Quel avenir pour les « petits vins » de Bergerac ? La qualité et l’oenotourisme


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 28/02/2011 PAR Joël AUBERT

Ils sont généreux, corsés et bouquetés : les vins de Bergerac sont discrets mais ont du caractère. Quel type de gestion, conditions de production, commercialisation, faut-il mettre en place pour faire prospérer ces terroirs d’une grande richesse ?  Interrogation avec Sylvie Labat  qui est « tombée dans le bain de la viticulture dans ses jeunes années »; son regard et son vécu éclairent les enjeux actuels de la viticulture bergeracoise. Elle gère les aspects social, commercial, relationnel et de comptabilité dedeux exploitations bergeracoises: Château Richard à Monestier appellation Bergerac et Saussignac(propriétaire Richard Doughty) et Château Haut Bernasse à Monbazillac(Société Jules et Marie Vilette).
Ces deux Châteaux appartiennent aux55% de vignobles qui sont indépendants. D’une superficie de 12ha chacun, ils ont encommun le fait d’appartenir à une personne physique, un propriétaire qui cultive lavigne, élabore le vin le vend sous sa propre marque.

Travailler ‘à l’ancienne’ : une façon de garantir une notoriété plus durable ?
« Le Château Haut Bernasse est spécialisé dans la production de Monbazillac de qualité. » En effet, il privilégie les petits rendements, travaille sur de vieilles vignes, et réalise ses vendanges en comportes. S’ajoute à ces méthodes très traditionnelles, l’usage strict des pressoirs hydrauliques COQ de 1926 (un pressurage lent respectueux du raisin). La fermentation et l’élevage se font en barriques. La chaptalisation n’y est pas pratiquée, et tout type d’additifs est rejeté. « Ce sont des vins très coûteux à produire et il est très difficile d’arriver à les valoriser. » Dans ce type d’exploitation, la marge d’innovation est très limitée d’un point de vue technique. Il semble y avoir davantage de possibilités dans le marketing : habillage du flacon, contenance inhabituelle …

Le Monbazillac a une notoriété indéniable en France et à l’étranger.Il a eu son heure de gloire dans les années 1930 ; un succès quientraîne un élargissement de la zone de production, mais aussi unebaisse de la qualité : « aujourd’hui, la culture s’étend sur lesplaines, et plus seulement sur les côteaux (plus qualitatifs). D’où uneperte d’image ». Dans les années 1980, un petit groupe de viticulteursrelance la production d’un Monbazillac qualitatif, l’image reprend unpeu de sa noblesse, mais la qualité générale reste très hétérogène. Etde fait, si l’appellation de certains vignobles a une notoriété quipermet une meilleure chance de survie sur le marché mondial, «l’appellation Bergerac, elle, n’a jamais eu de notoriété. Elle estécrasée par son voisin de Bordeaux. Dans l’esprit de la plupart desgens, le Bergerac reste un vin de terroir d’un bon rapport qualité-prix.»

Il a cependant la chance d’être produit dans un départementhautement touristique et l’œnotourisme sera peut-être sa planche desalut : « Des réseaux se constituent pour attirer les touristes sur lespropriétés : Route des Vins de Bergerac, Destination Vignobles (auniveau aquitain). »

Le Château Richard de son côté produit en Agriculture Biologique depuis 1991. « Il est le pionnier dans la région et fait beaucoup d’émules depuis. Dès qu’il a commencé à cultiver la vigne en 1988 – il faut trois ans pour convertir des vignes non bio en vignes bio – l’option Agriculture Biologique s’est imposée à lui. » Richard Doughty mise beaucoup sur le développement de ses cuvées sans sulfites dont il a multiplié la production par cinq en trois ans.

D’une vente de proximité à une vente sur le marché mondial
La commercialisation est assez similaire et éclectique sur les deux propriétés : « Nous vendons à la clientèle particulière – touristes de passage ou expéditions. Aux cavistes, aux restaurants – même si cette activité est en baisse avec la restriction de la législation sur l’alcool au volant (!). Nous vendons aussi et surtout à l’export : vers le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada, l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, le Japon. En plus de ces circuits, le château Richard, de part sa production en bio, vend une grosse partie de sa production dans le réseau des Biocoop ». Tous les producteurs indépendants de la région possèdent au moins un nom de château ou marque, voire deux, pour pouvoir vendre le même vin dans des circuits de vente différents : Grande Distribution et CHR. « Le Château Haut Bernasse et le Château Richard sont deux marques déposées, que l’on décline ensuite avec des noms de cuvée : cuvée Osée pour le rouge sans sulfite, cuvée Jules et Marie Villette pour le Monbazillac haut de gamme ». Sachant que… « si la marque d’un vin contient le mot ‘Château’ dans son appellation, c’est mieux. ». C’est un aspect qui favorise la commercialisation.

Ces nouvelles questions sur la commercialisation dues à l’ouverture du marché et à la rudesse de la concurrence ne doivent cependant pas faire oublier ce sur quoi conclut Sylvie Labat : « Vendre du vin, ce n’est pas comme vendre des machines, des outils ou des haricots verts. Le vin est synonyme de culture, de convivialité, de partage, de fête (surtout les vins liquoreux!). Il y a dans tout ça un petit côté alchimie ».
Photo : aqui.fr

Fanny Cheyrou

Le vignoble de Bergerac s’étend sur 12 500 ha. en production, soit 2.6%de la surface viticole en AOC française et 8.9% de la surface viticoleAOC d’Aquitaine. La surface moyenne des exploitations est de 11 à 12hectares. La viticulture bergeracoise est un bassin d’emploiimportantavec plus de 1700 emplois directs à temps plein. ».

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