Penthésilée, la fiévreuse reine des Amazones au TnBA


TNBA
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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 03/03/2010 PAR Hélène Fiszpan

Amour et Loi : deux notions de combat
Ecrite en 1807 par l’auteur allemand Heinrich Von Kleist, Penthésilée reprend le mythe en le détournant pour en accroître son sens tragique. Quand la mythologie raconte le combat de la reine des Amazones contre les Troyens et sa chute face à Achille qui tombe amoureux d’elle en la transperçant de son épée, ici l’écriture est autre. Elle se fait plus cruelle, exacerbée et autorise les délires les plus féroces. Penthésilée s’embrase pour Achille au premier regard et n’aura de cesse de le conquérir et le faire sien au combat comme l’exige la loi de ses mères fondatrices. Une violence physique et psychologique qui la tortureront jusqu’au paroxysme: devenue ivre d’amour, enfermée dans sa condition et en prise avec la folie,elle tuera Achille alors que ce dernier venait à elle posant les armes. « Enlacer, lacerer cela rime » nous dit l’héroïne face à son acte irréversible car « celui qui aime d’un coeur ardent peut prendre l’un pour l’autre »…Triste fin, pourtant prévisible, lorsqu’on sait la nature même d’une tragédie alliée au tempérament de l’auteur, lui qui, au 19 ème siècle fût diagnostiqué d’une « mélancolie morbide », à la suite d’une rupture avec sa fiancée Wilhelmine.

Un théâtre de pulsion et de coeur
Mais pour en terminer avec l’histoire de ces deux amoureux, il aura fallu attendre deux heures de spectacle et admirer sur scène les corps de ces treize jeunes acteurs. Tout aussi fougueux que leurs personnages, les élèves se relaient pour figurer Achille, Penthésilée, Protée, les Amazones, Otto… Pas de rôle titre donc mais une incarnation différente en fonction des scènes, offrant à chaque interprète l’occasion de montrer son talent, son engagement physique et son sens de la dramaturgie. C’est sans doute là l’ingéniosite de la pièce qui, à défaut d’offrir une distribution classique propose un terrain de jeu généreux. Le rythme et l’implication des élèves, leur plaisir à jouer ces personnages, à enrager ou au contraire se lover en toute sensualité sont des éléments moteurs de la pièce et fondent sa réussite. Collectif/individu, indépendance/aliénation, dégoût/désir sont autants de sentiments et de notions à explorer de manière jouissive pour un jeune comédien. Les moyens scénographiques sont faibles mais l’envie est là, les idées n’auront plus qu’à suivre. Au décor de champ de bataille, le metteur en scène substituera un cercle de terre, lieu de transition dans lequel s’affronteront la meute de femmes contre le clan des hommes. Armures et chevaux ne feront plus qu’un dans des corps animalisés, à la gestuelle chevaline et nerveuse, mis à nu pour faire saillir leurs os et leurs muscles, leur chair et leur peau. Car dans ce texte, tout n’est que réaction physique et irraisonnée: Achille et Penthésilée s’aiment en un regard et s’entretuent de ce même coeur pourtant si ardent. L’histoire est belle et tragique, le texte une poésie mélodieuse, et si la pièce s’essouffle par moment de tant d’énergie déployée ou des choix de registres musicaux, ce travail de fin de stage reste avant tout un excellent moment de théâtre. Un théâtre modeste qui s’en tient à sa définition la plus succinte mais qui surpasse certaines grosses productions visibles sur nos scènes ayant oublié l’essentiel derrière la machinerie: partager un texte avec ferveur et raconter une histoire, n’importe laquelle, n’importe comment.

Hélène Fiszpan

 

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