’est le pôle sud. La fièvre tomberait donc ensuite ? Ne restons pas inactifs : malgré le couvre-feu, de nouvelles nuits blanches sont programmées.

Photo : Mwanasimba

« lettre de Mamy R., girondin de coeur, en direct de Tananarive et Fort Dauphin. »